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Elections Européennes 2019


lecavalier

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Que penser de l'Union Européenne ? Voilà un sujet qui déchire ... Je mets là une série d'articles critiques.

Olivier Delorme : « Affirmer que l’Europe c’est la paix est une fadaise doublée d’une mystification »

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Le Comptoir : Vous vous moquez du lieu commun européiste disant que l’Europe c’est la paix… La formation de l’Union européenne n’a-t-elle pas aidé à pacifier une Europe qui a connu deux guerres mondiales et bien d’autres encore ?

Olivier Delorme : Nullement. En réalité, la guerre est impossible en Europe dès lors que les États-Unis d’Amérique en 1945, puis l’Union soviétique en août 1949, ont acquis l’arme atomique. En effet, au mois d’avril de cette même année 1949, dix États européens de l’Ouest se sont liés au Canada et aux États-Unis par le pacte d’assistance mutuelle qu’on appelle l’Alliance atlantique, tandis que des troupes soviétiques stationnent dans la plupart des États d’Europe de l’Est qui formeront le Pacte de Varsovie en 1955. Dès lors, les deux Grands peuvent, en Europe, se jauger, se gêner, mais pas provoquer une remise en cause de l’équilibre qui dégénérerait en conflit nucléaire, puisque chacun considère son “glacis européen” comme faisant partie de ses intérêts vitaux. C’est l’équilibre de la terreur, et rien d’autre, qui assure la paix en Europe après 1945.

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On parle beaucoup de “faire l’Europe”, et les euro-libéraux mettent en avant qu’il s’agit de la seule façon de s’opposer aux grandes nations comme les USA, la Chine ou la Russie. Mais n’est-ce pas contradictoire avec l’implication grandissante de l’OTAN au sein de l’UE ? Quels sont d’ailleurs ces liens avec cette organisation issue de la Guerre froide ?

OTAN et UE ont une même origine – la Guerre froide – et un même but : l’intégration entre les deux rives de l’Atlantique. Comme l’ont de nouveau montré la rage de la Commission européenne à négocier le TAFTA dans la plus totale opacité, de manière à cacher la réalité à des opinions européennes largement hostiles à cet accord, et sa volonté de contourner les parlements nationaux dans la ratification du CETA.

Si l’on examine la chronologie, la création en 1952 de la première Communauté européenne, celle du charbon et de l’acier (CECA), conçue par Monnet, agent d’influence américain – stipendié ou non peu importe – est suivie de peu par la substitution1, dans les importations des pays de cette CECA, du charbon américain en surproduction au charbon polonais, de bien meilleure qualité mais se trouvant dans une Europe avec laquelle les États-Unis veulent que les échanges commerciaux cessent. Puis les États-Unis accordent à la CECA, dès 1953, un prêt dont la contrepartie est l’augmentation des achats de leur charbon au coût minoré par des subventions au fret. Au final, la CECA a permis aux États-Unis d’exporter en Europe leur surproduction, ce qui conduit, à terme, à la fermeture des mines des États membres de la CECA eux-mêmes.

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Vous plaidez pour l’indépendance de la France, mais la France n’est-elle pas trop petite pour s’imposer sur la scène internationale ?

Non. Hier comme aujourd’hui, la question de la taille est une fausse question. Je ne vais pas vous faire la liste de tous les Empires, colosses aux pieds d’argile – jusqu’à l’URSS –, qui ont péri non en dépit mais, en tout ou partie, à cause de leur taille et de leur hétérogénéité. Ni la liste des petits États qui ont profondément marqué l’histoire de l’humanité – les cités grecques plus que l’immense Empire perse – ou le monde contemporain, quoi qu’on pense par ailleurs de leur action – Israël, par exemple. Le petit Uruguay est aujourd’hui un laboratoire politique, économique et social qui a engrangé bien plus de réussites que ses deux voisins géants, l’Argentine et le Brésil.

Un État n’est pas fort parce que son territoire est étendu ou sa population nombreuse. Il est fort parce que s’y exprime une volonté d’exister et de se projeter dans l’avenir en tant que peuple, une conscience d’avoir des intérêts communs, de former une communauté qui se traduit en volonté politique.

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La France forme-t-elle vraiment un couple avec l’Allemagne ? De l’extérieur, on a plutôt l’impression d’un maître et son valet suivant à la lettre ses demandes…

Cette histoire de “couple franco-allemand” relève de la mystification. Comme toute relation bilatérale, celle de la France et de l’Allemagne est fondée sur un rapport de force et connaît des hauts et des bas – plus de bas que de hauts si on fait le compte avec un minimum de bonne foi.

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Vous parlez de l’influence ordolibérale sur la volonté de soustraire des décisions politiques (liées à des élections) les enjeux économiques. Antonin Cohen qui retrace les liens entre Vichy et la communauté européenne rappelle que la déclaration de Schuman de 1950 visait précisément à promouvoir l’avènement d’une technocratie économique – une déclaration qui rappelle les théories d’inspiration technocratique des années 1930. D’où vient cette méfiance profonde pour la politique et la démocratie sous toutes ses formes ?

Si on lit Monnet, que de Gaulle définit comme l’inspirateur de toute cette “construction”, ce qui frappe c’est la méfiance qu’il a pour les peuples. En la résumant avec à peine d’exagération pédagogique, la doctrine Monnet c’est : les peuples sont bêtes et donc inclinés à faire des bêtises ; notre rôle, à nous gens raisonnables et sachants, est de les empêcher d’en faire. En conséquence et dès l’origine, le principe central de la “construction européenne” consiste à dessaisir les instances démocratiques des leviers essentiels pour remettre ceux-ci entre les mains de sages qui savent mieux que les peuples ce qui est bon pour eux.

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Premier article de cet entretien à lire sur Le Comptoir:

https://comptoir.org/2018/11/27/olivier-delorme-affirmer-que-leurope-cest-la-paix-est-une-fadaise-doublee-dune-mystification/

 

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Olivier Delorme : « L’UE est une construction fondamentalement anti-démocratique »

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Le Comptoir : L’influence incroyable des lobbys sur la politique européenne ne participe-t-elle pas aussi du déni de démocratie au niveau européen ?

Olivier Delorme : Elle en est un des symptômes les plus alarmants. C’est le cas à la Commission européenne, où les règles de déontologie sont d’une remarquable élasticité. Hier commissaire, demain membre du conseil d’administration d’une grande entreprise dont quelques mois plus tôt on “régulait” le secteur. On n’en finirait pas de citer des exemples : j’y consacre un chapitre de mon livre.

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Critiquer l’Union européenne : n’est-ce pas un leurre, alors que le Conseil, c’est-à-dire les États, a un rôle primordial – et renforcé ? L’UE n’est-elle pas avant tout l’émanation des État-nations ?

Comme vous le savez, les exécutifs dans les différents États membres (sauf le Danemark qui en 1992 s’est privé des immenses avantages de l’euro, grâce à quoi il est un des pays économiquement les plus prospères de l’UE) ont systématiquement choisi, dès lors que les résultats des référendums qu’ils avaient organisés sur des questions européennes n’étaient pas conformes à ceux que “l’Europe” attendait, soit de faire revoter le peuple sous la menace (Irlande, 2001 et 2008), soit de violer les résultats (France et Pays-Bas en 2005, Grèce en 2015), au risque de discréditer un peu plus une démocratie déjà vidée de l’essentiel de son contenu sur les sujets essentiels par les traités européens. Et on ne sait pas encore si le vote des Britanniques de 2016 sera respecté ou non.

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Seriez-vous davantage favorable à une Union européenne où le Parlement européen aurait droit d’initiative législative et fonctionnerait comme n’importe quel parlement national ?

Cela, comme l’Europe sociale, relève du vœu pieux. Un Parlement, avec un p majuscule, ne peut être que l’expression d’un peuple qui a conscience de former une nation. Or, comme je l’ai déjà dit, il n’y a, à mes yeux, ni peuple ni nation européens.

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En parlant d’évolution favorable, vous consacrez une bonne partie de votre ouvrage au mythe de l’Europe sociale. Pourquoi serait-ce irréaliste d’imaginer une Union européenne qui viserait à répartir les richesses à un niveau plus large que la nation ?

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Dès l’origine, la “construction européenne” s’est faite autour de la concurrence. Pas de la coopération ni du progrès social. Et les traités successifs n’ont fait que la renforcer comme élément sur lequel repose tout l’édifice.

Encore le traité de Rome ne parle-t-il que de concurrence non faussée. Mais l’Acte unique de 1986 la transforme en concurrence non faussée… et libre. Ce qui dans un système de libre échange où les capitaux, les marchandises et les travailleurs doivent circuler librement, aboutit à faire du prétendu “coût du travail” la seule variable d’ajustement. Dans un pareil système, le capital va logiquement se placer là où le travail coûte le moins (délocalisations), ou bien il fait venir des travailleurs qui coûtent moins (travailleurs détachés) et entrent en concurrence avec des travailleurs protégés et mieux payés. La conséquence en est – afin de “restaurer la compétitivité” – une course sans fin au moins-disant salarial et social, à la flexibilité et à la destruction des “rigidités” (protections sociales et droit du travail) jusqu’à voir reparaître sous d’autres noms (auto-entreprise, uberisation) le travail à la tâche. Tandis que les services publics rebaptisés “services d’intérêt général” ou “services d’intérêt économique général” doivent eux aussi s’ouvrir à la concurrence d’opérateurs privés ou être privatisés – les protections sociales spécifiques à ces services devant au passage être sacrifiées sur l’autel de la concurrence. Et une fois encore, les réalités couvertes par cette novlangue – la liquidation de deux siècles de conquêtes sociales dans le cadre national – sont sanctuarisées par les traités et par la jurisprudence de la Cour, nonobstant des appareils syndicaux que le système s’agrège en leur délivrant des financements ainsi que de généreuses prébendes dans des instances décoratives.

Enfin, toute virtualité d’Europe sociale, aussi évanescente fût-elle, a disparu avec l’euro et l’élargissement des années 1990. L’élargissement, parce que les travailleurs des anciens États d’Europe sous hégémonie soviétique ont des salaires minimums et médians huit à neuf fois inférieurs à ceux d’Europe de l’Ouest. L’euro, parce que cette monnaie violemment dysfonctionnelle est surévaluée pour la plus grande partie des États et sous-évaluée pour l’Allemagne et quelques autres États, ce qui la conduit à donner des avantages compétitifs de plus en plus exorbitants aux pays les plus forts, donc à les enrichir toujours plus, tout en étouffant les pays les plus faibles qui, ne pouvant plus agir sur le taux de change de leur monnaie, se voient contraints de diminuer les salaires et de vaporiser tout droit social, avec comme conséquence la disparition programmée des classes moyennes, dont on sait qu’historiquement leur développement a permis l’enracinement de la démocratie.

Au stade terminal, comme on parle du cancer, vous avez la Grèce où les salaires et les pensions ont baissé de 40 à 50 % en dix ans, où les autres prestations sociales ont été réduites plus encore quand elles n’ont pas disparu, où l’imposition des plus pauvres a explosé, où le droit social a été à ce point “flexibilisé” que d’innombrables salariés ne sont plus payés qu’un mois sur deux, trois ou cinq selon le seul bon vouloir des patrons, où la petite propriété est spoliée par les banques et l’État, et où le politique a perdu toute crédibilité – ce qui ouvre la voie aux pires aventures.

Comment, autrement qu’en rêve, penser que vingt-huit ou vingt-sept gouvernements et parlements pourraient s’entendre pour renverser l’élément central de soixante ans de “construction européenne” – la concurrence, la libre circulation des travailleurs et des capitaux – et inverser la logique de destruction de l’État social qui en découle ? Il s’agit là d’une chimère, et ceux qui y croient ou feignent d’y croire sont soit de dangereux naïfs soit des illusionnistes cyniques.

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https://comptoir.org/2018/12/04/olivier-delorme-lue-est-une-construction-fondamentalement-anti-democratique/

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