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Réflexions suite à l'article de l'institut Montaigne sur l&#39


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Bonjour,

Suite à l’article paru à l’institut Montaigne sur l’échec scolaire, voici quelques réflexions qui, parfois, peuvent s’apparenter à des vœux pour cette nouvelle année qui commence.

Un constat troublant

20 % d’élèves sortent de l’école sans diplôme, 20 % d’élèves redoublent, 20 % ne maîtrisent pas suffisamment la lecture à la fin de l’école primaire. Le problème de l’échec scolaire est inquiétant. Chaque famille souhaite la réussite de son enfant. On constate d’ors et déjà un engouement de plus en plus précoce pour le privé au détriment du public. L’excellence est une des conditions d’accès à ces écoles. Les familles pensent y trouver le calme et les compétences requises pour un enseignement de qualité. Si le taux d’échec dans le public continue d’augmenter, il concentrera de plus en plus les difficultés tandis que l’élitisme deviendra un des critères d’accès au privé, vision bien éloignée d’un idéal républicain.

Choisir un cap et s’y tenir : l’éducation nationale, plus proche du supertanker que du jet-ski…

Cependant, même si un légitime sentiment d’impatience nous étreint, il serait injuste d’affirmer que rien n’est fait dans l’école primaire pour remédier à ces échecs. Certes il y a des lenteurs, mais il faut aussi que les enseignants aient le temps de comprendre ce qui est attendu, de le mettre en application, et la multiplication des réformes ne facilite pas cette compréhension, elle aurait plutôt tendance à la gêner, voire même à être contreproductive : pourquoi s’échiner sur une réforme si la prochaine change tout à nouveau ? La suivante survenant parfois quelques mois plus tard …

Pourtant, souvent celles-ci vont dans le même sens avec parfois une nuance vers plus de contenus (comme en 2008) ou plus de didactique (comme la précédente). La route du savoir n’est pas une ligne droite et il est bon de le rappeler. Est-il pour autant nécessaire de bousculer sans arrêt les repères des enseignants, des parents et des élèves ? Quand il nous était interdit de parler de grammaire, de conjugaison, d’orthographe pour regrouper ces matières sous le terme d’ORL, était-ce pour nous faire comprendre que le français était bien malade ?

Serait-il possible de stopper la valse des étiquettes pour que parents, enseignants et enfants sachent de quoi ils parlent sans être gênés par cet abus de jargon ?

Chaque adulte est passé par l’école et a eu des repères, les changer constamment est-il bénéfique dans la relation qui doit s’établir entre les enseignants, les élèves, les parents et le savoir ?

Pour des contenus d’enseignements explicites

Autant de raisons qui rendent ces réformes impopulaires et improductives pourtant la dernière réforme a apporté quelque chose que j’attendais depuis longtemps. Alors que j’enseigne depuis 1992, avec le BO de juin 2008, je peux enfin lire ce qui est attendu pour chaque enfant et pour chaque niveau. Je peux utiliser facilement ce texte pour créer des progressions, des outils d’évaluation grâce à la possibilité de copier et coller ce texte via internet. Certes, des ouvrages sur les contenus de l’école primaire existaient mais ils étaient beaucoup moins précis, que ce soit pour le livre des programmes ou des cycles. D’ailleurs, plus qu’une réforme, il s’agit d’une précision apportée à ce qui existait déjà. Pourtant, je trouve que ces derniers programmes manquent encore de précision. Pour illustrer ce manque, je dirais que si des élèves de CE1 ont appris à associer la taille d’une fourmi à la bonne unité : 3 mm, 3 m, 3 km, ils risquent de se trouver bien dépourvus quand on leur demandera dans les évaluations nationales ce qui est le plus long : 980 m ou 1 km et de le prouver en réalisant une conversion et une comparaison.

Finalement, heureusement que ces évaluations accompagnent ces instructions. Elles nous permettent d’analyser ce qui est attendu en terme de compétences. Cependant, il manque des manuels que l’éducation nationale pourrait rédiger et fournir en version numérique ou en version papier. Je ressens le besoin de savoir ce qui est attendu de mes élèves. Il suffirait de détacher quelques enseignants pour établir des manuels nationaux que les librairies privées pourraient toujours épauler de leurs publications. Je ne veux pas me cacher derrière le fait que si mes élèves ont échoué, c’est parce que j’ai raison et que ceux qui ont fait les évaluations ont tort. Cependant, j’exige d’avoir toutes les cartes en main, de savoir ce que je dois enseigner, ce qui est attendu des élèves plus concrètement que par une vague phrase.

Avec des manuels, cela deviendrait possible et cela permettrait également une véritable démocratisation de cet outil. Si je ne me réfère pas aux manuels existants, c’est qu’ils sont très souvent décriés par les inspecteurs qui les considèrent comme commerciaux et inappropriés.

Actuellement, avec un crédit moyen de 20 € par élève et par an, la plupart des enseignants de Seine Saint Denis ne permettent pas aux élèves de les emmener à la maison parce que les remplacer est trop coûteux. Cela vaut dans un département qui est considéré comme un des plus difficiles et où l’échec est important. Sous prétexte que le livre sera abîmé, perdu, un enfant ne peut pas s’entraîner à la lecture, chose qu’il pourra faire dans un milieu cultivé avec la bibliothèque familiale… les cahiers de leçons remplacent les manuels aux leçons structurées et correctement rédigées, les parents soucieux de la réussite de leurs enfants et qui voudraient les faire travailler achètent un cahier du soir, ou n’achètent pas… C’est une dimension sur la gratuité de l’école publique et sur l’égalité des chances qui mériterait d’être traitée.

D’autre part, les manuels ne sont pas pensés pour un va et vient entre école et maison. Alors que dans les années 60-70, ils avaient un petit format. Ils sont désormais tous au format A4 ce qui tient beaucoup de place et pèse lourd dans le cartable. Cela empêche également leur mise à disposition.

Statut des directeurs d’écoles élémentaires et temps de travail des enseignants

Un autre aspect des réformes m’irrite : la multiplication des matières à enseigner. Chaque fois que quelque chose semble important, c’est ajouté aux programmes. Bien sûr, aux enseignants de se débrouiller pour trouver les contenus liés à ces nouveautés … Apprendre à être un piéton, la morale, l’hygiène et j’en passe … N’avons-nous pas déjà assez de choses à enseigner alors qu’on nous ajoute déjà l’informatique, l’anglais et l’histoire des arts ?

Comment un enfant peut-il apprendre en 24 heures ce qu’il apprenait en 26 heures il y a quelques années alors qu’il n’était pas question d’anglais, d’histoire des arts ou d’informatique ? Quand comprendrons nous que le temps lié à l’enseignement n’est pas malléable à l’infini ?

Ce manque de considération pour le temps d’enseignement est souligné par la condition des directeurs d’établissement. A chaque réforme, une nouvelle tâche leur incombe sans que du temps ne leur soit alloué. Dernièrement, on leur a demandé d’organiser des réunions entre les différents établissements d’un même groupe scolaire : sur quel temps ? Ils vont évaluer leurs collègues : quelle compensation est prévue pour cette charge de travail supplémentaire ?

Parallèlement, des réunions sont organisées sur le temps scolaire. Dans le cadre d’un PPRE, les élèves de la classe de l’élève en difficulté et ceux du directeur sont répartis dans les autres classes de l’école. Il en va de même pour les réunions avec l’inspection avec la classe du directeur. Il est souvent difficile d’enseigner dans ces conditions alors que nous n’avons même pas la place d’asseoir les élèves supplémentaires.

Une réforme de leur fonction et statut était envisagée. Est-il réellement bénéfique de bloquer cette réforme alors que nous sommes proches du point de rupture, alors qu’il est question de mouvements de directeurs du type : « Je réponds si j’ai le temps » qui en disent long ? Un directeur veillant sur un groupe scolaire et chargé de tout l’administratif ne serait-il pas plus avantageux pour tous ?

Le traitement de la difficulté au sein de l’école

20 % d’élèves ont redoublé : je suis étonné de voir une telle proportion alors qu’ils sont fortement déconseillés voire interdit depuis longtemps. Pour un redoublement, moult réunions sont nécessaires et les parents ont la possibilité à tout moment de le refuser. Il faut un certain degré de masochisme pour vouloir faire redoubler un élève … Une alternative observée dans notre école semble porteuse : une classe de transition (ou classe RASED), que des élèves remarqués pour leurs difficultés au CP rejoignent au ce1, pour intégrer ensuite un CE2. Pour avoir dans mon CE2 des élèves issus de cette classe, je remarque toujours quelques faiblesses, mais globalement, ils savent, lire écrire et compter tout en ayant évité un redoublement. Certes, il y a quelques soucis de ci de là, mais c’est gérable grâce à l’aide personnalisée ou même pendant la classe par une attention plus particulière. Eventuellement, je peux demander l’avis d’un professeur spécialisé membre du RASED pour évaluer les difficultés d’un élève et envisager des solutions. Il serait dommage que ceux-ci disparaissent complètement. Nous avons besoin de personnel capable de nous aiguiller et de nous conseiller pour pallier des difficultés scolaires et éviter d’en créer par une réaction inappropriée.

Cependant, la prise en charge de ces élèves en difficulté lors de l’aide personnalisée me semble plus adaptée que précédemment lorsque les élèves étaient récupérés dans diverses classes pour avoir ensuite un cours dans une classe à part. Cela dépend aussi des difficultés des élèves. Mais quitter une classe pour en intégrer une autre en cours de journée n’est pas chose simple. Les RASED fonctionnaient sur plusieurs écoles et établir des emplois du temps sur plusieurs groupes scolaires n’est pas aisé non plus. L’alternative de la classe RASED présente dans notre établissement semble un bon compromis. Je la trouve particulièrement bien placée après le CP, au moment où l’élève consolide ses acquis en lecture et où il va entrer pleinement dans la lecture et l’écriture. Peut-être serait-elle envisageable en 6ième, au moment où l’élève découvre un nouvel univers tout en étant plus bénéfique qu’un redoublement au CM2 ?

Parallèlement, alors que des évaluations nationales permettent un jugement neutre sur le niveau des élèves, ne peuvent-elles pas être un indicateur qui pourrait permettre à un élève ayant redoublé de retrouver sa classe d’âge en lui proposant ces évaluations au CM1 et lui donner en cas de réussite la possibilité d’intégrer la sixième l’année suivante ? Le cm1 et le cm2 ont beaucoup de points communs et un double niveau semble approprié à offrir une possibilité de rattrapage à d’éventuels redoublants.

Pour résumer mes vœux, je souhaite que soit affirmée une cohérence dans les réformes de l’éducation qui se succèdent contrairement aux ruptures annoncées dans des buts électoralistes ; clarifier les contenus d’enseignement, un cadre étant ce qui autorise et rend la liberté didactique efficace ; définir le temps de travail des enseignants sachant que nous savons lire l’heure et calculer les durées ; éviter les redoublements, éviter qu’ils ne deviennent définitifs, oser la réintégration dans la classe d’âge sous des critères objectifs, instaurer des classes de transitions à des moments charnières tels que la classe de CE1 ou la sixième.

Merci de votre lecture.

*http://eppee.ouvaton....php?article484 (grille de salaire de l'inspecteur des impôts introuvable, il a dû frauder : http://www.emploithe...on-publique.php)

**http://www.senat.fr/...r98-328126.html

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