cahier journal en ligne ????

[bibou2]

On est quand même bien content de pouvoir imprimer un formulaire pour la CAF sans avoir à s'y déplacer, déclarer le changement d'adresse aux impots ou au service des cartes grises sans avoir à y faire la queue, demander un extrait d'acte de naissance sans avoir à aller dans notre commune de naissance à l'autre bout de la France ou de casier judiciaire etc... pourquoi les parents d'élèves ne pourraient pas avoir le travail raté par leurs enfants ou vérifier le travail à faire (surtout quand l'agenda est bizarrement vide...) sur le net? pourquoi l'Education Nationale serait elle le seul service public qui n'utiliserait pas le numérique?

Je suis d'accord, mais dans les administrations dont tu parles, je pense qu'il y a des gens payés dont le boulot est justement d'adapter les-dites administrations au net ; dans notre cas, c'est du boulot en plus pour les enseignants, qui ferait évidemment partie des "obligations de service".

Alors je suis d'accord que des volontaires le fassent (c'est finalement ce que je fais sur le blog de mon école, puisque j'écris les devoirs quotidiens dessus), mais ça doit rester selon la volonté de chacun.

[Mogwli]

On est quand même bien content de pouvoir imprimer un formulaire pour la CAF sans avoir à s'y déplacer, déclarer le changement d'adresse aux impots ou au service des cartes grises sans avoir à y faire la queue, demander un extrait d'acte de naissance sans avoir à aller dans notre commune de naissance à l'autre bout de la France ou de casier judiciaire etc...

Tu as raison, il est vrai que ces formalités par internet nous font gagner du temps.Mais pourquoi avons-nous de plus en plus besoin de gagner du temps ?

N'est-ce pas parce que, dans la plupart des métiers du secteur public comme du secteur privé, on nous met une pression de plus en plus forte pour augmenter notre productivité jusqu'à nos dernières limites, parce qu'on exige de nous une charge de travail sans cesse croissante, ce qui nous amène à courir constamment après le temps dans un état de stress permanent ?

Les extraits de casier judiciaire ou d'acte de naissance, jusqu'à récemment, au lieu de les demander par internet, il fallait juste faire un petit courrier pour les obtenir (on n'avait pas besoin d'aller à l'autre bout de la France pour ça ). Bon d'accord, il fallait dépenser le prix d'un timbre, mais bon, ce n'est pas non plus tous les jours qu'on a besoin de ces documents... Et puis même avec les nouvelles procédures, on n'économise pas nécessairement l'étape du courrier d'ailleurs : pour ceux qui sont nés dans les DOM-TOM par exemple, il faut dans certains cas imprimer un document que l'on doit remplir manuellement puis renvoyer ensuite par la poste !

Alors oui, bien sûr que l'on gagne un peu de temps avec ces formalités par internet, mais ce que je vois aussi, c'est que ça permet de liquider un maximum d'emplois dans les services concernés, et de délocaliser certains emplois "épargnés" par ce dégraissage vers des plates-formes situées on ne sait où. En fin de compte, est-ce vraiment un progrès ?

[Boogie44]

Mais pourquoi avons-nous de plus en plus besoin de gagner du temps ?

N'est-ce pas parce que, dans la plupart des métiers du secteur public comme du secteur privé, on nous met une pression de plus en plus forte pour augmenter notre productivité jusqu'à nos dernières limites, parce qu'on exige de nous une charge de travail sans cesse croissante, ce qui nous amène à courir constamment après le temps dans un état de stress permanent ?

Je crois que tu touches là à un élément tout à fait central

élémentaire

primordial

absolument prééminent

bref super important

des effets multiples qu'engendre ce qu'il faut nommer l'idéologie dominante

(dont l'économie procède "tout simplement", je dirais, de l'imposition des intérêts des classes dominantes aux autres classes sociales ou, pour dire autrement, de la confusion - très bien orchestrée, et dont la généalogie historique a été maintes fois démontrée - entre intérêts particuliers (ceux de la finance et des grands capitalistes) et intérêt général

regardez, écoutez : les arguments aujourd'hui pour "changer la vie" ou à tout le moins "améliorer le sort de nos concitoyens" passent TOUJOURS par une soumission aux intérêts de la finance (assimilée à un phénomène aussi naturel que la pluie, et certainement pas à ce qu'elle est, c'est à dire à une construction historique qui est de fait déconstructible)

je pense qu'il faut comprendre un truc (évidemment pour ceux qui ne le comprenaient pas) : ce qui arrive à la profession enseignante est déjà arrivé ces dernières décennies à la majorité de la population active (eh oui je pense que certains ne le savent pas)

en ce sens, nous ne faisons que rejoindre le lot général, nous dont les spécificités professionnelles (historiquement construites également) faisaient que nous étions relativement protégés

mais ça semble être en train de se finir.

Pour revenir à ce que tu dis ici, Mowgli, je voulais vous dire un truc.

vous allez probablement vous moquer m'enfin

J'ai un enfant, et je me suis rendu compte qu'il passait plus de temps chez la nourrice qu'avec nous (et ensuite ça sera l'école)

qu'on bosse toute la journée pour rentrer crevés le soir, qu'avec ma femme on ne fait que se croiser

qu'on parle du boulot les trois quart de notre temps en commun

qu'on a pas le temps de voir nos voisins

bien peu nos amis

pas le temps pour le jardin

que nous "n'habitons" pas dans notre maison : on n'y fait que dormir

mais qu'est-ce que c'est que cette vie ? Habiter, ça veut dire quoi ? travailler, ça veut dire quoi ? Voisiner, ça veut dire quoi ?

le résultat c'est que ce que tu dis, la pression, la pression, l'objectif incessant de faire confondre vie et travail, voilà qui devrait devenir le point d'orgue de toute action politique

on a une vie de fou, la plupart des parents ne voient leurs enfants que le soir et crevés, la plupart des parents souffrent au travail, et après on s'étonne que les enfants aient changés à l'école ? Sans déconner, personne ne fait le lien entre les problèmes des enfants à l'école et les évolutions du marché du travail ? On écartèle les parents, on les presse, on les somme de se confondre corps et âmes avec leur poste de travail, on les empêche d'avoir le temps de vivre une bonne vie, où on connaît ses voisins, où on a un jardin si on est chanceux, où on passe pas un tiers de sa journée dans sa bagnole, où on passe du temps avec ses enfants sans leur réserver les moments de la journée où on est le moins disponible émotionnellement et intellectuellement (ça c'est évidemment réservé pour le boulot...)

Les problèmes de l'école d'aujourd'hui ce sont les problèmes du marché du travail et ce qu'on fait des salariés dans ce pays

on s'en rendra compte quand, que les enfants sont ce qu'ils sont du fait des conditions de vie et de travail de leurs parents et, si on s'en rend déjà compte, pour tirer les conséquence politiques de ce savoir ? ? ? ?

« Le problème du passage de la connaissance à l’action est probablement celui sur lequel Bourdieu et moi avons eu les discussions les plus fréquentes et les plus longues au cours des vingts dernières années. Dans les Méditations pascaliennes, il parle du fait que « les obstacles à la compréhension, surtout peut-être quand il s’agit de choses sociales, se situent moins, comme l’observe Wittgenstein, du côté de l’entendement que du côté de la volonté » [MP, p.17]. Il avait sûrement raison de penser que, en matière sociale, la volonté de ne pas savoir est une chose plus réelle que jamais […]. Mais il ne faut pas seulement vouloir savoir, il faut aussi vouloir tirer des conclusions de ce que l’on sait et, quand les conclusions à tirer sont des conclusions pratiques, on entre dans un domaine sur lequel l’intellect n’a malheureusement plus guère de prise et qu’on ne maîtrise pas mieux aujourd’hui qu’autrefois. »

Jacques Bouveresse (2003) Bourdieu, savant et politique. Marseille : Agone. p. 36

[Mélusine1976]

Ben si on parle de cahier de texte électronique, il y a déjà ça :

http://www.beneyluschool.net/

Et un fil sur ce forum :

[matelot]

avant de mourir (peut-être demain), il faut vivre....