Enseigner en ZEP.

[katag3na]

Bonjour,

Ma soeur, actuellement en formation d'assistante sociale, fait actuellement une étude sur les professeurs des écoles en ZEP. Elle m'a transmis un petit questionnaire à remplir d'ici demain (oui, je sais, elle n'est pas en avance ) à propos de votre vécu en ZEP, et j'ai pensé qu'il pourrait être intéressant de le proposer ici pour comparer nos expériences.

Ce questionnaire est anonyme et sera exploité uniquement au sein de son organisme de formation (vous pouvez me l'envoyer en MP si vous le souhaitez).

Je vous remercie de m'accorder un tout petit peu de votre temps pour l'aider

Profil de la personne interrogée :

Lieu d'exercice : (ZEP de …. )

Age :

Sexe :

Nombre d'années d'exercice :

Nombre d'années d'exercice en ZEP :

Les questions sont ouvertes , il serait préférable de justifier au possible vos réponses afin que l'exploitation de celles-ci soit le moins « interprétée » possible.

1.Que pensez-vous de la mise en place des ZEP ?

2.Avez-vous observé un changement depuis la mise en place des ZEP en 1982 ?

3.Pensez-vous que les éléves scolarisés en ZEP ont les mêmes chances que ceux scolarisés en « milieu ordinaire » ?

4.Que proposeriez-vous pour tendre vers une égalité des chances pour les éléves issus de « quartiers difficiles »

5.Quelles différences notez-vous entre la scolarisation des enfants en ZEP et celle en « milieu ordinaire » ?

6.Pensez-vous que les jeunes instituteurs sont les plus à même d'exercer dans une ZEP ?

7.D'aprés-vous ,pourquoi les instituteurs ont tendance à ne pas vouloir excercer en ZEP ?

8.Enfin , d'aprés vous , quel sera l'avenir de ces éléves issus des ZEP ?

Merci d'avance!

[Gelsomina31]

Lieu d'exercice : (ZEP de VALENTON )

Age : 32

Sexe : F

Nombre d'années d'exercice : 4e

Nombre d'années d'exercice en ZEP : 4e

Les questions sont ouvertes , il serait préférable de justifier au possible vos réponses afin que l'exploitation de celles-ci soit le moins « interprétée » possible.

1.Que pensez-vous de la mise en place des ZEP ?

Très bonne idée si c'est pour créer des endroits où l'instruction est renforcée par des moyens pédagogiques et sociaux

2.Avez-vous observé un changement depuis la mise en place des ZEP en 1982 ?

J'avais 5 ans en 1982 et je n'ai jamais été en zep avant d'être instit. en tout cas, en 4 ans d'exercice, j'ai vu la situation se dégrader alors j'imagine qu'en 27 ans...

3.Pensez-vous que les éléves scolarisés en ZEP ont les mêmes chances que ceux scolarisés en « milieu ordinaire » ?

Absolument pas. Malgré le soit-disant plus de moyens (ça dépends des endroits), les élèves de ZEP ont des familles en très très grandes difficultés sociales, une éducation de m**** (désolée pour le gros mot), aucun respect pour rien sauf pour la violence, aucune motivation pour l'école, le travail et l'instruction, le suivi social n'est pas assuré par manque de moyens humains, les travailleurs sociaux et les enseignants ne sont pas vraiment encouragés à travailler en ZEP. Comment parler d'égalité des chances?

4.Que proposeriez-vous pour tendre vers une égalité des chances pour les éléves issus de « quartiers difficiles »

Beaucoup plus de travailleurs sociaux qualifiés, beaucoup moins de grand-frères/grande-soeurs caïds des cités, plus de police de proximité et/ou de médiateurs de la république formés pour rappeler les règles de vie républicaines, plus de profs qualifiés pour travailler avec des élèves violents, perturbés psychologiquement et en voie de délinquance

5.Quelles différences notez-vous entre la scolarisation des enfants en ZEP et celle en « milieu ordinaire » ?

En "milieu ordinaire" l'élève qui refuse d'apprendre ou qui a des problèmes d'apprentissage est rare. En ZEP, c'est la majorité.

6.Pensez-vous que les jeunes instituteurs sont les plus à même d'exercer dans une ZEP ?

Surement pas. Mais c'est comme à la guerre, on envoie les moins qualifié pour servir de bouclier au reste de la troupe. Parait que c'est formateur...

7.D'aprés-vous ,pourquoi les instituteurs ont tendance à ne pas vouloir excercer en ZEP ?

Honnêtement, qui a envie d'aller bosser au péril de sa santé intellectuelle, psychologique et physique? A part quelques instits militants (dont je suis), les fous ou les suicidaires, personne ne voudraient travailler en ZEP.

8.Enfin , d'après vous , quel sera l'avenir de ces éléves issus des ZEP ?

Si on continue comme ça, le chaos, la guerre civile au niveau local puis plus largement.

Si on met des moyens humains formés, si on ouvre les ZEP vers l'extérieur et qu'on y rétablit l'ordre sociale, aucun raison de s'inquiéter.

Mais comme l'actuel gouvernement semble vouloir foncer dans le mur, je suis un peu beaucoup inquiète.

[dhaiphi]

Lecture édifiante, s'il en était encore besoin, à recommander ! Merci

[push]

En terme de moyen humain, on compte un enseignant surnuméraire par école classée zep, affecté pour travailler- en théorie- avec les élèves les plus en difficultés, en petits groupes.

Le seul souci, qui a son importance, c'est que l'enseignant en question doit également assurer les remplacements au pied levé des autres collègues éventuellement absents... ça n'a l'air de rien mais ça change tout: je n'ai fait qu'une année en zep, il aura suffit d'un congé mater pour que le moyen supplémentaire "saute"... Donc au final, il n'y a souvent AUCUNE différence humaine comparativement à une école ordinaire ( et on appréciera le cynisme du système, qui permet d'économiser un zil/brigade).

[natachalala]

En terme de moyen humain, on compte un enseignant surnuméraire par école classée zep, affecté pour travailler- en théorie- avec les élèves les plus en difficultés, en petits groupes.

Le seul souci, qui a son importance, c'est que l'enseignant en question doit également assurer les remplacements au pied levé des autres collègues éventuellement absents... ça n'a l'air de rien mais ça change tout: je n'ai fait qu'une année en zep, il aura suffit d'un congé mater pour que le moyen supplémentaire "saute"... Donc au final, il n'y a souvent AUCUNE différence humaine comparativement à une école ordinaire ( et on appréciera le cynisme du système, qui permet d'économiser un zil/brigade).

Ben je demande bien où est-ce qu'il se cache cet enseignant depuis 4 ans ?

Jamais vu.

Jamais entendu en parler.

Disparus, les crédits ZEP. Depuis 3 ans. Bah, ce n'était pas une grosse somme. On ne voit pas vraiment de différence.

Cela veut dire quoi, ZEP ?

Me souviens plus...

[cecilou80m]

Des classes plafonnées à une moyenne de 25 au lieu de 32.

Un budget par élève légèrement supérieur (5% je crois)

Une enseignante surnuméraire qui vient 1 après-midi pour les grandes sections, une aide pédagogique un jour par semaine.

Même si la différence n'est pas énorme, elle est tout de même appréciable...

[Lena]

(D'après une récente conférence péda)

les ZEP sont devenues:

-> RRS (réseau de réussite scolaire): les PE ont une prime et c'est tout

-> RAR (réseau ambition réussite): prime pour les PE, PE en plus pour petits groupes, aides pédagogiques pour 2der les PE

[pticuicui]

Euh je suis en zep et en rar ( certes en mater) pas de surnuméraire, pas d'aide pédagogiques, ( au passage toujours pas d'ordi dans les classes) rien de plus que la zep normale qui déjà n'a pas grand-chose en plus.

J'ai de la chance parce qu'il y a un peu de mixité sociale et qu'ils sont encore petits mais je ne voudrais pas avoir de cycle 3 dans le coin.

Par contre même si je vais pas changer la vie de mes élèves, je sais que je leur suis utile que je suis un repère et que je leur apprends des choses. L'an passé j'étais dans un quartoer très très favorisé et y'avait des jours je me demandais à quoi je servais.

[steph.stephy3]

Allez, je m'y colle aussi :

Profil de la personne interrogée :

Lieu d'exercice : (ZEP de …. ) Nice quartiers est

Age : 34

Sexe : F

Nombre d'années d'exercice : 5

Nombre d'années d'exercice en ZEP : 5

.

1.Que pensez-vous de la mise en place des ZEP ?

Cela correspondait à un besoin urgent à l'époque de contenir la violence dans les quartiers en donnant l'illusion qu'on y apportait un remède. Comme la police n'y entrait plus, on a souligné le fait que les profs continuaient de s'y rendre quodiennement...

2.Avez-vous observé un changement depuis la mise en place des ZEP en 1982 ?

Je n'en sais rien, je n'y suis que depuis 5 ans.

Toutefois, le quartier dans lequel j'exerce change peu à peu depuis que j'y suis arrivée : nouvelles constructions privées, nouveaux arrivants plus argentés, construction d'une salle de spectacles par la mairie, arrivée d'un centre Leclerc, petits commerces. Ce quartier, autrefois lieu de passage vers l'autoroute, semble prendre vie. Avant, il n'était qu'une cité-dortoir.

3.Pensez-vous que les éléves scolarisés en ZEP ont les mêmes chances que ceux scolarisés en « milieu ordinaire » ?

Absolument pas. Beaucoup ne parlent français qu'à l'école. Et malgré tout le travail en primaire, j'ai vu des gamins rattrapés par les bandes de quartier au collège. En 2 mois, 8 ans de boulot sur une gamine qui roulait bien, perdus, ravagés par le quartier. Selon le prof de collège : "On l'a perdue en octobre". Et ce n'est pas la seule...

4.Que proposeriez-vous pour tendre vers une égalité des chances pour les éléves issus de « quartiers difficiles »

Au lieu de faire des écoles dans ces quartiers, avec du beau matériel saccagé pendant la nuit, faire du ramassage scolaire et dispatcher les gosses dans les autres écoles de la ville. Cela ne coûterait au final probablement pas plus cher.

Mélés aux autres dès le début, dans une ambiance de travail autre que dans le conflit avec l'enseignant, où tenir tête est un honneur, ils auraient peut-être une chance...

Mais les parents de Jean-Edouard de... seront-ils d'accord pour laisser le petit Mouloud entrer dans la classe de leur fils ?

5.Quelles différences notez-vous entre la scolarisation des enfants en ZEP et celle en « milieu ordinaire » ?

Je n'en sais rien, je n'ai jamais enseigné ailleurs. Sauf 2 semaines de stages dans un CM2 huppé en PE2 : j'avais l'impression d'être seule en classe tant les enfants travaillaient en silence. Aucune opposition à l'adulte dans mes souvenirs.

Pourtant, j'étais plutôt perçue comme un dragon par les CM (je suis passée en mater cette année) et ça ne bronchait pas trop dans ma classe. Mais c'est une tension permanente, tout peut toujours potentiellement partir en vrille. J'ai même du plaquer un gosse au mur un jour. Il faut montrer les dents (et quand on mesure 1M57 comme moi, c'est pas évident). Ne jamais lâcher. J'imagine le désarroi de certains collègues pour lesquels ça part toujours en vrille...

6.Pensez-vous que les jeunes instituteurs sont les plus à même d'exercer dans une ZEP ?

Oui et non.

Non, parce que c'est pas sympa de nous envoyer au casse-pipe. J'ai pleuré une semaine de trouille quand j'ai connu mon affectation, mais j'y suis toujours. On survit . sérieusement, une fois implanté dans le quartier, ça va, on fait partie des meubles, on n'est plus tranquille.

Oui, parce que j'imagine mal une carrière qui se déroulerait avec en bonus pour bons et loyaux services d'être récompensés en gagnant un poste pourri.

Il est normal que les conditions de travail s'améliorent avec l'ancienneté et non le contraire !!! C'est cela dans tous les métiers.

Pour l'instant, je cumule les points et partirai lorsque j'aurai gagné "ma place au soleil". A ce moment-là, je n'aurai plus la santé et la foi pour la ZEP.

7.D'aprés-vous ,pourquoi les instituteurs ont tendance à ne pas vouloir excercer en ZEP ?

La trouille; vous aimeriez aller bosser chaque jour en vous demandant si la classe va s'opposer à vous, si un parent va venir vous agresser le soir et si vous retrouverez votre voiture pour repartir ?

8.Enfin , d'aprés vous , quel sera l'avenir de ces éléves issus des ZEP ?

Je pense que 5 % feront des études et auront un bon métier.

Les filles sont pour la plupart destinées à se marier et faire des enfants. Elles s'en sortiront si elles ne tombent pas dans le piège de se marier trop tôt.

Les garçons : beaucoup feront des petits boulots. Quelques-uns termineront une balle dans la tête dans des règlements de compte de quartiers. D'autres iront de prison en prison.

Tout est une question de choix : ils ont la possibilité de sortir du quartier, mais beaucoup choisissent d'y rester.

Je viens d'un quartier à peine au-dessus des ZEP et nous avons été très peu à faire le bon choix.

[del20170202]

[Au lieu de faire des écoles dans ces quartiers, avec du beau matériel saccagé pendant la nuit, faire du ramassage scolaire et dispatcher les gosses dans les autres écoles de la ville. Cela ne coûterait au final probablement pas plus cher.

Stéphanie, les écoles du centre-ville de Nice se rapprochent de plus en plus de Bon Voyage au niveau du public accueilli (la misère sociale gagne du terrain hélas).

Les conditions de travail se dégradent d'année en année. Ça fait peur, on se demande où ça va s'arrêter. Et tout ça sans prime ZEP.

Dispatcher les élèves ne servirait donc absolument à rien, si ce n'est enfoncer encore un peu plus les écoles du centre (et certaines sont déjà bien bas, tu peux me croire).

Je t'envoie un MP pour t'en dire plus.

[shirmette]

Chez nous (RRS Le Village/ RAR Gargarine / RRS Courbet de Trappes (78)), j'ai des classes de 18 élèves (plafonnées à 24), une enseignante surnuméraire qui vient voir mes GS 2h par semaine (sinon elle va aussi en CP et CE1) et des moyens (chaque école a une salle info et un TBI), les gamins ne parlent effectivement que rarement français en dehors de l'école, sont certes plus remuants que dans d'autres coins, mais je n'échangerais pas ma place. Je suis la seule T1 à avoir fait la demande de ma circo (j'étais aussi la seule PE2 à le faire pour les stages) et je le referai, je suis un produit de la ZEP et j'espère encore pouvoir donner les moyens à d'autres d'en sortir, même si ce n'est que 5%. Peut etre je changerai d'avis d'ici quelques années et après plusieurs souffrances, l'avenir nous le dira...

[dhaiphi]

Allez, je m'y colle aussi :

Une deuxième lecture très instructive, merci encore.