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Cahier de nuit


Thierry73

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« Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas des hommes et des femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose…Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de ces hommes et de ces femmes le désir de la mer. » Citadelle. Saint-Exupéry

9) LE BESOIN ET LE DÉSIR

Après 30 ans d'enseignement, je peux dire qu'il était beaucoup plus intéressant de travailler il y a dix ans en arrière. Même si l'esprit de compétition existait, il n'y avait pas tout ce qui s'est greffé depuis. Désormais, la reconnaissance passe bien davantage par le "crétinisme" que la performance, le désir d'apprendre, cette envie de se projeter en avant. Le leader est un "collaborateur"...C'est effroyable. "NTM" est bien plus reconnu que "Rimbaud". Les rebelles brûlent des bagnoles et cassent du flic, ils violent des filles dans les caves et se shootent à la colle, font des bras d'honneur et n'ont aucun honneur. Et ils ne comprennent même pas qu'ils font le jeu des États qui vont mettre en place une répression qui rassurera les citoyens bien pensants. La boucle est fermée. Le conditionnement génère des douleurs immenses et des actes violents qui seront réprimés par l'État qui a favorisé ces mouvements. Il en ressort "blanchi" et encore plus puissant.

"Mais moi, l'école, je n’en ai pas besoin. Et je ne la désire pas."

Inutile de préciser que cette phrase lancée par un élève m'a sacrément remué.

S'il n'y a pas de besoin, il ne peut y avoir de désir. Mais pourquoi ce manque ne s'éveille-t-il pas ? Je ne garde que la conclusion d'un long échange avec les enfants. Une idée principale qui est ressortie de façon générale.

Le plus difficile avec l'école, c'est de n'être jamais autorisé à profiter du présent... Dès qu'un apprentissage est fini, un autre commence. Dès qu'une leçon est apprise, une autre arrive. Dès qu'un contrôle est passé, un autre se prépare. Dès qu'une année est finie, une autre se présente.

Il n'y a pas de présent dans cette course en avant, ce qui revient à priver l'enfant de la satisfaction. D'autant plus qu'il n'y avait pas en lui de besoin ou de manque ni par conséquent de désir. L'école n'est qu'un labeur constant qui n'autorise que subrepticement le contentement. La pression revient immanquablement à la charge.

On voit dès lors l'importance du Maître. Il est le seul à pouvoir déclencher ce besoin essentiel. Qu'un désir s'éveille, que le labeur devienne plaisir, que l'énergie ne soit pas constamment projetée vers l'avenir mais dans la jouissance de l'instant, dans le bonheur d'apprendre, sans qu'aucune sanction ne vienne salir ce bonheur. On voit dès lors l'incongruité du système. Des notes, des contrôles, des bulletins, des appréciations, des sanctions arbitraires, des jugements subjectifs, des évaluations nationales dès la maternelle, tous les "Peut mieux faire" qui rappellent que la vie est à venir, que le futur est un présent insaisissable, qu'il faut travailler encore et encore pour s'approcher de ce fameux seuil de réussite cher au système.

"Tu seras un Homme mon fils," disait Kipling.

-Est-ce que ça donne le droit au système de m'arracher à ma vie d'enfant?"



L'enfant est là. Et pas dans cet avenir d'adulte. Ce système révèle avant tout l'incapacité des adultes à générer en l'enfant ce besoin de connaissances, ce désir d'apprendre, cette énergie à utiliser pour être celui qui sait et non, uniquement, celui qui doit savoir, le regard fixé vers l'horizon à atteindre.

On en revient à cet épouvantable espoir que l'on martèle dans des esprits malléables. Cette idée que la vie est à venir, qu'il faut gagner sa vie, qu'il faut préparer sa retraite, qu'il faut réserver son caveau. Jusqu'à en oublier d'être là.

L'école en devient finalement un apprentissage de toutes les dérives de l'individu. Sans aucun regard sur une vie spirituelle moribonde.

Pour ma part, je pense que le mal est fait à l'école primaire, qu'il est renforcé par le collège et trouve son aboutissement au lycée. C'est une œuvre de désintégration de l'individu. Comment des parents pourraient-ils s'investir dans le respect de l'école quand ils ont eux-mêmes été démolis par cette école, qu'ils le sont encore par le jugement inique de certains enseignants? Il faut arrêter de dire que les parents n'éduquent pas leurs enfants. Aucun parent n'est satisfait de la révolte et de l'échec scolaire de leurs enfants. Eux aussi, ils en souffrent. Et de toute façon, mettre les parents au pilori ne les incitera jamais à soutenir les professeurs.

Celui qui est condamné ne sera jamais le soutien de ses juges.

Que l'école reconnaisse ses erreurs serait déjà un pas immense, qu'elle reconnaisse qu'elle n'est plus un sanctuaire mais un tribunal, qu'elle admette qu'elle doit revoir à la base même son fonctionnement, que les enseignants apprennent à vivre avec les jeunes et non "contre" les jeunes.

Le projet de classe est le seul moyen de créer le "manque" favorable à un désir. Que ce projet soit associé à la vie du jeune et non le support à un enseignement didactique. C'est la motivation le moteur et non la peur de la sanction. Il n'y a aucune sanction à donner quand on travaille en osmose. C'est un accompagnement et non un rapport de force. Je n'ai plus confiance dans la majorité des enseignants. Ils sont bien plus responsables de la situation que les familles elles-mêmes. Le rejet du problème sur les autres est une pratique ancestrale. Ça n'a jamais rien changé. Lorsque des parents sont obligés d'aller chercher de l'aide en dehors de l'institution, c'est que celle-ci n'assure plus sa mission. Quant aux parents d'élèves, ils sont déjà tellement assommés par la vie quotidienne qu'ils se contentent bien souvent de faire le dos rond.

Il ne s'agit plus de changer de techniques d'apprentissage, de calendrier scolaire, de formation des professeurs mais bien d'établir QUI mérite d'entrer dans cette fonction ? C'est au départ que ça se joue. Mais pour établir quels sont les critères de sélection des futurs enseignants, encore faut-il que le projet éducatif soit entièrement reconstruit. Et ça, personne ne le veut.

Le fait par exemple que les enseignants soient recrutés avec un master est un non sens absolu étant donné qu'on va chercher les enseignants parmi ceux qui ont supporté le système...Les plus conditionnés, les plus malléables. Et qui ont oublié depuis longtemps leur propre parcours à l'école primaire. Ils n'en gardent que les "récompenses" qu'ils ont obtenues...Recruter après le BAC était bien plus favorable... Et largement suffisant, techniquement, pour enseigner à de jeunes enfants. Une formation dans la psychologie de l'enfance me semble être un critère essentiel aujourd'hui. Au lieu de cela on retrouve des adultes ayant passé un master en SVT, histoire, Anglais, mathématiques, lettres modernes... Où est l'intérêt ? Est-ce que ces gens se sont interrogés sur l'importance spirituelle de ce métier, sur le développement de l'enfant, sur l'accompagnement indispensable et non l'élaboration de critères sélectifs ? On nous demande de faire des évaluations alors qu'on ne connaît même pas les enfants qu'on évalue...On ne connaît que leur capacité à entrer dans un cadre restrictif.

La complexification artificielle des méthodes du primaire est une absurdité. Ça n'a rien de compliqué d'apprendre à lire, à compter. Ça n'est pas la technique qui importe mais l'énergie, l'amour, la patience, l'attention, l'empathie qu'on y met. Ça ne sert à rien de faire de la linguistique avant, absolument à rien. Comme ça ne sert à rien de faire des maths en fac pour aller apprendre la multiplication. C'est comme si on demandait à un bûcheron de savoir faire un meuble Louis XVI avant de tronçonner un chêne. C'est la vie du chêne qu'il doit connaître.
C'est la formation de "l'individu-enseignant" qu'il faut entièrement reprendre, le contenant et pas le contenu.

Le haut niveau d'étude éloigne l'individu de la sphère enfantine. Dès lors, il agit comme un technicien, certain de ses compétences intellectuelles au lieu d'être un individu aimant et sensible à cette sphère enfantine. L'essentiel dans un apprentissage est de comprendre le fonctionnement de l'enfant au lieu de vouloir le faire entrer dans un fonctionnement d'adulte. Être l'enfant au lieu d'être un technicien. Entrer dans sa sphère au lieu de chercher à le faire entrer dans un espace hermétique pour lui. L'enseignant qui comprend l'enfant l'amène à se comprendre lui-même. Dès lors, il ne s'agit pas d'être enfermé dans un fonctionnement stéréotypé mais de briser en soi ce carcan de certitudes. Plus on croit savoir et moins on est apte à apprendre. Apprendre pour soi comme apprendre aux autres. Il faut se vider de soi pour devenir "l'enfant" et l'amener en tant que compagnon de cordée à avancer. Il n'y a pas le maître et loin derrière lui un groupe d'enfants épuisés mais un ensemble homogène avançant conjointement vers un but. Le maître qui fait la trace en oubliant la réalité du groupe affaiblit la classe entière parce qu'elle n'existe pas. Elle n'est plus qu'un ensemble de techniques privée de sa condition humaine.
Et quand on tue l'humain, il ne faut pas lui demander en plus d'être heureux.

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LA TEMPÊTE

Une discussion très intéressante aujourd'hui en classe.

J'ai posé une question de mathématiques à une élève qui a beaucoup de mal à gérer les émotions qui surviennent dès qu'elle est sous le "feu des projecteurs."

Elle ne trouvait pas la réponse alors que je savais qu'elle en était parfaitement capable. J'ai stoppé sa réflexion et je lui ai demandé "d'observer" ce qui se passait en elle...Moment de silence et puis elle dit, tout doucement,

"Ça me fait chaud...

-Qu'est-ce qui te fait chaud ?

-C'est quand je ne trouve pas la réponse.

-Oui, ça je le sais mais qu'est-ce qui déclenche, intérieurement, cette sensation de chaleur ?

-C'est parce que j'ai honte de ne pas trouver la réponse et je vois que les autres qui lèvent le doigt ont déjà trouvé, alors ça m'énerve contre moi.

-Oui et bien c'est tout simplement de la peur et tout ce qu'elle déclenche."

Silence.

Je voulais leur donner à tous une image pour expliquer le phénomène.

"Imaginez une personne qui décide d'aller balayer les feuilles des arbres qui couvrent sa terrasse. Le vent souffle par rafales et à chaque fois qu'il arrive à former un petit tas de feuilles, il y a une bourrasque très forte qui éparpille toutes les feuilles. Et bien, dans votre crâne, c'est la même chose. C'est la tempête. Les feuilles qui tourbillonnent dans tous les sens sans que vous puissiez les attraper, ce sont vos connaissances, tout ce que vous avez appris, qui est en vous mais tout vole de façon anarchique et vous ne pouvez rien en faire. Il faut calmer la tempête pour que les feuilles se reposent au sol et que vous puissiez les saisir et vous en servir. Sur une des feuilles, il y a la réponse à la question qui est écrite."

Plusieurs enfants interviennent.

"Moi j'ai toujours la même phrase qui tourne dans la tête : mais pourquoi est-ce que je ne trouve pas la réponse."

-Et tu penses que cette phrase peut t'aider ?

-Oh, ben non, ça ne sert à rien.

-Et qui a fabriqué cette phrase dans ta tête ?

-Ben, c'est moi.

-Alors, il n'y a que toi qui peux la faire disparaître. C'est pour ça que je vous dis tout le temps qu'il faut vous observer intérieurement. Cette peur, elle n'est pas tombée en toi du plafond, elle ne passait par là par hasard et elle se serait dit : tiens, je vais aller embêter cette petite fille. Moi, quand j'étais petit et que j'avais envie d'aller faire pipi la nuit, j'étais terrorisé par le noir dans le couloir et je ne devais pas allumer la lumière pour ne pas réveiller mon frère. Alors, je longeais le mur en collant mon dos pour que personne ne m'attaque par derrière...Qui avait inventé cette peur ? C'est moi, bien sûr. On a tous des peurs imaginaires. Il faut les regarder et discuter avec elles et donc avec soi."

On a continué la discussion pendant un moment et j'ai repensé à cette réflexion des enfants qui lèvent le doigt pour donner la réponse qu'ils pensent détenir. Cette honte, ce stress, cette peur que ces doigts levés génèrent ne sont absolument pas favorables à l'enfant qui a été interrogé. L'objectif pour moi est de voir si d'autres enfants suivent, réfléchissent, souhaitent participer mais par la même occasion, je déstabilise un enfant. C'est moi qui créé cette situation de stress.

La question est donc de savoir si je ne devrais pas interdire aux enfants de lever la main tant que le premier enfant interrogé réfléchit et dire que je peux interroger n'importe qui d'autre dans un moment si je pense que le premier enfant ne trouvera pas.

De plus, il est fort probable que ceux ou celles qui ne cherchent plus parce qu'ils voient des doigts levés se sentiront sous la "menace" d'être désignés et par conséquent, ils continueront à chercher la réponse.

L'objectif de la participation de tous serait atteint et le premier enfant serait "libéré" de cette pression du groupe.

Ce qui est évident en tout cas, c'est que la gestion des émotions est un objectif prioritaire de la classe. Et il faut garder à l'esprit que la pression de la classe est néfaste. Le travail en groupe a cette capacité à libérer les enfants les plus émotifs et c'est donc une pratique très positive.

L'analyse de la pratique...L'essentiel du travail à mener sur soi.

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Je te rejoins complètement sur le passage de la formation des PE pour enseigner au primaire (j'ai un souci, je n'arrive plus à citer quand je clique sur "citer" ..... :(

A bientôt et encore merci :)

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Je te rejoins complètement sur le passage de la formation des PE pour enseigner au primaire (j'ai un souci, je n'arrive plus à citer quand je clique sur "citer" ..... :(

A bientôt et encore merci :)

Bonjour Amélie. Très heureux de voir que tu t'accroches toujours :) La formation, je n'en ai pas eue. Je suis entré sur liste supplémentaire, à deux places de l'entrée à l'école normale OUF sauvé :) J'ai été placé dans une classe unique avec douze enfants, de la MS au CM2. Une de mes plus belles années. J'avais un conseiller pédagogique extraordinaire et un inspecteur comme je n'ai plus jamais connu. Il est même venu passer deux jours au camping à Camaret pendant une classe voile-escalade. L'inspecteur sous la tente avec les enfants, tu imagines :) J'ai eu ensuite quelques stages sur trois années, du temps perdu, rien d'autre. J'ai balancé tous les documents dès le retour en classe. Il n'y a rien de technique dans ce métier. Rien qui ne puisse s'apprendre par soi-même à travers l'observation des enfants. Les technocrates qui nous disent comment faire ne tiendraient pas une semaine. Tous ces profs et ces intervenants que j'ai vus, ils n'avaient que des techniques en eux. C'est à dire un cache misère. Ce métier, ça ne s'apprend pas dans les livres, ça ne s'apprend pas en écoutant les autres,ni encore moins en me lisant :) C'est uniquement un chemin personnel, une implication constante, une dépense d'énergie considérable, non pas en préparations de classe, en fiches , tableaux et graphiques mais une énergie existentielle. L'analyse de la pratique, l'observation de soi, une introspection indispensable.

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Thierry73,

Je pourrais être Polythene Pam65, y a des montagnes par chez moi aussi.... Ton témoignage de ta sortie ski, j'aurais pu écrire le même....

C'est rassurant de savoir que, dans ce nid de frelons qu'est devenu l'institution Education Nationale, il y a, comme dans Astérix et Obélix, des irréductibles !

Tiens bon encore quelques temps, et partage, partage, partage encore, c'est bon !

Il est nécessaire (et c'est un des bienfaits du net) de diffuser, de raconter, d'argumenter, toutes les saloperies institutionnelles qui ont brisé l'Ecole en France, et de montrer qu'il existe des solutions, à condition de se remettre effectivement en question, d'échanger, de ne pas se laisser faire par une hiérarchie délirante digne d'Alfred Jarry et de son père Ubu !

Merci à toi, et ne lâchons rien.

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Thierry73,

Je pourrais être Polythene Pam65, y a des montagnes par chez moi aussi.... Ton témoignage de ta sortie ski, j'aurais pu écrire le même....

C'est rassurant de savoir que, dans ce nid de frelons qu'est devenu l'institution Education Nationale, il y a, comme dans Astérix et Obélix, des irréductibles !

Tiens bon encore quelques temps, et partage, partage, partage encore, c'est bon !

Il est nécessaire (et c'est un des bienfaits du net) de diffuser, de raconter, d'argumenter, toutes les saloperies institutionnelles qui ont brisé l'Ecole en France, et de montrer qu'il existe des solutions, à condition de se remettre effectivement en question, d'échanger, de ne pas se laisser faire par une hiérarchie délirante digne d'Alfred Jarry et de son père Ubu !

Merci à toi, et ne lâchons rien.

je ne lâcherai rien Polythene même si l'institution rêve que je m'en aille. Sept ans de blocage de salaire pour avoir contesté le système féodal de l'inspection auprès du ministre et sans suivre la voir hiérarchique. Je suis barré en rouge, terroriste, rebelle, anarchiste. Tous les textes de philosophie qui sont accrochés aux murs de ma classe, jamais, ils ne me feront les décrocher. C'est MA CLASSE.

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Dans une passe difficile, je tiens à vous dire combien j'apprécie vos interventions Polythène et Thierry ............ qui me font sortir la tête hors de l'eau pour quelques minutes, brisée de fatigue, de désillusions..........

Continuez à nous donner matière à penser.

Bonne semaine

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Oh oui! Continuez ce beau cahier du soir!! Moi aussi, je suis assez désillusionnée par quelques années de pratique....

Nous sommes nombreux à être désilliusonnés, beaucoup trop nombreux et c'est effrayant de penser que les enfants ont face à eux des adultes en souffrance, des adultes bridés, encadrés, perdus par des injonctions qui n'ont aucun sens, juste parce que cette notion du "sens" justement est totalement ignorée. Il faut absolument remonter à la source.

J'ai longtemps souffert de cette lutte contre les instances dirigeantes, contre le sommet de le pyramide jusqu'à ce que je prenne conscience que cette énergie dépensée n'était plus disponible pour ma classe. C'est une perdition dont les conséquences sont dramatiques. Il faut se protéger et oeuvrer à construire une structure solide, une analyse affinée, hors du cadre puisque ce cadre ministériel est une enceinte...

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DÉBAT PHILO

Une séance passionnante aujourd'hui avec mes élèves de CM2.

J'en fais un résumé succinct. La séance a duré 45 minutes.

Ils sont assis, aucune affaire sur la table, même pas la trousse.

Je désigne un enfant et lui dit juste :

"Neige..."

Il me regarde, perplexe.

"Neige...

-Ski ?

Un signe d'acquiescement.

Un autre enfant.

"Océan...

-Bateau."

Un autre enfant.

"Vacances...

-Plage.

-Arbre

-Fruits."

Et ainsi de suite en passant d'enfant en enfant.

Puis une explication de ma part.

"Ce travail s'appelle, l'association d'idée. Je vous donne un mot et aussitôt un autre vous vient à l'esprit. Je n'ai même pas eu besoin de vous dire ce que vous deviez faire au début, vous avez fini par trouver tout seul, votre intuition était la bonne.

Puis une question.

"À quelle partie de votre cerveau faites-vous appel pour trouver le mot que vous me donnez ?"

-La mémoire.

-Oui, c'est tout à fait ça. Vous avez en vous, dans votre mémoire des associations de mots. D'où viennent ces associations ?

-De ce qu'on a lu.

-De ce qu'on a vécu.

-De nos expériences.

-De nos discussions.

-De l'école.

-Des vacances.

-Il s'agit donc d'expériences passées qui se sont inscrites dans notre mémoire. C'est une partie essentielle de notre cerveau."

Je me tourne de nouveau vers un enfant et je lui dis:

"Quark...

-..."

Vers un autre:

"Quark...

-Un animal ?

-Et les autres, vous en pensez quoi ?

-Un extraterrestre ! (rires)

-Le dernier film de Walt Disney (rires)

-Bon, est-ce que vous faites appel à votre mémoire pour me répondre ?

-Ah ben non, on ne sait pas ce que c'est !

-Pourtant vous avez répondu !

-On a imaginé !

-Voilà, c'est ça, vous avez imaginé. Il y a donc en nous une mémoire et une imagination. Les deux ne se construisent pas sur les mêmes informations et ne fonctionnent pas pour les mêmes objectifs.

-C'est sûr, on rigole plus avec l'imagination ! (rires) (on rigole beaucoup dans ma classe!)

Je laisse le silence s'installer et je pousse un grand cri en tapant des mains près d'une élève qui pousse un hurlement en bondissant sur sa chaise.

(RIRES !!!!!!!!!!!!!!!!!)

"Bon, que s'est-il passé cette fois ?

-J'ai eu peur, trop peur !!

-C'est quoi cette peur? C'est la mémoire ou l'imagination ?

-Ah ben non, je n'ai pas eu le temps !

-Pas eu le temps de quoi ?

-Pas eu le temps d'imaginer ou de me souvenir, c'était trop d'un coup !

-Alors, c'est quoi qui t'a fait réagir ?

-L'émotion !

-Oui, c'est ça, l'émotion ! Elle vient d'où ? Comment la reçoit-on ?

-Partout !! J'ai sursauté dans tout mon corps !

-Mais c'est ton corps qui a reçu l'information qui t'a fait peur ?

-Ben oui, c'est mes oreilles !

-Mais tes oreilles font quoi de ce qu'elles reçoivent ?

-Elles envoient tout au cerveau.

-Mais si tes oreilles ont reçu l'information pourquoi c'est tout ton corps qui a sursauté ?

-Ah ben parce que le cerveau a dit que c'était dangereux. Alors il a fichu la panique partout !

-Donc, c'est le cerveau qui déclenche cette émotion mais c'est par le corps qu'elle se transmet ou qu'elle prend forme, c'est ça, vous êtes d'accord ?

-Oui, c'est ça, j'ai eu la trouille mais c'est mon cerveau en fait qui a eu peur et tout mon corps a sauté !

-C'est donc une émotion et elle est très soudaine.

-Ah ben oui !

-Comment ça se passe si c'est de l'amour ?

-Ouah, c'est un coup de foudre ! C'est trop chouette (rires).

-Et si ça vient doucement, qu'on découvre que l'autre on l'aime bien, puis on l'aime beaucoup puis finalement on l'adore. Est-ce que c'est toujours une émotion ou est-ce qu'on peut appeler ça autrement ?

-C'est un sentiment plutôt.

-Ah, oui, bien ça, vous êtes d'accord les autres ?

-Oui, c'est comme un copain aussi, au début c'est un pote puis c'est un copain puis c'est un ami. Ca se fait doucement.

Bon, alors, vous voyez que ça fait déjà pas mal de choses à l'intérieur : la mémoire, l'imagination, les émotions, les sentiments. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est que vous parveniez à identifier tout ça quand ça vous arrive, à mieux comprendre ce qui se passe en vous. C'est toujours cette phrase de Henri david Thoreau :"Si tu n'es pas toi-même, qui pourrait l'être à ta place?" C'est ça aussi que ça veut dire, est-ce que nous sommes vraiment nous-mêmes, intérieurement, c'est à dire, est-ce que nous savons ce qui s'y passe, c'est un peu comme si on vivait à l'intérieur d'une maison dont on ne connaît pas toutes les pièces, ça serait vraiment bizarre. Et pourtant c'est un peu ça le problème."

Je laisse les remarques s'épuiser peu à peu et puis je prends mon porte monnaie dans ma poche, je sors un billet de cinquante euros et je le laisse tomber sous la table d'un enfant. Je me lève et je lui tourne le dos pendant quelques secondes.

"Qu'est-ce qui s'est passé dans ta tête ?

-Je voulais pas le prendre, répond-il gêné.

-Je sais bien, ne t'inquiète pas ! Mais qu'est-ce qui t'en a empêché ?

-C'est pas bien, c'est du vol. Et puis je sais bien que tout le monde aurait vu que je le prenais.

-Et si personne ne t'avait vu, est-ce que tu l'aurais pris ?

-Non, parce que je sais que c'est à vous.

-Et si ce billet, tu le trouves par terre et que tu ne sais pas à qui il est, qu'est-ce que tu fais ?

-Ah, ben là je le prends !

-Tu n'essaies pas de trouver son propriétaire ?

-Ben, si peut-être mais je sais pas qui c'est ?

-Mais si tu es certaine de le trouver, que tu as vu le billet tomber de sa poche, qu'est-ce que tu fais si tu ne le connais pas ?

-Ah, ben, je ne sais pas, ça dépend si quelqu'un m'a vu le ramasser aussi.

-Tu ne veux pas qu'on te traite de voleur, c'est ça ?

-Ben oui.

-Mais si personne ne t'a vue le ramasser ?

-Ah, ben alors je le garde et je vais acheter des vêtements ! (rires)

-Et les autres, vous en pensez quoi ?

-Non, c'est pas très chouette de le garder je trouve, c'est beaucoup d'argent quand même.

-Ben oui justement (rires).

-Bien, et dans tout ça, qu'est-ce qui en vous déclenche ces réactions ? Est-ce que c'est votre imagination, votre mémoire, vos émotions, vos sentiments ou autre chose encore ?

-Ben, oui j'imagine les vêtements que je vais acheter ! (rires).

-Donc, tu te laisses entraîner par ton imagination.

-Moi je le prends pas parce que mes parents m'ont appris que c'était pas bien.

-Donc, tu utilises ta mémoire et les valeurs que tes parents t'ont enseignées. On appelle ça la morale.

-Moi je le prends pas parce que ça me fout la trouille de me faire voir.

-Donc, tu réponds à une émotion.

-C'est tout mélangé alors !

-Oui, on peut voir ça comme ça mais il y quand même quelque chose en nous qui intervient. Vous vous souvenez de Pinocchio et de Jimmy Cricket ?

-Ah oui, c'est lui qui dit quand Pinocchio fait une bêtise.

-C'est sa conscience !!

-Bien ! voilà, c'est ça, c'est sa conscience. Comment on pourrait expliquer cette conscience en nous ? Qu'est-ce que c'est ? On vient de voir que ça mélange un peu tout ce qu'on a déjà trouvé.

-C'est nos pensées ?

-Quand tu fais un problème de math, tu n'as pas besoin de cette conscience là mais de la conscience que tu dois bien réfléchir. C'est le raisonnement. Quand tu es en haut d'une piste noire de ski, tu dois avoir conscience que ça va être difficile mais que tu peux le faire si tu restes appliqué. C'est la concentration.

-Ah, ben ça fait plein de conscience alors ?

-Ca n'est pas vraiment pleins de consciences mais plutôt diverses utilisations d'un état de conscience. Quand on dort, par exemple, est-ce qu'on peut dire qu'on est conscient ?

-Ah, ben non, sinon on ne dort pas ! (rires)

-Donc, nous sommes conscients lorsque nous sommes réveillés et lorsque nous utilisons tout ce qui est en nous :la mémoire, l'imagination, les émotions, la morale, le raisonnement et certainement encore d'autres notions, d'autres pensées, d'autres états de conscience. mais qu'est-ce qui se passe si nous nous laissons emporter par un de ces états sans réellement le maîtriser, sans avoir clairement identifié ce qui se passe en nous. Je vous donne un exemple : Quand il y a une alerte incendie dans l'école, quand l'alarme retentit, si vous vous laissez emporter par la peur et que vous commencez à crier, vous n'allez pas écouter ce que je dis, vous allez paniquer et vous risquez en plus de déclencher une panique générale, ça arrive souvent des mouvements de foule qui se termine en catastrophe parce que les gens n'ont pas été conscients de ce qui se passait en eux. C'est comme s'ils n'étaient plus réveillés.

-Et pourtant ils ne dorment pas !

-Non, ils ne dorment pas mais pourtant ils ne sont plus conscients. ca vous arrive aussi parfois quand vous paniquez parce que je vous donne un contrôle surprise !

-Ah oui, on a la trouille et on ne réfléchit plus !

-Et du coup, cette peur en vous vous fait tout rater. Ca n'est pas parce que vous ne saviez rien mais parce que vous n'arriviez plus à réfléchir ! Vous vous souvenez que je vous avais dit qu'il fallait peindre en jaune fluo la pensée la plus importante et que lorsque vous voyiez arriver une autre pensée qui n'avait pas la bonne couleur, il fallait vous en débarasser.

-Ah oui, c'est ça qu'il faut faire pour réussir mais c'est difficile de contrôler les pensées ! Ca part dans tous les sens souvent !

-Et bien il faut déjà en être conscient pour réussir à se corriger à l'intérieur. Sinon, à l'extérieur, sur votre feuille, ça va être un sacré chantier. Etre conscient de ce qui se passe en nous, c'est absolument essentiel. Mais il faut pouvoir mettre un nom sur ce qui nous arrive. Cette conscience, c'est un des aspects les plus importants de notre vie et vous voyez bien que ça met en action énormément de choses en nous. Savoir ce qui appartient à notre imagination, à notre mémoire, à nos émotions, à notre morale, à notre raisonnement, tout ça il faut le maîtriser au mieux. C'est le seul moyen de pouvoir faire un choix réel. Sinon nous ne sommes pas conscients, nous vivons comme si nous étions en train de dormir."

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« Le savoir et la compréhension sont deux choses différentes. Seule, la compréhension peut mener à l’être. Le savoir, par lui-même, n’a qu’une présence passagère. Un nouveau savoir chasse l’ancien et en fin de compte, ce n’est que du néant versé dans du vide. « Gurdjieff

10) LETTRES AUX ECOLES

KRISHNAMURTI

Un ouvrage indispensable, incontournable et méconnu... Je le relis pour la nième fois.

"Quand l'enseignant et l'enseigné ont à cœur de comprendre vraiment l'importance extraordinaire de la relation, ils établissent alors entre eux, dans l'école, une relation juste. Cela fait partie de l'éducation et a une autre dimension que le simple enseignement des matières scolaires... La relation requiert beaucoup d'intelligence. On ne l'acquiert pas en achetant un livre et on ne peut pas l'enseigner. Elle n'est pas la somme d'une grande expérience. Le savoir n'est pas l'intelligence. L'intelligence peut se servir du savoir. Le savoir peut être astucieux, brillant et utilitaire mais ce n'est pas l'intelligence. L'intelligence apparaît naturellement et facilement quand on perçoit toute la nature et la structure de la relation. C'est pourquoi, il importe d'avoir du loisir afin que le maître et l'élève puissent calmement et sérieusement parler de leur relation dans laquelle ils percevront leurs vraies réactions, leurs susceptibilités et les barrières qui les séparent, au lieu de les imaginer et de les déformer pour se faire plaisir mutuellement ou bien de les supprimer pour amadouer l'autre."

Krishnamurti

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L'immense problème au regard de cette relation vient du fait que les enfants rencontrent immanquablement dans leur parcours scolaire, cet enseignant qui n'agit que frontalement, qui nourrit et entretient les conflits par son attitude destructrice. Dès lors, la peur est ancrée. La peur de revivre ce cauchemar. Si un autre enseignant cherche pour sa part à établir une relation juste, cette peur va se muer en colère, un sentiment de revanche, au plus profond de l'inconscient, comme un traumatisme qui remonte à la surface, des émotions bridées, étouffées, qui soudainement jaillissent parce que l'enfant sent que les menaces n'existent plus, que le danger est inexistant. Au lieu de profiter de cette situation favorable, la peur emmagasinée, l'humiliation vécue, la colère ressassée, vont guider cette révolte jusque-là contenue. C'est comme un ressort comprimé qui reprend sa forme initiale mais en portant désormais les traces des coups reçus. La justesse du comportement est rendue impossible par la souffrance. Même si l'enseignant concerné n'en est pas responsable. Il faudrait à l'enfant une aide immense pour qu'il parvienne à établir en lui l'observation de sa dérive. Mais le courant a également une force immense... C'est pour l'enseignant un travail gigantesque. Il doit avant même de pouvoir œuvrer à cette "intelligence" libérer l'esprit de ce qui l'encombre. Un travail bien plus long qu'il n'en a fallu pour que le traumatisme s'installe.

Imaginons maintenant qu'il ne s'agisse pas d'un seul enseignant humiliant mais de plusieurs... Et pendant plusieurs années... Que deviendra cette intelligence ? Elle sera fossilisée dans la douleur.

Quant au savoir, il sera limité par la place prise par cette douleur.

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"La bonté (Intelligence, Plénitude, Lucidité) ne peut s'épanouir dans un climat de peur. Il existe toutes sortes de peurs, la peur immédiate et la peur à venir. La peur n'est pas un concept mais l'explication de la peur est conceptuelle et ces explications varient d'un spécialiste à l'autre ou d'un intellectuel à l'autre mais l'explication n'est pas importante. Ce qui compte, c'est d'affronter le fait même de la peur. L'enseignant, ne doit pas éveiller la peur chez l'élève. La peur, sous toutes ses formes, rend l'esprit infirme, entraîne la destruction de la sensibilité et un rétrécissement des sens. La peur est le lourd fardeau que l'homme a toujours porté. Elle a donné naissance à diverses formes de superstition, religieuse ou scientifique. On vit désormais dans un monde de faux-semblants et le monde conceptuel dans son essence est né de la peur. Si dans la relation, il existe la moindre crainte, l'enseignant ne peut pas aider l'élève à se libérer de ses peurs. L'élève arrive avec tout un arrière-plan dans lequel existent la peur, l'autorité et toutes sortes de tensions." Krishnamurti.

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Il est aisé de comprendre qu'aucun enseignant ne peut accompagner un enfant s'il n'a lui-même instauré l'observation constante, approfondie, honnête, lucide de ses propres peurs.

Combien d'enseignants ont réellement accompli cette tâche ?

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"Affronter le réel, le présent et la peur est la plus haute tâche de l'enseignant ou de l'éducateur. Il lui appartient non pas de promouvoir seulement un excellent niveau scolaire mais, ce qui est bien plus important, de donner à l'élève et à lui-même la liberté psychologique. Quand vous comprenez la nature de la liberté, vous éliminez alors toute compétition, que ce soit sur le terrain des jeux ou dans la salle de classe. Est-il possible d'éliminer complètement l'évaluation comparative sur le plan scolaire et sur le plan éthique ? Est-il possible d'aider l'élève à ne pas penser en termes de compétition dans le domaine scolaire, tout en excellant dans ses études, ses actes et sa vie quotidienne ? Veuillez garder présent à l'esprit que notre objet est l'épanouissement de la bonté et que cet épanouissement est impossible là où existe la moindre compétition. La compétition n'existe que lorsqu'il y a comparaison et la comparaison n'engendre pas l'excellence. Nos écoles ont été crées non pas pour former de simples carriéristes mais pour promouvoir l'excellence de l'esprit. "

Krishnamurti

"Le savoir ne conduit pas à l'intelligence. Nous accumulons beaucoup de savoir sur bien des choses, mais il semble presque impossible d'agir intelligemment selon ce que nous avons appris. Les écoles, les collèges, les universités cultivent les connaissances sur l'univers, la science, l'économie, la technologie, la psychologie mais ces établissements aident rarement un être humain à exceller dans la vie de tous les jours. Les savants soutiennent que les êtres humains ne peuvent évoluer que grâce à de vastes accumulations d'informations et de connaissances. L'homme a pourtant vécu des milliers et des milliers de guerres. Il a amassé beaucoup de connaissances sur les diverses façons de tuer et ce sont précisément ces connaissances qui l'empêchent de mettre fin à toutes ces guerres. Nous acceptons les guerres comme une façon de vivre et toutes les brutalités, la violence et le meurtre comme faisant partie du cours normal de notre vie. Nous savons que nous ne devons pas tuer notre prochain mais le fait de le savoir reste totalement étranger à l'acte de tuer. Le savoir n'empêche pas de tuer les animaux et de détruire la terre. Le savoir ne peut pas fonctionner au moyen de l'intelligence mais l'intelligence peut fonctionner en utilisant le savoir. Le savoir ne peut résoudre nos problèmes humains. C'est l'intelligence qui le peut. "

Krishnamurti

Un regard sur l'Histoire montre à quel point tout cela est exact. Les progrès de la médecine sont des progrès mécaniques, les progrès de la qualité de vie sont des progrès mécaniques. Même s'ils représentent une avancée qu'il n'est pas question de renier, ils sont vides d'une substance pourtant indispensable. C'est cette intelligence. Ce regard existentiel sur le réel. Et non seulement sur la réalité.

L'école s'attache à transmettre les connaissances qui entretiennent la réalité mais à travers le voile des conditionnements. Il ne s'agit pas de tendre vers un individu lucide, capable d'une observation de tous les phénomènes inhérents à cette réalité mais uniquement de conduire l'individu à un statut de citoyen consommateur.

La crise actuelle fait d'ailleurs voler en éclat bien des illusions. À travers les générations, le rôle de l'école a été de porter les enfants à un statut social plus favorable que celui des parents. Les études sont destinées à fournir un diplôme et une qualité de vie supérieure à cette vie des ancêtres. L'objectif a pu être atteint depuis plusieurs générations parce que la croissance économique répondait aux ambitions. Des ambitions honorables. Mes parents ont eu une vie professionnelle bien plus difficile que la mienne. Je ne parle pas de celle de mes grands-parents. Je ne renie pas les structures qui m'ont permis de devenir instituteur.

Mais on voit bien aujourd'hui le désœuvrement des adultes qui voient s'effondrer leurs désirs de participer à cette vie sociale proportionnellement à leur engagement dans les études. Le cas de la jeunesse espagnole est dramatique. Ces gens qui se considèrent comme "inexistants", vides de tout, abandonnés. Loin de moi l'idée de les critiquer. Ils ne sont que des victimes d'un fonctionnement archaïque. Tout ce savoir qui se révèle inapplicable se transforme en gouffre, un néant qui les absorbe parce que toute leur existence s'est construite sur ce concept. Le savoir devait les projeter vers le haut mais c'était en fait une échelle mouvante et elle vacille, elle tremble, elle projette en bas les moins solides. Le système sauve toujours en priorité les individus les plus rentables. D'autres chercheront dans des voies parallèles et non "légales" à sauver leur mise. Et puis certains en s'écroulant emporteront avec eux des victimes choisies au hasard des rencontres. Les quatre adolescents qui ont abattu leur "camarade" et brûlé son corps. Désœuvrement, le vide des existences, aucune valeur humaine, juste une errance nourrie par le désœuvrement des adultes, par les images multiples d'un monde sordide. Ces drames ont toujours existé. Ils ne sont pas modernes. Ce qui l'est par contre, c'est leur mise à jour à une échelle gigantesque. Le même fonctionnement pervers que celui de "l'art" qui utilise la violence, la folie, toutes les dérives les plus épouvantables. La télévision n'est pas responsable, l'art n'est pas un multiplicateur. Tout ça n'est qu'un reflet. Le miroir n'est pas la réalité. Que des individus choisissent d'agrandir la dimension du miroir ne change pas cette réalité. Elle peut avoir un effet facilitateur sur des individus qui sont sur le fil du rasoir. C'est certain. Mais il est inutile d'analyser l'image reflétée. Cette futilité qui consiste à condamner les projecteurs d'images, c'est consternant.

« Ne t’invente pas des armées d’ennemis pour excuser tes propres faiblesses. »

Si l'éducation n'est pas au service de l'intelligence, si elle ne favorise pas le développement intérieur, si elle ne stimule pas les explorations émotionnelles, les observations lucides, si elle se soumet uniquement à l'accumulation des savoirs avec une unique intention sociale, alors elle fabrique les scissions, les ruptures, les désillusions, les échecs, les images brisées d'une réalité inaccessible.

Cette impression de voir pousser des plantes alors qu'elles ne sont plus ancrées dans la terre. C'est une élévation illusoire, une suspension au-dessus d'un vide existentiel. Certains parviendront, par tous les moyens, à se maintenir dans des altitudes favorables à l'assouvissement de leurs désirs. Beaucoup retomberont au sol.

Est-ce que l'école doit participer à cette réalité, est-ce que l'école a pour mission d'englober les individus dans l'illusoire ascension sociale ?

Il n'est pas question de brûler le système. Il s'agit de l'amener à s'observer. Mais le système en lui-même n'existe pas...Chaque individu construit le système. Il devient nécessaire de mettre un voile sur le miroir. De se détacher du reflet et d'apprendre à ne plus apprendre les reflets. C'est à la source intérieure qu'il faut remonter.

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"Nos esprits vivent dans la tradition. Le sens même de ce mot - transmettre - nie l'intelligence. Il est facile et confortable de suivre la tradition, qu'elle soit politique, religieuse ou de sa propre invention. On n'a pas besoin, dans ce cas, d'y penser, on ne la met pas en question ; accepter et obéir font partie de la tradition. Plus la culture est ancienne, plus l'esprit est attaché au passé, vit dans le passé. Lorsqu'une tradition disparaît, une autre vient s'imposer, inévitablement. Un esprit qui a derrière lui plusieurs siècles d'une certaine tradition, refuse de rompre avec elle et ne s'y résigne qu'en faveur d'une autre tradition également satisfaisante et sécurisante. La tradition sous toutes ses diverses formes, de la tradition religieuse à la tradition scolaire, nie forcément l'intelligence. Celle-ci est illimitée alors que le savoir, aussi vaste soit-il, est limité comme la tradition. Dans nos écoles, il nous faut observer le mécanisme de l'esprit générateur d'habitudes et dans cette observation, il y a activation de l'intelligence. "

Krishnamurti

Je suis convaincu que si le monde enseignant parvenait à établir ce travail de l'observation, de la déconstruction des traditions et des ancrages, les conditionnements finiraient par s'effacer. Et c'est bien pour cela que les instances dirigeantes ne le veulent pas et s'opposent à toute forme de développement personnel. Ce ne sont pas les programmes scolaires de l'école élémentaire qui participent au développement des individus. C'est une aberration de le croire. Aucun enfant n'évolue en tant qu'humain en étudiant la numération ou la grammaire, ni l'informatique ou une langue étrangère, la science, l'histoire de France, l'histoire des Arts, ni tout le reste. Ces éléments pourraient effectivement favoriser ce développement personnel de l'individu s'ils étaient nourris d'une observation des phénomènes internes qu'ils génèrent. Mais dès lors qu'ils n'existent que pour eux-mêmes, ils ne sont qu'une accumulation de savoirs dénués de sens. L'objectif qui est présenté aux enfants est de répondre favorablement à la continuité des traditions ; "Tu auras un travail mon fils..." On pourrait prolonger la phrase par un "Et tu consommeras..."

Il est inconvenant de penser que les programmes scolaires sont chargés de former des individus éveillés, conscients, responsables, autonomes. Non, il s'agit bien évidemment de renforcer les identifications et l'absorption des fonctionnements archaïques. Dès lors que les enseignants adhèrent à ce formatage, ils ne tiennent pas le rôle de cette mission d'éveil inhérente au métier d'enseignant mais ils deviennent des "sergents recruteurs".

Je suis convaincu que ce travail sur l'intelligence et non uniquement sur le savoir, s'il était fait à l'école élémentaire, participerait au bien-être des individus au lieu de les conduire, soit à la rébellion, soit au découragement et dans le moins pire des cas à l'obtention d'un diplôme. Un diplôme attestant de la validité de l'embrigadement. Quelle réussite...

Il est aberrant également d'attendre la classe de Terminale du lycée pour enfin initier les individus à la philosophie. Comment justifier le fait que le parcours scolaire des enfants soit entaché d'une soumission craintive jusqu'à cette classe pour qu'enfin leur soient présentés des "penseurs" ? La raison en est très simple : le formatage est déjà validé et la philosophie ne sera donc plus une opportunité de développement mais uniquement la participation à un diplôme convoité. La philosophie en elle-même n'apparaît que comme une "épreuve" et elle est redoutable pour des esprits qui ont jusque-là été éduqués à ne pas penser à eux-mêmes mais uniquement à l'accumulation d'un savoir livresque. C'est justement cette absence de considération pour l'individu qui explique cette aversion quasi générale des élèves pour la philosophie. Jusque-là, il leur a été répété jusqu'à l'outrance et si nécessaire jusqu'au harcèlement : "Tais-toi et apprends" et là, pendant un an, il va leur être répété "Apprends mais ne pense pas à ce que les Penseurs enseignent. Contente-toi de le savoir. "

Il ne s'agit pas de le vivre. Juste de le savoir. D'ailleurs, la complexité des programmes interdit toute profondeur. Il faut juste absorber, absorber, encore et encore. Juste des éponges. C'est là que repose la Tradition. Ne pense pas, apprends, applique et transmet.

Si les enseignants considèrent qu'ils doivent œuvrer à ce marasme spirituel, alors effectivement je n'exerce pas le métier d'enseignant.

"Il faut comprendre toute la signification du mot responsabilité. Il vient du verbe répondre ; réagir non pas partiellement mais totalement. Le mot implique aussi de se référer au passé ; réagir à ce qui constitue à notre arrière-plan, c'est à dire se référer à notre conditionnement. La responsabilité, telle qu'on la comprend généralement, est l'action de notre conditionnement humain. Naturellement, la culture, la société dans laquelle nous vivons, conditionne l'esprit, que cette culture soit celle du pays natal ou celle d'un pays étranger. Nous réagissons à partir de ce passé et cette réaction limite notre responsabilité. Si nous sommes nés en Inde, en Europe, en Amérique ou dans quelque autre pays, notre réaction dépendra de superstitions religieuses, -toutes les religions sont faites de superstition-, du nationalisme ou de théories scientifiques. Ces facteurs, qui sont toujours limités, conditionnent notre réaction. En conséquence, il y a toujours contradiction, conflit et l'on voit naître la confusion. Cela est inévitable et crée la division entre êtres humains.

Comme le mot l'implique, la responsabilité s'applique à la totalité et concerne non pas soi-même, sa famille, des concepts ou des croyances, mais l'humanité toute entière. "

Krishnamurti

Je pense qu'aujourd'hui ( Ce texte a été écrit en 1976), les conditionnements ne sont plus majoritairement religieux, ni nationalistes, ni même scientifiques mais médiatiques. Les médias et le système commercial.

Etant donné l'insignifiance de ces influences, non pas leur puissance mais les "valeurs" qu'elles transmettent, il est évident que la notion de responsabilité est inefficace. L'idée de responsabilité est associée à une intention. Se montrer responsable ne se fait pas avec un objectif universel mais avec une intention égotique, intéressée.

"Je suis responsable de ma voiture" ne signifie pas que je ne dois pas conduire n'importe comment en mettant les autres en danger, mais que je dois l'entretenir parce qu'elle est à moi !!

"Je suis responsable de mes enfants" ne signifie pas que je dois leur apprendre à être conscient de la vie mais juste à les amener à ne pas se comporter de façon à ce que des problèmes me retombent dessus.

Oui, je sais, l'humanité me désole...

"Les écoles existent primordialement pour amener une profonde transformation chez les êtres humains. C'est de cela que l'éducateur est totalement responsable. À moins que le maître ne prenne conscience de ce facteur central, il ne fera qu'instruire l'élève pour le préparer à devenir un homme d'affaires, un ingénieur, un homme de loi ou un politicien. Il y a tant de ces gens qui paraissent incapables soit de se transformer eux-mêmes, soit de transformer la société dans laquelle ils vivent. Peut-être eu égard à la présente structure de la société, faut-il des hommes de loi et des hommes d'affaires, mais quand ces écoles furent créées, ce fut et cela reste, dans l'intention de transformer profondément l'homme. Il faudrait que dans ces écoles, les enseignants comprennent cela réellement, non intellectuellement, non comme une idée mais parce qu'ils en voient, avec tout leur être, la pleine implication. Notre objet est le développement totale de l'homme et pas seulement l'accumulation du savoir.

Les idées et les idéaux sont une chose, et le fait, l'évènement réel, en est une autre. Les deux ne peuvent jamais aller de pair. Les idéaux ont été surimposés aux faits et déforment l'évènement de manière à le rendre conforme à ce qui devrait être, à l'idéal issu de la société. L'utopie est une conclusion formulée à partir de ce qui se passe et elle sacrifie le réel, pour le rendre conforme à ce qui a été idéalisé. C'est le processus qui s'est poursuivi depuis des millénaires et tous les intellectuels se complaisent dans les idéations. Esquiver ce qui est, c'est le commencement de la corruption de l'esprit. Cette corruption imprègne toutes les religions, la politique et l'éducation, tous les rapports humains.

L'idée détourne l'attention du fait, de ce qui est et ainsi dirige cette attention vers le chimérique. Ce mouvement de pensées pour esquiver le fait conduit aux symboles, aux images, qui prennent alors une importance dévorante. Ce mouvement pour s'écarter du fait, c'est la corruption de l'esprit. Les êtres humains se laissent aller à ce mouvement dans la conversation, dans leurs rapports, dans presque tout ce qu'ils font. Le fait est instantanément traduit en une idée ou une conclusion qui dicte alors nos réactions. Quand quelque chose est vu, la pensée le transpose immédiatement en une image, laquelle devient la réalité.

Krishnamurti

Le savoir est issu du passé et c'est déjà une corruption lorsque ce savoir est présenté comme un objectif final. Il l'est encore plus lorsque ce savoir est une projection vers le futur et l'obtention d'un statut inhérent à la vie en société. C'est dans cette alternance constante, ce balancement entre le passé et le futur que l'enfant sera déconstruit, éloigné de lui-même, assourdi, aveuglé, formaté. Il ne sera jamais avec lui mais uniquement relié avec le savoir ancien et ce qu'il doit faire de ce savoir pour son avenir. Passé et futur et néant entre les deux.

Le savoir nourrit les idéaux et les individus se repaissent de ces idéaux. Idéal matérialiste, religieux, professionnel, amoureux...Aucun saisissement réel des faits mais une lecture programmée construite sur un savoir ingéré. Le libre arbitre...Vaste supercherie. L'arbitre, dans ce cas, est chargé de réguler la liberté et de lui donner une voie communautaire.

« Tu seras libre dans l'embrigadement général. »

Le déterminisme est un fait. Et il est impossible de s'en extraire dès lors que le savoir contribue à son maintien. Le système de l'enseignement en France est justement un système. Alors qu'il ne devrait être qu'un contre système. Ce système a une intention. C'est la participation au savoir, son extension par les individus les plus performants, et l'abrutissement des moins actifs.

Combien d'adultes continuent à apprendre une fois qu'ils sont installés dans une voie professionnelle? Je ne parle pas d'apprentissages liés à ce métier mais un apprentissage existentiel.

Combien d'adultes pensent encore ? Non pas des pensées liées aux idées, aux idéaux et au savoir, des pensées externes qui se sont incrustées au fil du temps mais des pensées internes, des observations lucides et approfondies des mouvements de pensées dans le creuset de la réalité existentielle et non de la réalité matérielle ?

Qui donc ?

"Il semble que les êtres humains aient d'énormes quantités d'énergie. Ils sont allés sur la lune, ils ont escaladé les sommets les plus élevés de la Terre, déployé une énergie prodigieuse pour faire la guerre et pour produire des instruments de guerre, pour développer la technologie, pour accumuler le vaste savoir élaboré par l'homme, pour travailler chaque jour, pour construire des pyramides ou pour explorer l'atome. Quand on considère tout cela, on est frappé de voir la quantité d'énergie que l'homme a dépensée. Cette énergie a servi à explorer le monde extérieur mais l'homme en a dépensé très peu pour étudier toute la structure psychologique.

L'action et la non-action requièrent une grande énergie. La non-action nécessite pourtant beaucoup plus d'action que l'action prétendument positive. Agir positivement, c'est contrôler, supporter, fuir. La non-action est la totale attention de l'observation. Dans cette observation, ce qui est observé subit une transformation. Cette observation silencieuse exige non seulement de l'énergie physique mais aussi une profonde énergie psychologique. Nous sommes habitués à la première et ce conditionnement limite notre énergie"

Krishnamurti

En début d'année, à chaque rentrée scolaire, mes élèves sont frappés par ces temps de paroles que je leur accorde, par ces multiples échanges dans lesquels nous explorons l'espace intérieur. Ils sortent de la classe avec cette impression de "n'avoir rien fait".

"On n'a rien écrit, t'as vu, on n'a même pas sorti la trousse."

Ce conditionnement qui voudrait que le travail soit associé à une action précise, matérielle, un remplissage de papier, un exercice qui sera corrigé, une note pour couronner le tout ou au moins une appréciation, un repère habituel au regard d'une matière scolaire, tout ce qui établit cette fonction de l'élève au détriment de la nature de l'enfant, ils en sont déjà remplis, salis, alourdis, en fin d'école primaire...Et ils ont pourtant encore tellement à vivre.

Cet arrachement forcené de leur être réel est une abomination. Ils ne sont déjà plus là. Ils ne sont que des copies conformes marquées par quelques plis personnels, des marges hachurées, des coins écornés, des brouillons raturés. Mais, eux, dans leur réalité intérieure, ne sont plus là.

Je leur ai parlé hier de cette image des lampadaires qu'ils peuvent aller allumer en avançant dans le savoir, comme si chaque tube enflammé par un savoir acquis permettait d'avancer dans l'ombre, vers le lampadaire suivant. Mais la question qui est venue s'ajouter à la métaphore les a ramenés à cette quête essentielle : "Qui avance ?"

Est-ce un élève ou est-ce un individu ? Comment établir la distinction et ne jamais perdre de vue l'être humain, comment ne pas se laisser recouvrir par la fonction, comment ne pas étouffer la nature intrinsèque ?

« Vous avez une Nature : celle de l’enfant.

Ici, en classe, vous avez une fonction : celle de l’élève.

Mais la fonction ne doit jamais supplanter la Nature. »

L'image du savoir prend une place si considérable dans leurs esprits que le porteur de ce savoir finit par en être dissous. "Qui allume le lampadaire ?"

Le savoir n'avance pas de lui-même. Il est vital de ramener l'enfant vers cette conscience de lui-même. Il est le porteur de la lumière.

Cette non-action que je leur propose, cette rupture avec le travail scolaire, ils finissent immanquablement par y plonger. Cette liberté qu'ils vivent comme une permission à parler en tous sens, ils en perçoivent peu à peu le sens profond...Les débats, insensiblement, se concentrent, deviennent plus denses, plus ciblés... La parole s'éclaire d'elle-même.

Il arrive un moment dans l'année où le thème lui-même s'efface devant l'observation interne. Le débat n'est plus le porteur mais il est porté par l'observateur et cette observation du cheminement intérieur crée une énergie qui au lieu d'être projetée vers un savoir à acquérir reste incluse dans le diffuseur. Le savoir n'a pas d'énergie propre. Mais il pompe l'énergie de l'individu si celui-ci n'a pas appris à rester tourné vers l'énergie qu'il porte.

L'individu est la lumière, l'incandescence, l'énergie. Le savoir n'est que la blancheur laiteuse qui émane de cette source.

"La mémoire n'a pas de place dans l'art de vivre. La relation humaine est l'art de vivre. Si la mémoire intervient dans une relation, ce n'est plus une relation. La relation a lieu entre les êtres humains, pas entre leurs mémoires. C'est cette mémoire qui divise et crée les différents, l'opposition entre le toi et le moi. Ainsi, la pensée, qui est le souvenir, n'a absolument aucune place dans la relation. Cela est l'art de vivre.

La relation s'établit avec toutes choses, avec la nature, les oiseaux, les rochers, avec tout ce qui existe autour de nous, avec les nuages, les étoiles et le ciel bleu. Toute existence est relation. Sans relation, pas de vie. Nous vivons dans une société en dégénérescence parce que nous avons corrompu les relations humaines.

Il ne peut y avoir un art de vivre que lorsque la pensée ne contamine pas l'amour. "

Krishnamurti.

Il convient également d'œuvrer à être en relation avec soi-même et non avec sa mémoire. Sinon, il sera bien entendu impossible d'être en relation avec les autres. Car qui serait en relation si ce n'est qu'une mémoire ?

Et là, je pense que la tache est immense, à l'échelle d'une vie entière. Quand je parle des conditionnements éducatifs, sociétaux, familiaux, historiques, il est bien entendu que tout est fondé sur la mémoire. Nos pensées sont des mémoires incessamment réactivées.

Il nous faut apprendre à penser librement, nouvellement, comme à chaque naissance, comme si à chaque instant nous apprenions à ne plus rien savoir.

Il ne s'agit pas bien évidemment de ne plus savoir rouler à vélo mais d'apprendre à "être" sur son vélo, consciemment, il ne s'agit pas de ne plus savoir entretenir son potager mais d'apprendre à être relié à la terre, il ne s'agit pas de désapprendre pour recommencer à accumuler du savoir mais juste de saisir la nécessité essentielle, vitale, permanente, d'aimer...

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