Roserouge100 Posté(e) 10 juin 2011 Posté(e) 10 juin 2011 Qui a été éducateur spécialisé avant d'être enseignant. Est-ce que ça vous a aidé dans la gestion de classe notamment concernant la discipline. Dans votre formation il y a t-il un volet psychologie de l'enfant. Etes vous formés pour comprendre les élèves souffrant de troubles du comportement et à mieux les gérer en classe Merci de vos réponses
Boogie44 Posté(e) 15 juin 2011 Posté(e) 15 juin 2011 la question des relations (et donc des passages) entre ces deux métiers est une question absolument essentielle pour comprendre l'économie générale de notre système éducatif. Je me permet de vous copier ici un extrait de mon mémoire de master recherche qui aborde ce thème. ___________________________________ 3.1.1 L’éducation spéciale contre l’éducation scolaire : un contentieux historique ? « [Dans le milieu de l’éducation spéciale], si la confiance dans l’éducabilité de l’enfant est globalement partagée avec le monde scolaire, à l’Education nationale persiste tout de même une forte ambiguïté entre instruction et éducation. » Michel Chauvière (1999) 3.1.1.1 Aux origines Les fondements idéologiques de l’école républicaine sont inséparables de leurs conditions d’émergence, caractérisées notamment par des traductions politiques de théories se pensant comme scientifiques comme l’eugénisme et comme ce qui a été plus tard défini comme relevant d’une forme de « darwinisme social » (Gateaux-Mennecier, 2000) et par la prégnance du positivisme, « composante majeure de la pensée républicaine de l’Ecole » de l’époque, ainsi que l’écrit Pierre Kahn (2000). En ce sens, ils sont habités du même paradoxe qui anime l’ensemble de l’œuvre législative autour de la question sociale sous la troisième république, en particulier avant 1914 : la volonté affichée par les responsables politiques de permettre à l’action de l’Etat d’étendre le principe d’égalité, de pourvoir à l’instruction de tous les enfants, se trouve doublée des effets du recrutement social homogène des élites politiques : prévoyance sociale et tendance à organiser la société en fonction des intérêts industriels. Nous pouvons peut-être voir dans le couplage « intentions déclarées pour mener une politique / effets de la mise en œuvre de cette politique » (modèle auquel il conviendrait d’ajouter, en guise de trait d’union, la nature matérielle et les moyens donnés à cette politique, rapportés à ses objectifs déclarés), une des origines des divergences, plus ou moins enracinées idéologiquement, des controverses toujours actives que nous avons déjà évoquées, notamment sur le sujet du caractère intrinsèque de progrès ou de volonté de contrôle social des lois sociales des années 1880-1914. En outre, ainsi que l’exprime François Dubet (2008), en ce qui concerne la genèse de l’école républicaine, les objets changent mais les structures demeurent : les enseignants, « hussards de la république » , répondent à une vocation dont l’objectif est de participer à une conversion des esprits, destinés à devenir ceux de bons citoyens ; l’Ecole en tant qu’espace physique se voit sacralisée, et devant être protégé des vicissitudes des réalités extérieures ; enfin, la structure bureaucratique de l’administration de l’Instruction Publique connaît également une distribution hiérarchique de la parole légitime et de la maîtrise symbolique des dogmes. Forgée contre l’Eglise, l’école en a ainsi repris l’économie symbolique. On peut de ce point de vue interroger la philanthropie laïque qui fonde en partie le champ de l’éducation spéciale comme se trouvant en correspondance symétrique avec le principe de charité des œuvres congréganistes, dont il serait une sorte d’avatar sécularisé. En tous les cas, entre le sous champ scolaire et celui de l’éducation spéciale naissant, les façons d’appréhender les anormaux ne diffèrent que sur le plan des missions que se donnent les institutions, mais répondent vraisemblablement d’une même logique. En 1932, l’Instruction Publique devient l’Education Nationale ; glissement qui n’est absolument pas anodin (le ministère a déjà commencé à intégrer à sa tutelle la formation professionnelle naissante), et qui démontre une volonté d’unifier sous sa bannière non plus ce qui se résume à l’instruction, mais tout ce qui concerne à la fois la formation et l’éducation au sens large. Mais le secteur naissant de l’éducation spéciale, qui est pendant les années 1930 encore dans une période dominée par l’initiative privée confessionnelle et la philanthropie, ne s’est pas constitué seulement « dos-à-dos » avec l’école. Il s’est construit tout à la fois « à la périphérie [des] grandes institutions [scolaire, médicale et de Justice] pour gérer leurs dysfonctionnements », écrivent Patrice Pinell et Marcos Zafiropoulos en 1978. Ils ajoutent : « il ne peut donc se développer que si ces derniers se perpétuent ». L’analyse mériterait un développement, mais nous pouvons d’ores et déjà constater qu’en ce qui concerne l’école, elle possède un caractère tout à fait opératoire : c’est le plus souvent la possibilité ou non pour un enfant de devenir un écolier ordinaire du milieu ordinaire qui détermine ou pas son orientation vers l’éducation spéciale Revient la persistante question, qui anime toutes les publications sur le sujet de la loi de 1909 depuis les travaux fondateurs de Francine Muel, de savoir si l’obligation scolaire de 1882 a contribué, en partie ou en tout, à l’émergence d’une nouvelle catégorie d’anormaux, à la loi de 1909, et ainsi a contribué à fonder le champ de l’éducation spéciale. Nous nous sommes déjà positionné sur ce fait, nous rangeant aux côtés de Jacqueline Gateaux-Mennecier et de sa description du phénomène de l’émergence de la loi répondant à une « dynamique interactionnelle » combinant les effets de l’obligation scolaire et de l’action de Bourneville (confère 1.1.1.4). Dans cette perspective, qui ne nie pas l’influence de la scolarisation obligatoire, l’« impuissance [de cette dernière] à mener à bien la mission moralisatrice qui lui était confiée » ne peut être que constatée : elle est un fait, puisque l’institution chargée de cette mission (implicite) ne l’a pas fait toute seule : elle a vu naître d’autres institutions chargées de récupérer ceux qu’elle rejette. (Muel Dreyfus 1980). Ces émergences institutionnelles ont « pratiquement et idéologiquement échappé à l’Education Nationale ». Quelles explications donner à cela ? Francine Muel-Dreyfus en voit une dans le système de relations établi entre la psychologie et l’école primaire, cette dernière s’étant organisée selon un « développement spécifique d’un univers scolaire et culturel primaire ». L’école primaire, malgré les évolutions qu’elle a connues, dont celles induites par la secondarisation de l’enseignement, constituerait encore un univers spécifique qui formerait, du fait des relations tissées avec la psychologie scolaire, une des raisons centrales qui fonderaient l’institution scolaire à être intrinsèquement productrice d’un public non scolaire qui se trouverait en incapacité de faire partie du périmètre de ses interventions. Il y a ici matière à recherche, de notre point de vue, afin de développer, d’infirmer ou de confirmer cette analyse. 3.1.1.2 Complémentarité pratique et opposition symbolique La complémentarité pratique entre éducations scolaire et spéciale, ci avant évoquée, centrée sur la situation des enfants qui soit ne peuvent entrer à l’école soit en sont exclus, se double d’une opposition symbolique qui est très puissante. Si ses racines se prêtent à diverses interprétations, sa nature constitue un consensus. Jeannine Verdès-Leroux (1978) cite Régis Lapauw , éducateur et auteur en 1969 d’un ouvrage sur sa profession : « On comprend évidemment l’immense méfiance qui s’est développée chez les éducateurs et particulièrement chez les pionniers (…) par rapport à une éducation nationale qui voulait les annexer et d’une certaine manière les détruire, pour les intégrer à un système centralisé, tuant ainsi le dynamisme propre à ce secteur. ». Elle ajoute : « l’entreprise éducative n’a donc rien à voir avec l’école, et l’éducateur se définit en permanence contre elle ». Cette opposition se décline jusque dans les structures du marché du travail et de la formation professionnelle de l’éducation spéciale : « La tradition veut que le rapport entre le titre et le poste y soit particulièrement lâche et, plus largement, que la valeur des titres attribués par l’école y soit mise en question » (Muel-Dreyfus, 1980). Dans une profession au sein de laquelle, jusqu’à aujourd’hui, une conception forte de la vocation guide plus que toute possession de titre l’entrée dans le métier, où les qualités humaines se substituent aux qualités scolaires, où les « conformations professionnelles » tirent leur logique productrice d’une défiance vis-à-vis du scolaire et de la réussite scolaire (Bodin, 2009), on comprend aisément qu’au milieu de la période de formalisation des métiers de l’éducation spéciale, certains membres de l’UNAPEI s’oppose à une formation des enseignants spécialisés qu’ils estiment trop importante, et donc inutile aux vues du travail que ces derniers ont à fournir auprès des enfants des classes de perfectionnement, ou encore que des débats assez vifs aient eu lieu dans cette même période pour savoir si le baccalauréat est vraiment nécessaire pour devenir éducateur. Le métier, organisé sur l’unité de la fonction éducative calquée sur celle de l’inadaptation, a ainsi des contours aussi mouvants et flous que cette dernière. Sa nature se trouve ainsi plus déterminée par l’institution qui l’emploie que par une réelle unité qui se situerait ailleurs, comme dans la formation. Les postes renvoient à une « infinie diversité des fonctions objectives et une incertitude dans la définition des tâches », à l’opposé des postes dont la définition réglementaire est rigoureuse et préalablement définie, comme au sein de l’Education Nationale. Le métier d’éducateur est donc pensé, et se pense, écrit Muel-Dreyfus, comme un métier « faisant la part belle à l’invention et à la découverte ». Lapauw, quand il parle du « dynamisme propre à ce secteur », montre qu’il pense l’ensemble du champ de la même manière que son métier, qui lui aussi est pensé comme dynamique, ouvert, fondé sur la créativité, l’innovation, le mouvement, à l’opposé des tares imputées à la bureaucratie et à l’administration, aux postes délimités et aux missions cadrées, selon un fonctionnement qui concerne, pas seulement mais aussi, l’Ecole. Si les agents/acteurs se pensent et pensent leur secteur de cette façon, il n’en reste pas moins que le champ de l’éducation spéciale possède une propriété qui consiste en une tendance à la « la reconversion, à la rénovation, à la transformation des institutions, des idées, des alliances, des allégeances intellectuelles ». A l’opposé, l’éducation scolaire propose une relative stabilité (qui certes n’empêche pas les évolutions, en particulier depuis les années 1980) dans tous ces domaines. « Complémentarité pratique et opposition symbolique », conclut Francine Muel-Dreyfus en 1980, empêchent « un dialogue et des alliances de nature politique sur [les formes d’encadrement des enfants et adolescents des classes populaires], en enfermant les agents – socialement disposés à se laisser enfermer – dans la défense de positions idéologiques et sociales héritées ». Sans prétendre répondre à la question de savoir si la trentaine d’années qui a succédé à l’écriture de ces lignes, et en particulier le mouvement d’intégration scolaire des enfants handicapés précisément fondé sur une exigence de « dialogue et [d’] alliance » entre école et éducation spéciale, a apporté, ou non, confirmation de cette analyse, nous allons tenter de contribuer à esquisser quelques éléments de réponses, qu’il conviendrait d’approfondir dans un cadre adéquat . ___________________________________________________________________ Il me semble que ces quelques éléments peuvent en partie expliquer pourquoi personne n'a répondu à votre question... les personnes qui passent d'éduc spé à enseignant (et inversement) sont à mon avis extrêmement peu nombreuses, et pour cause... on a tous l'histoire dans la peau, même si on ne s'en rend pas compte. La défiance entre ces deux pôles professionnels et grande, aussi grande que l'est leur complémentarité sur le plan strictement pratique. Pour ma part je balance entre ces deux pôles depuis bientôt une quinzaine d'années - j'ai d'ailleurs été AVS, qui est un poste qui emprunte aux deux systèmes sans relever exclusivement ni de l'un ni de l'autre. Et je ne trouve pas ma place, pour l'instant, ni dans l'un ni dans l'autre. C'est qu'il faut choisir son camp, pour être reconnu d'une part ou de l'autre, et j'en suis bien incapable. En tout cas merci pour votre question. Je serai curieux et très intéressé de voir des réponses positives.
AngieJolly Posté(e) 29 août 2013 Posté(e) 29 août 2013 Bonjour, Alors dis moi ou en es-tu ? Prof ? Educ ? J'ai aussi été AVSi dans une école ou il y a également une classe de sourds qui progressivement intègrent des classes dites ordinaires. Je ne connaissais pas du tout le métier d'éduc spé. Ce fût une belle surprise de ce métier que j'imaginai bien loin des écoles ! Aujourd'hui à 35 ans, en reconversion, je m'apprête à entrer à l'IUFM. Mon idée étant de réfléchir à l'enseignement spécialisé... Mais voila j'hésite... Educ ? Instit ? Instit spé ? Je ne sais pas trop. Et puis il faut dire aussi que l'idée de concours de prof des écoles est assez flippant. A 35 ans, on a plus trop le temps d'échouer 1,2 ou 3 fois à ce concours..... Parles moi de ton parcours. De tes réflexions stp Et merci pour ton partage de mémoire... laborieux à lire mais j'en suis sure très instructif !
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