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zoukine

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On m'a posé la question l'année dernière et j'ai répondu rapidement. Quelqu'un pourrait m'aider? :sad:

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On m'a posé la question l'année dernière et j'ai répondu rapidement. Quelqu'un pourrait m'aider? :sad:

Aucune idée sauf peut-être ... Maman Dlo --> Maman de l'eau ... un jeu de mots ??!!

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En 1997, Alex Godard va inscrire le sort d’une famille représentative dans les paysages de la mer des Caraïbes. Cet appel de la mer exige encore que soit exorcisée la peur de Maman-dlo, la sorcière. Celle-ci est la mauvaise mère symbolique des contes traditionnels qui dérobe les fils des Antilles, les séduit, les arrache à leur bateau et les entraîne au fond pour les noyer.

Le tourbillon noirâtre de l’ennui lyonnais est bien oublié, mais pour de vertes profondeurs qui n’en sont que plus traîtresses. Maman-dlo est encore, dans l’album de ce titre publié chez Albin Michel Jeunesse en 1998, l’expression imagée d’une autre force jumelle néfaste et symétrique : celle qui, à travers l’attrait exercé par la « métropole », enlève aussi les femmes transportées dans l’exil économique vers la France pour y travailler. Ainsi la mère de Cécette, une jeune héroïne d’une dizaine d’années tout au plus, a pris le bateau vers l’Europe, confiant sa fille à ses parents, après la mort de son mari noyé au cours d’une pêche en mer et l’enfant qui l’attend lui décrit sa vie de tous les jours dans ses lettres. Dans le dessin que fait Cécette, après une promenade dans l’Anse-Bois-d’Inde en quête de « coquillages et aussi de sable rosé » c’est pourtant encore le ciel bleu et non la mer qui est le représentant symbolique du monde originel :

« Elle dessine une tourterelle dans le ciel, puis elle l’efface. Elle ne garde que le ciel parce qu’elle ne sait pas dessiner les tourterelles. De toute façon, c’est d’un ciel bleu dont sa mère a besoin. Là-bas, c’est gris tout le temps. Cécette dessine aussi une case en planches, recouvertes de tôles ondulées... Derrière, elle peint un arbre, un mapou aux feuilles bien solides. Là-bas, les arbres perdent leurs feuilles. Drôle de manie ! Elle n’oublie pas de mettre un gros soleil bien jaune parce que là-bas, dit-on, il fait très froid… »

Le dessin de ce ciel et de ce soleil, évoqués, mais non représentés par l’illustrateur, a été en réalité précédé dans l’album par la planche magnifique d’une double page montrant la fillette dans le vent en train de marcher sur la plage au bord d’une lagune au bleu turquoise et au ciel inoubliables : un rameau de feuilles charnues qui semble surgir de la gauche, comme pour la caresser et la soutenir, révèle là aussi la puissance des forces naturelles à son service.

Comme si les images dans leur vérité livraient l’énergie inconsciente du personnage, Cécette est l’émanation, l’âme en quelque sorte, d’un jeune pays et d’une grande espérance. Déchirée entre l’envoûtement sensuel qu’exerce son île bleue (la persistance des feuilles du mapou signe la permanence des forces naturelles) et l’appel de l’Europe, elle sort victorieuse de son dilemme moral, avec le soutien affectif de ses grands-parents et s’impose comme médiatrice de la culture qui la déracine. Bonne élève qualifiée par sa maîtrise du français, par la lecture et l’écriture, elle devient, en fait, l’auxiliaire magique de sa grand-mère illettrée, sans défense devant les mystères de l’administration française, et se transforme en professeur de son aïeule à qui elle apprend à lire et à écrire. Enfin une nécessité intérieure la pousse à rejoindre sa mère en France et elle prend le bateau à la fin de l’album pour aller passer les vacances avec elle. En réalité, pour livrer un autre combat:

« Cécette monte sur le bateau, les poings serrés, comme si elle allait devoir se battre contre le Reine des Eaux. Contre toutes les maman-dlo qui promettent monts et merveilles pour mieux séparer ceux qui s’aiment. »

Entre l’éternité de la vie dans l’univers du mythe (non pas une Arcadie à la Bernardin de Saint Pierre, mais le monde simple et ancestral des pêcheurs du bord de mer) et les turbulences de l’histoire des civilisations de l’écriture, Alex Godard inscrit la glorification ultime d’une petite fille devant affronter les réalités de la communication contemporaine. Qui plus est, il laisse entendre dans la dernière page de son livre montrant le bateau en partance sur une mer turquoise dont le bleu a été comme renforcé et comme obscurci que l’enfant sortira victorieuse de son épreuve : « Je reviendrai… Je reviendrai ! crie-t-elle, tandis que le bateau gagne doucement le large. »

Avec détermination, Cécette oppose donc la douceur enfantine et la relation fusionnelle à la violence des séparations : l’anse marine est bordée ici d’un filet abandonné sur une plage déserte et elle est limitée aussi par un rocher noir qui laisse saisir, par anamorphose, le masque du père disparu. Et c’est précisément par l’introduction d’un conte expliquant la mort de celui-ci et montrant la cruauté de Maman-dlo que tout le récit d’Alex Godard tire sa cohérence et sa force. Une soirée de contes est mise en scène au coeur même du récit : « Té Krik ? Yé krak ! Yééé Mistikrik ? Yééé Mistikrak ! » Elle intervient, comme il convient selon les rites du contage, à la tombée de la nuit et les planches de l’album décrivant le drame sont éclairées par la lumière du couchant, à cet instant du crépuscule où l’onde noire et bleue est encore bordée d’une frange d’or. Ainsi l’action néfaste de la sorcière est-elle soulignée par l’attrait pervers de l’or qu’elle fait briller aux yeux éblouis des deux pêcheurs rentrant bredouille de leur sortie en mer :

« Regardez ce que j’ai pour vous...

Tout aussitôt, le ventre obscur de la mer s’illumina, semblant trahir la cachette secrète du soleil à la nuit venue.

Plongez ! dit-elle. Plongez et remplissez votre canot d’autant d’or que vous voudrez ! »

Accouchement monstrueux au fond de la mer, ce ventre est aussi le centre vertigineux qui entraîne la victime vers le fond, tout comme le tourbillon gris d’Idora consacrait un naufrage : la soif non maîtrisée de l’or cause la ruine des héros et l’un des deux frères ici va périr : le plus cupide, le père de Cécette ? Rien ne permet de le dire. Mais le conte « en abyme », un récit-miroir à la morale naïve, retentit dans l’histoire de l’album comme un avertissement qui n’a pas été écouté et c’est au lecteur qu’il appartient de tirer ses propres conclusions de l’assemblage artistique des textes et des images.

L’illustrateur, finement, a pris soin de l’avertir et d’offrir à son regard enchanté l’indice de superbes pages de garde : encadrant le récit, celles-ci présentent par analogie un motif de madras dont la turquoise est illuminée par un éclat doré qui semble suggérer les lueurs du soleil brillant à travers la matière du rêve même ! Un sublimé de la végétation luxuriante de l’île et de son mapou emblématique? Un rappel de ces décorations et coquillages que Cécette colle autour du paysage dessiné dans ses lettres : « des coquilles-papillons nacrées aux motifs de madras… » De toute façon, suggérant la légèreté colorée de l’être dans sa transparence solaire !

Histoire qui m'a beaucoup touchée. En plus, l'histoire de Cécette me rappelle un peu la mienne. Je te souhaite une bonne lecture.

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