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Chronique de Claude Weill

Du mauvais usage d'un martyr

(extraits)

Quant aux historiens, ils avouent leur perplexité.

Sans doute, comme on le dit à l'Elysée, Guy Môquet est une belle image de la jeunesse, du courage et de l'engagement.

Une victime exemplaire de la barbarie nazie et de l'ignominie vichyste.

Mais s'il s'agit d'incarner le combat de la Résistance, le choix prête à discussion.

Quand on prétend faire oeuvre de pédagogie, il faut se méfier des anachronismes.

Guy Môquet adhère au PCF en 1939, au moment où son père, Prosper, est déchu de son mandat de député et bientôt emprisonné pour avoir refusé de condamner le pacte germano-soviétique.

Lui-même est arrêté en octobre 1940, non par les Allemands, mais par la police de Vichy.

Non pour fait de résistance contre l'occupant, mais sur la base du décret Daladier de 1939 portant « dissolution des organisations communistes ».

Ce n'est pas faire injure à sa mémoire que de le rappeler, et il serait absurde d'en faire grief à un enfant de 17 ans :

à l'été 1940, le PCF déchiré entre ses sentiments patriotiques et l'allégeance à Moscou

qui a adressé à Berlin ses « plus chaudes félicitations » pour les « succès splendides des forces armées allemandes »,

n'appelle pas, pas encore, à combattre l'Allemagne.

C'est à l'été 1941, après l'invasion de l'URSS par la Wehrmacht, qu'il s'engage dans la lutte armée contre l'occupant.

Le 20 octobre 1941, à Nantes, un jeune communiste, Gilbert Brustlein, abat le général Hotz.

Guy Môquet et ses camarades sont livrés par Vichy et exécutés comme otages.

L'historiographie communiste n'aura de cesse de faire oublier les errements de 1939-1941.

Et le drame de Châteaubriant a joué un rôle clef dans cette réécriture de l'histoire,

qui visait à antidater l'entrée du PCF en résistance,

en faisant des martyrs du 22 octobre 1941, dont beaucoup avaient été arrêtés dès l'automne 1939,

les pionniers de la lutte contre l'hitlérisme.

Tout cela est du passé. Nous ne sommes plus dans le temps des héros mais dans celui de l'histoire.

Hors de tout jugement moral - au demeurant, le PC n'a certes pas à rougir de son comportement pendant la guerre -,

il importe aujourd'hui d'expliquer.

Or si la lettre de Guy Môquet qui sera lue le 22 octobre dans les lycées de France est bouleversante,

son apport historique est mince.

Elle ne dit rien de son engagement, de son idéal de jeune communiste, rien du contexte.

On voit mal ce que cette lecture peut susciter chez des lycéens d'aujourd'hui,

sinon une bouffée d'émotion, un moment de communion patriotique, émotionnel et a-historique.

N'est-ce pas là, en effet, instrumentaliser l'histoire ?

Le Nouvel Observateur, n° 2236 du 13 au19 septembre 2007

Et si on lisait vraiment ce qu’écrit Guy Môquet au moment où il est arrêté

Texte publié par Guy Krivopissko,

Conservateur du Musée de la Résistance nationale, dans « La vie à en mourir, Lettres de fusillés 1941-1944 »

« C’est une protestation. Peu de temps avant son arrestation,

trois de ses camarades de la jeunesse communiste du 17ème arrondissement avaient été arrêtés.

C’est un texte très politique.

La mention manuscrite au crayon est la suivante : “trouvé sur Môquet“.

Ce qui indique que cela a été saisi sur lui par les autorités judiciaires ou policières.

Est-ce que ce texte était destiné à devenir un tract ou un papillon ? On l’ignore. » (Guy Krivopissko)

Parmi ceux qui sont en prison

Se trouvent nos 3 camarades

Berselli, Planquette et Simon

Qui vont passer des jours maussades

Vous êtes tous trois enfermés

Mais patience, prenez courage

Vous serez bientôt libérés

Par tous vos frères d’esclavage

Les traîtres de notre pays

Ces agents du capitalisme

Nous les chasserons hors d’ici

Pour instaurer le socialisme

Main dans la main Révolution

Pour que vainque le communisme

Pour vous sortir de la prison

Pour tuer le capitalisme

Ils se sont sacrifiés pour nous

Par leur action libératrice.

Posté(e)

Et quitte à lire de lettres, ne pas oublier celle de Boris ;) :

Monsieur le Président

Je vous fais une lettre

Que vous lirez peut-être

Si vous avez le temps

Je viens de recevoir

Mes papiers militaires

Pour partir à la guerre

Avant mercredi soir

Monsieur le Président

Je ne veux pas la faire

Je ne suis pas sur terre

Pour tuer des pauvres gens

C'est pas pour vous fâcher

Il faut que je vous dise

Ma décision est prise

Je m'en vais déserter

Depuis que je suis né

J'ai vu mourir mon père

J'ai vu partir mes frères

Et pleurer mes enfants

Ma mère a tant souffert

Elle est dedans sa tombe

Et se moque des bombes

Et se moque des vers

Quand j'étais prisonnier

On m'a volé ma femme

On m'a volé mon âme

Et tout mon cher passé

Demain de bon matin

Je fermerai ma porte

Au nez des années mortes

J'irai sur les chemins

Je mendierai ma vie

Sur les routes de France

De Bretagne en Provence

Et je dirai aux gens:

Refusez d'obéir

Refusez de la faire

N'allez pas à la guerre

Refusez de partir

S'il faut donner son sang

Allez donner le vôtre

Vous êtes bon apôtre

Monsieur le Président

Si vous me poursuivez

Prévenez vos gendarmes

Que je n'aurai pas d'armes

Et qu'ils pourront tirer

Nota:

La version initiale des 2 derniers vers était:

"que je tiendrai une arme ,

et que je sais tirer ..."

Boris Vian a accepté la modification de son ami Mouloudji

pour conserver le côté pacifiste de la chanson !

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