Goëllette Posté(e) 29 décembre 2012 Posté(e) 29 décembre 2012 Si vous allez maintenant sur La Chaîne Parlementaire, il y a un débat sur la refondation du l'école.
Mariine Posté(e) 30 décembre 2012 Posté(e) 30 décembre 2012 ah non mais mes ateliers tournent sur la semaine et les enfants travaillent sur tous les domaines tous les jours! ateliers de graphisme/écriture/lecture/phono le matin, découverte du monde l'aprem, puis AV après. Puis séances communes pour les expériences, musique, langage très souvent... tu peux très bien tourner sur la semaine et les élèves voient tous les domaines sur la journée. De toutes façons, je pense qu'on est toutes d'accord sur la base: toujours plus de manip, du temps mais aussi s'accrocher à la réalité des programmes, des locaux,des effectifs etc... ah ok,comme ça c'est mieux, moi ce n'était pas le cas dans les classes que j'ai pu observer durant mes stages. La maîtresse proposait 4 ateliers sur la semaine : maths/arts visuels/graphisme/lecture par ex et les faisait tourner sur 4 jours, de sorte que les enfants faisaient un seul domaine par jour, l'aprem étant consacré aux sciences par ex. J'ai été sur des quarts de temps, je remplaçais donc l'instit et chacune fonctionnait de la même façon que je décris. Moi, ça ne me convenait pas du tout, donc je faisais moi même mes 3 ateliers tournant sur la journée où je la complétais.
papili Posté(e) 2 janvier 2013 Posté(e) 2 janvier 2013 Un texte qui a sans doute vieilli dans sa forme (directrice y signifie professeur des écoles ; les objets factices n'y sont pas de matière plastique mais de carton bouilli, la section des moyens n'existe pas et on reçoit les enfants de deux à cinq ans en section des petits, le terme de "leçon de chose" fait sourire par sa désuétude, etc.) mais qui peut permettre de comprendre comment, en toute liberté, sans apprentissage par cœur ni évaluation, par l'observation concrète, l'utilisation des cinq sens et l'accès au langage, l'enfant découvre le monde qui l'entoure, puis le monde plus lointain. Bonne lecture, chers collègues ! L’ÉDUCATION MATERNELLE DANS L’ÉCOLE TROISIÈME PARTIE CHAPITRE XV - LA LEÇON DE CHOSES. La leçon de choses est la leçon par excellence, parce qu’elle est intimement liée à l’acquisition de la langue maternelle et à la culture de tous les sens. – La mère ne donne pas de leçon à son petit enfant. – Une règle absolue pour la leçon de choses. – La leçon de choses doit être graduée ; ce qui convient aux grands ne convient pas aux petits. – En quoi consiste le talent de l’instituteur. – Ce que l’enfant doit savoir. – La vie de l’école est une leçon de choses ininterrompue, si la directrice sait s’y prendre. – Comment elle doit préparer sa leçon quand elle en fait une. – Résumé. Ce qui est, dans l’école maternelle comme dans la famille, la leçon par excellence, c’est la leçon de choses. C’est la leçon par excellence, parce qu’elle est intimement liée à l’acquisition de la langue maternelle et à la culture de tous les sens. L’enfant prend des leçons de choses dès le berceau. Grâce à la curiosité de ses yeux avides de voir, de ses doigts avides de toucher, de ses narines avides de sentir, de ses oreilles avides d’entendre, de son palais avide de goûter, les leçons se succèdent, se multiplient, se lient entre elles et se confondent. Si la mère peut, grâce à sa culture intellectuelle, revêtir du mot propre chaque sensation, chaque idée de l’enfant, si elle peut lui nommer ce qu’il voit et ce qu’il touche, il se développe dans des conditions excellentes. Ces notions, elle ne les donne pas à brûle-pourpoint, sans y être sollicitée ; a-t-on jamais vu une mère intelligente essayant de faire prononcer à son bébé le nom d’un objet qui n’est pas à la portée de son regard ? Et, quand il a grandi, qu’il sait parler, l’a-t-on jamais vue l’asseoir sur une chaise et lui dire : « Bébé, sois bien sage ; mets les mains au dos ; écoute ce que je vais te dire : voici un objet qui s’appelle un soufflet, il sert à activer le feu ; on le fait aller comme cela. » Non ! l’enfant s’est emparé du soufflet qui était à sa portée, il l’a tourné, retourné, il est arrivé à en écarter, à en rapprocher les deux moitiés, il a recommencé et recommencé encore. La mère intervient alors : C’est le soufflet. « Souffle avec la bouche, comme le soufflet. » La leçon est donnée, il n’a pas fallu de gradin ni de table, il n’a pas fallu surtout commencer par faire disparaître toute la spontanéité de l’enfant, en lui disant : « Sois bien sage, écoute », et c’est l’enfant luimême qui a fourni les éléments de sa propre instruction. Règle absolue : l’enfant doit voir la chose sous toutes ses faces, sous tous ses aspects, le dessus et le dessous, l’intérieur et l’extérieur ; il doit la voir dans la lumière et dans l’ombre, avec les yeux, mais aussi avec les doigts, – car il ne voit bien que ce qu’il touche ; – il doit la sentir si elle a de l’odeur, l’écouter si elle a du son, la goûter si elle a de la saveur. La leçon que l’enfant a provoquée est, pour lui, la meilleure ; essayons de la lui faire provoquer. En tout cas, amenons-le à la désirer. Rien de plus facile à l’école. Si, en effet, l’école maternelle est ce que nous la rêvons, si l’enfant a été autorisé à y apporter le matin l’objet qui l’intéresse, s’il est libre de ses mouvements au lieu d’être assis, s’il est dans le jardin au lieu d’être dans le préau, et, par conséquent, dans des conditions favorables aux découvertes, la directrice doit s’attendre à une infinité de questions. Pour les traiter à fond, il lui faudrait une instruction scientifique que peu de personnes possèdent, mais on ne lui demande pas de les traiter à fond ; on la prie, au contraire, de ne pas l’essayer, car cette prétention, – absolument injustifiée d’ailleurs, puisqu’un spécialiste seul est en état de le faire, – cette prétention est une des erreurs les plus graves de nos écoles maternelles. La leçon de choses y est pour l’enfant de trois ans la même que celle de la section des grands ; celle de la section des grands est la même que celle de l’école primaire ; celle de l’école primaire est, bien souvent aussi, disproportionnée, si bien qu’il faudrait presque monter jusqu’à la Faculté des sciences pour y trouver le type de la leçon unique que subissent les étudiants de tout âge, à commencer par ceux qui ne savent pas parler. Voici un exemple le mouton (un sujet dont on use et dont on abuse dans les écoles). Le mouton est un ruminant pour la section des petits, comme il est un ruminant pour la section des grands, comme il sera un ruminant pour les enfants de l’école primaire, capables seuls de comprendre – si elle leur est bien expliquée – cette leçon de physiologie. Ce mouton ! l’enfant le prend dans le pré, –, c’est tout juste s’il comprend – il le conduit à l’abattoir, de l’abattoir à la boucherie, de la boucherie – ce qu’il en reste du moins – à la tannerie, à la filature, au tissage, au magasin de nouveautés, à la fabrique de chandelles, à l’usine de noir animal, etc. Quel voyage! un voyage à toute vapeur, où les cahots ne sont pas épargnés et où les tunnels sont nombreux. Ce ne sont presque que des tunnels ! les pauvres petiots sont ahuris et n’y voient goutte. – Cependant, me dira-ton, si un petit curieux – un brave enfant, celui-là – demande : « pourquoi l’animal, quand il ne broute plus, fait-il encore et sans cesse aller sa bouche ? » II faut lui répondre, mais pas en lui parlant des trois estomacs : en lui disant qu’au lieu de mâcher peu à peu leur nourriture, comme nous, et comme la plupart des autres animaux, les moutons coupent d’abord toute l’herbe de leur repas et l’avalent ; puis que, en prenant leur temps, ils la font revenir peu à peu dans leur bouche, pour la mâcher. Je suis sûre que l’enfant sera satisfait. Le talent de l’instituteur consiste, d’ailleurs, à penser non pour lui-même, mais pour ses élèves. Il ne doit pas se croire obligé de dire tout ce qu’il sait du sujet qu’il traite : il doit au contraire se demander ce qui, de ce sujet, peut convenir aux enfants ; il doit savoir trier et présenter à chacun la nourriture qui convient à son âge, et avec une préparation telle qu’il se la puisse bien assimiler. Or l’enfant doit savoir le nom de l’objet, en quoi il est fait, et ce qu’on en fait. S’il s’agit d’un animal : son nom, sa nourriture et alors, autant que possible, son caractère, ses moeurs. « Un chien qui avait naguère accompagné à l’hôpital son maitre blessé, ayant été lui-même victime d’un accident, est allé se présenter au concierge du même hôpital ! » Voilà ce qui intéresse les enfants de l’école maternelle. La sollicitude de la poule pour ses poussins, celle de la chatte qui nourrit ses petits, les frappe autrement que le nombre de pattes de la première et les ongles rétractiles de la seconde. Il faut mettre la leçon au point. Il importe que les enfants sachent le nom de l’arbre à l’ombre duquel ils jouent et les caractères auxquels il reconnaîtront les arbres de la même espèce ; il importe qu’ils sachent le nom du réséda qui embaume la plate-bande, du volubilis qui s’enroule autour de la claire-voie, du chèvrefeuille et de la clématite qui forment au fond du jardin un berceau odorant ; le nom aussi des marguerites qui étoilent les prés, des bluets et des coquelicots qui égayent les champs de blé, du muguet dont les clochettes délicates donnent chaque année le signal du printemps ; de la rose, reine des jardins. Il importe que l’enfant sache que le pain qu’il mange est fait avec du blé réduit en farine ; que le linge qui couvre son corps vient d’une plante à la fleur délicate ; que sa veste ou sa robe est faite avec la laine du mouton ; que le corps de la chaise sur laquelle il s’assoit a été découpé dans le tronc d’un arbre, et que le siège de paille est fait avec la tige du blé. Le bouchon de sa bouteille vient de l’écorce d’un arbre : le chêne-liège ; l’eau qu’il boit a été puisée à la source qui épanche son eau claire sur les cailloux ; c’est la vache qui lui donne son breuvage de prédilection ! le lait, etc., etc. Toutes ces choses, dites au moment spécial où la curiosité de l’enfant était excitée, se gravent dans sa mémoire, et il est rare qu’il les oublie. La vie active de l’école est une leçon de choses ininterrompue, si la directrice sait s’y prendre. Une fois ou deux par semaine, la directrice peut aborder avec les plus grands une vraie leçon de choses. Cette leçon, elle la préparera d’avance avec soin ; elle fera d’abord son plan, pour qu’il n’y ait pas de confusion dans les notions données ; elle en étudier a toutes les parties, car il faut d’abord connaître son sujet, non pas pour tout dire, mais pour savoir faire le triage et pour pouvoir répondre aux questions inattendues. Mais le savoir n’est pas tout, il faut encore la clarté, la vie, le charme du langage ; il faut que la leçon s’adresse à l’intelligence et non à la mémoire, et, quand le sujet le comporte, mais seulement alors, elle doit s’adresser aussi au coeur. On ne peut donc inventer ex abrupto une leçon pareille ; il faut la préparer assez sérieusement pour que tout ce qui est vérité scientifique soit devenu conviction dans l’esprit de la maîtresse ; pour que, débarrassée du malaise que fait éprouver le doute, elle puisse se mettre à la portée de son petit auditoire, le captiver par l’originalité de l’exposition, par la variété des exemples, par l’intérêt des anecdotes. Cette préparation intellectuelle doit être suivie de la préparation écrite. Il faut que chaque mot soit pesé, chaque terme abstrait remplacé par un terme à la portée des enfants, que la directrice soit enfin absolument maîtresse d’elle-même quand elle arrive devant son petit auditoire. Un tel travail suppose non seulement ce désir de bien faire que j’appellerai la « conscience de l’étude », mais encore un amour patient et persévérant de la vérité, et un sentiment profond de la nécessité qu’il y a d’écarter toute erreur de l’esprit encore neuf des enfants. Et cela demande de longues recherches ; car ce n’est pas seulement un livre qu’il faut consulter, c’est souvent deux, c’est cinq, c’est dix, suivant le besoin. S’agit-il d’un animal, la directrice étudiera le chapitre de zoologie qui le concerne ; s’agit-il d’une plante, elle consultera des ouvrages de botanique ; veut-elle faire connaître à ses petits élèves un objet manufacturé, elle en étudiera d’abord la matière première, puis elle fouillera dans les livres qui traitent spécialement des questions industrielles sur lesquelles il importe qu’elle se renseigne. Mais les livres ne suffisent pas : il faut voir, expérimenter, étudier sur le vif. La leçon de choses, pour tout professeur consciencieux, c’est presque l’infini. On m’objectera peut-être qu’avec le matériel insuffisant et le peu de temps dont disposent les directrices d’écoles maternelles, ce que je demande est impossible. Oui, si l’on tient surtout à parler aux enfants de crocodiles, de serpents à sonnettes, d’ananas et de bananes ; non, si l’on choisit pour sujets de ses leçons les choses qui sont à la portée de tous : chiens, poules, cerises, pommes de terre, etc. Mais entendons-nous bien : c’est l’objet lui-même qu’il faut montrer, et non des imitations informes propres à donner des idées fausses aux petits élèves. Qu’on se garde donc des monstres en carton ciré, des fleurs artificielles, des fruits en plâtre, des oiseaux en verre soufflé. Qu’on ne choisisse pas l’été pour faire une leçon sur la neige ; l’hiver, pour en faire une sur les cerises. La maison d’école, celle de la directrice, celle des enfants, l’atelier où travaillent leurs pères, leurs jardins, la grande route, la campagne environnante fourniront le meilleur musée, je dirais presque le seul que doive posséder l’école maternelle. La leçon faite, restent les interrogations, par lesquelles la maîtresse s’assure qu’elle a été comprise. J’engage les directrices à poser les questions de telle façon que les enfants n’y puissent pas répondre par oui ou par non, et même, comme cela arri e trop souvent, par un signe de tête. S’ils ont compris, les réponses doivent être justes et claires. Les questions doivent s’adresser à un seul enfant, qui réfléchira avant de répondre. S’il n’arrive pas, à lui tout seul, à formuler sa pensée d’une manière satisfaisante, il sera aidé par un camarade, puis par un autre ; la directrice s’en mêlera si c’est nécessaire, et la réponse enfin obtenue sera répétée par tous les enfants. Puis on cherchera des exemples, des comparaisons ; les enfants feront leurs objections, raconteront leurs souvenirs personnels. En résumé, la leçon de choses doit être d’abord appropriée aux enfants qui la reçoivent. Elle doit être faite, sans exception, avec l’objet lui-même ou avec une bonne image. Elle doit être absolument vraie ; elle doit être claire ; le langage de la maîtresse doit être sobre, ce qui n’exclut pas le mouvement et l’élégance. L’enfant doit rendre compte de ce qu’il a vu et compris. Pauline Kergomard
dada Posté(e) 2 janvier 2013 Posté(e) 2 janvier 2013 Merci Papili Et un petit lien pour comprendre encore mieux le bien fondé de ce superbe texte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pauline_Kergomard
Lady Oscar Posté(e) 2 janvier 2013 Posté(e) 2 janvier 2013 Merci J'arrive au mois de janvier et sa fameuse série de croix à cocher pour ne pas subir le mépris de l'IEN...et c'est le genre de texte que je devrais laisser en évidence à la prochaine inspection! (qui en sera pas cette année pour moi ouf même si passage dans l'école)
claire2606 Posté(e) 6 janvier 2013 Auteur Posté(e) 6 janvier 2013 Merci Papili Et un petit lien pour comprendre encore mieux le bien fondé de ce superbe texte : http://fr.wikipedia....uline_Kergomard oui, merci. D'autant que si ça se confirme demain, je devrai finir l'année en GS (je suis ZIL), moi qui n'en ai fait que des petits bouts par-ci par là. La collègue m'a appelé vendredi pour me dire quelle utilisait le Venot et Se repérer, compter calculer: je ne connais pas vraiment, même si j'en ai entendu parler. Par contre je viens juste de lire : Sur les forums consacrés à la Maternelle, depuis 2002 et le retour après au moins 120 d'absence du "nom des lettres de l'alphabet", de nombreux jeunes collègues demandent comment ils peuvent inculquer ces 26 mots abstraits à leurs petits bouts de deux, trois, quatre ou même cinq ans. Quelques réflexions à ce sujet, ci-dessous : L’ALPHABET Il fut un temps où l’on pensait que, pour apprendre à lire, il fallait d’abord longuement fréquenter l’alphabet. C’était l’époque où, dans les salles d’asile, au son du claquoir, les enfants de deux à sept ans assis sur des gradins répétaient en chœur, avec plus ou moins d’exactitude « Aaaa… Bééé… Cééé… etc. » comme ils répétaient la liste des départements, préfectures et sous-préfectures ou le « Je vous salue Marie » et le « Credo des petits enfants ». Cette époque disparut grâce aux efforts conjugués de Marie Pape-Carpantier puis de Pauline Kergomard. À partir de 1882, là où c’était possible, puis très vite dans toutes les villes et toutes les bourgades, on installa des écoles maternelles où, dans des classes qu’on essaya de rendre gaies et colorées, les petits enfants de moins de cinq ans jouaient, dessinaient, montaient, démontaient, cousaient, fabriquaient, construisaient, comptaient, calculaient, parlaient, écoutaient, chantaient et dansaient, sans jamais entendre parler de l’alphabet. Ce n’était que lors de leurs deux dernières années de maternelle, de cinq à sept ans, qu’ils découvraient qu’ils étaient désormais capables de tracer et de se servir de ces signes cabalistiques qu’ils avaient jusqu’alors vu utilisés par leurs maîtresses pour leur lire des histoires ou écrire au tableau le nom de l’objet qu’ils étaient en train d’observer et d’apprendre à utiliser. Alors, selon la sensibilité de la maîtresse, et sans doute celle de son Inspectrice Départementale des Écoles Maternelles, je ne vois pas pourquoi cela aurait changé, nos petits élèves apprenaient ou pas à psalmodier l’alphabet. Je ne l’ai jamais vu faire avant le CE2 dans mon enfance, mon compagnon plus âgé que moi de douze ans non plus, mais je ne pourrais pas jurer que cela ne s’est fait nulle part. Ce que je sais, c’est que ce n’était conseillé dans aucune Instruction Officielle et que ce qu’on y demandait, c’était que les élèves soient mis à la lecture le plus tard possible pour qu’ils y accèdent le plus vite possible . Jusqu’aux années 1970, donc, en classe enfantine ou section des grands, la seule chose que l’on demandait aux instituteurs et institutrices, c’était qu’ils abordent le principe alphabétique et apprennent à leurs élèves à écrire en lettres cursives tout comme on leur demandait de leur apprendre aussi les rudiments du calcul et l’écriture des chiffres. Qu’à cette occasion, les enfants aient aussi appris à psalmodier l’alphabet et à nommer « effe » la lettre F ou « pé » la lettre P, cela est possible, encore une fois. En revanche, la plupart des enseignants le combattaient puisque cet apprentissage rendait difficile celui de la combinatoire. On parlait alors plus volontiers de « fe » ou de « pe » qui permettaient plus simplement d’accéder à la compréhension et, de ce fait, à la lecture de « fa, fe, fi, fo, fu, fé » et de « pa, pe, pi, po, pu, pé ». D’ailleurs, si on lit le chapitre proposé en note, on se rendra compte que ce départ de la lettre, pour aller à la syllabe avant d’accéder au mot et à la phrase n’est absolument pas celui conseillé par la fondatrice de l’École Maternelle et que c’est la phrase prononcée par l’enfant et transcrite par le maître qu’elle préconisait comme départ de l’apprentissage de l’écriture et de la lecture en maternelle. L’abstraction de l’alphabet, comme celle de la syllabe, ne pouvait venir, selon elle, pour de jeunes enfants, que du concret du mot énoncé par les enfants. Et c’était de ce concret que, progressivement, par la prononciation ralentie de cette phrase, par la comparaison visuelle de ses éléments, les lettres, que les enfants apprendraient que cette lettre à trois pattes qui commence le nom maman se prononce mmmmm. C’est l’époque où, les facilités matérielles aidant, dans bon nombre de familles, on achetait un Abécédaire à l’enfant à l’occasion d’une fête, par exemple. Et c’étaient souvent les parents, la grand-mère, quand elle savait lire, ou les frères et sœurs aînés qui apprenaient au petit à réciter son alphabet. Je me souviens que cela énervait beaucoup nos institutrices et nos formateurs qui se moquaient en disant « Ils sont bien avancés, ces pauvres enfants, quand ils savent réciter par cœur leur alphabet ! Savoir qu’un C s’appelle Cé n’a jamais beaucoup aidé à lire coq, cheval ou chocolat ! » et ils conseillaient aux parents d’offrir un autre livre que l’abécédaire où près de la lettre E trônait un éléphant, près du C, un coq ou un cétoine, ou de l’utiliser comme un imagier qui montrait de belles images mais n’apprendrait pas à lire à leurs petits. Puis sont venues, pour l’école maternelle, les années sans lettres. Tout au plus continuait-on à y écrire quelques mots, par la reproduction globale. Il aurait beau fallu, entre 1975 et 1995, apprendre l’alphabet, ou même le son des lettres, devant madame l’Inspectrice ou monsieur l’Inspecteur ! Je me rappelle d’une visite impromptue de l’IEN, venu pour autre chose qu’une inspection, alors que mes élèves de GS, au mois de mai, en 1987 (j’avais ma fille dans ma classe, le calcul est simple), écrivaient au tableau sous ma surveillance le mot papa en cursive. Ses paroles furent, au mot près : « Vous ne pouvez pas leur foutre la paix, à ces gamins ! Laissez-les jouer, ils ont bien le temps ! » Il me semble que c’est à cette époque-là que le savoir-faire s’est perdu. Tout à coup, on s’est mis à nous dire qu’il était à la fois extrêmement simple d’apprendre à lire et à écrire et extrêmement compliqué de bien le faire. Il est sûr qu’évacuer totalement le principe alphabétique de l’apprentissage d’une langue qui s’écrit justement à l’aide des lettres de son alphabet, ce n’est pas simple, ni pour ceux qui sont censés l’apprendre ni pour ceux qui sont enjoints de l’enseigner ! Et c’est après cette époque-là, quand il s’est agi de réintroduire la lettre dans le programme des Écoles Maternelles, en 2002 , qu’on a vu se bâtir des séquences, des progressions, des programmations étalant sur les trois à quatre années de l’École Maternelle ce qui n’y avait plus jamais été enseigné depuis la lointaine époque des salles d’asile et des claquoirs ! En effet, comme certains, dont les connaissances pédagogiques datent sans doute de cette époque « sans lettres », récusent totalement la possibilité de donner à la Grande Section, et à elle seule, un tout petit rôle dans l’apprentissage de l’écriture puis de la lecture, on tourne autour du pot. Pendant trois à quatre ans, on apprend aux enfants l’alphabet. Comme à la grande époque, celle où les enfants chantaient en chœur « abécédé» au son du claquoir. Sans doute n’existe-t-il plus de grand-mère, capable comme la mienne, d’y ajouter la suite qui nous faisait tant rire quand nous étions petits : « Abécédé, des carottes et des navets, eèfgéach, des poireaux et des patates ! ». On leur fait découper, coller, modeler, plastifier, ranger, décorer, barbouiller, détourner des lettres, des lettres et encore des lettres ! Ce n’est pas grave et, après tout, ça ne mange pas de pain. Pourquoi pas les lettres, en effet ? On chante bien les mots, les phrases, les histoires, on découpe, colle, modèle bien les objets, les animaux, les personnes, les plantes, après tout. Réciter « abécédéeèfgéach… », c’est un peu moins créatif que « C’est un trou de verdure où coule une rivière » ou pour rester dans un répertoire plus enfantin « Jean-Petit qui danse », mais bon, cela sollicite la mémoire aussi. Et décorer un A, même si c’est moins drôle que de décorer un sapin de Noël ou un masque de Carnaval, c’est aussi une ouverture artistique utilisant la motricité fine. Ce qui est à mon sens plus grave, c’est qu’on évalue cela très régulièrement et très sérieusement dans certaines classes. Ce qui fait que, pour que cela progresse, comme ça, à vide, sans jamais comprendre à quoi cela sert, on y consacre un temps fou. On cherche des « fiches » sur internet, on fait entourer, recopier, réciter, repérer, ranger dans l’ordre des symboles abscons qui ne veulent rien dire pour les enfants puisque, pendant toute la durée de la scolarité maternelle, ils ne sont surtout pas confrontés à l’intérêt de cet apprentissage et que, par ailleurs, ce qui est considéré comme touchant à l’apprentissage de la lecture touche aux textes, aux phrases et à la rigueur aux mots, mais non mémorisés, et jamais aux lettres elles-mêmes. Il arrive même qu’on panique inutilement les familles en instaurant des séances de soutien individualisé. Et ce temps, où le prend-on ? Aux autres apprentissages, bien sûr ! À ceux qui sont réellement fondamentaux à deux, trois ou quatre ans ! Certaines classes écourtent les séances de motricité, là où l’enfant apprend à se mouvoir avec et au milieu des autres. D’autres réduisent celles de langage collectif, là où toute la classe se resserre autour de connaissances, de compréhensions, de savoir-faire communs. D’autres enfin ont supprimé les coins-jeux de leurs classes et leurs élèves évoluent d’un atelier dirigé à un atelier en autonomie en passant par un atelier semi-dirigé ! Oui, mais c’est au programme, me direz-vous, alors que faire ? Que faire ? De l’École Maternelle, pourquoi ? C’est-à-dire de l’École pour les Petits. En Petite et Moyenne Sections, je serais d’avis de ne rien faire. Tout au plus un Jeu du Facteur tous les matins, en arrivant en classe, et deux ou trois jeux d’encastrement portant l’un les lettres de l’alphabet en minuscules, l’autre l’alphabet en majuscule et le dernier, les chiffres. En fin de Moyenne Section, on pourra ajouter des lettres rugueuses Montessori (cursive) si les élèves sont tous à l’aise avec les gestes de l’écriture liée (boucles, « pointes », ponts, courbes anti-horaires…). Si un enfant connaît le nom des lettres, on le félicitera, bien entendu, et on lui expliquera que, bientôt, en Grande Section, il apprendra à s’en servir pour écrire et lire des mots et des histoires. S’il demande quel bruit elles font, on le lui dira aussi et on lui donnera quelques exemples oraux. On dira par exemple : « La lettre èf, comme tu dis, fait ffff comme dans fffforêt, ffffarine, ffffigure, caniffff… ». Cela restera informel, au coup par coup, pour que, dans l’esprit des enfants, cela puisse continuer à incuber, qu’ils puissent multiplier et combiner librement leurs intuitions et garder le droit à l’erreur. Cela restera aussi informel pour garder du temps pour l’indispensable à deux, trois et quatre ans : la motricité large et fine, le langage oral, l’observation concrète du monde qui les entoure, l’écoute et l’apprentissage de la vie sociale. Et ce n’est qu’en Grande Section que, plutôt, à mon goût, sans psalmodie chantée avec ou sans son du claquoir, ou utilisation comme matériau de base en arts plastiques, on abordera les lettres écrites, lues, entendues et combinées en syllabes, mots et phrases. On pourra s’aider de jouets comme les petits personnages des Alphas, suivre une méthode progressive comme De l’écoute des sons à la lecture ou partir de l’apprentissage des gestes de l’écriture liée, comme le conseille D. Dumont dans ses ouvrages. Et si un jour un élève arrive au Quoi de neuf et propose d’apprendre à toute la classe la chanson que lui a chantée son arrière-grand-mère, s’il vous plaît, soyez gentils, pensez à moi et entonnez avec lui : « Abécédé, des carottes et des navets… Euhèfgéach, des poireaux et des patates » ! Catherine HUBY ici
Goëllette Posté(e) 7 janvier 2013 Posté(e) 7 janvier 2013 ah non mais mes ateliers tournent sur la semaine et les enfants travaillent sur tous les domaines tous les jours! ateliers de graphisme/écriture/lecture/phono le matin, découverte du monde l'aprem, puis AV après. Puis séances communes pour les expériences, musique, langage très souvent... tu peux très bien tourner sur la semaine et les élèves voient tous les domaines sur la journée. De toutes façons, je pense qu'on est toutes d'accord sur la base: toujours plus de manip, du temps mais aussi s'accrocher à la réalité des programmes, des locaux,des effectifs etc... ah ok,comme ça c'est mieux, moi ce n'était pas le cas dans les classes que j'ai pu observer durant mes stages. La maîtresse proposait 4 ateliers sur la semaine : maths/arts visuels/graphisme/lecture par ex et les faisait tourner sur 4 jours, de sorte que les enfants faisaient un seul domaine par jour, l'aprem étant consacré aux sciences par ex. J'ai été sur des quarts de temps, je remplaçais donc l'instit et chacune fonctionnait de la même façon que je décris. Moi, ça ne me convenait pas du tout, donc je faisais moi même mes 3 ateliers tournant sur la journée où je la complétais. J'ai connu hélas de nombreuses classes de grande section dans lesquels le travail se faisait à ce petit rythme, y compris dans des endroits dans lesquels les élèves pourraient avancer bien plus vite ! Du coup, la transition avec le CP, même quand l'enseignant d'élémentaire laisse une grande place au jeu et aux manipulations, est très difficile !
papili Posté(e) 14 janvier 2013 Posté(e) 14 janvier 2013 Puisque vous parlez de jeu et de manipulations, chère Goëllette, voici un article sur les mathématiques en Grande Section où justement ce sont les jeux et les manipulations qui sont à l'honneur, mais sur un rythme quotidien et non hebdomadaire. Mathématiques en Grande Section « Citius, Altius, Fortius », la devise des Jeux Olympiques pourrait être celle de tous les enfants de cinq ans, si seulement ceux-ci parlaient le latin. Cinq ans, c’est l’âge des grands défis, l’âge où on veut tout faire comme ses aînés, où on repousse ses propres limites chaque jour un peu plus loin, où on rêve avant tout d’apprendre et de comprendre. C’est aussi l’âge où débute le plaisir du grand jeu auquel toute la classe participe, l’âge de l’émulation fraternelle, de la joie de faire ensemble. C’est l’âge du signe et du symbole découverts avec enthousiasme, comme de nouveaux moyens de comprendre et de se faire comprendre. Mais c’est encore l’âge où, pour bien appréhender le monde, le tout-petit a besoin de s’appuyer sur des repères corporels et matériels qui l’aident à organiser concepts et notions. C’est l’âge enfin où l’enfant recherche l’appui d’adultes protecteurs pour l’aider, le conforter, le rassurer sans jamais le juger, l’évaluer, le comparer à ses camarades. C’est en pensant à ces enfants-là, petits qui se veulent grands, mais grands encore petits, que l’on concevra les activités de mathématiques de la classe. Pour eux et avec eux. Car c’est en observant leurs forces et leurs faiblesses tout au long des années scolaires qu’il faudra construire un programme qui tienne compte de leurs besoins de jeu collectif et de mobilité et qui, sans jamais les contraindre à trop d’efforts ou d’application, les amène à une connaissance approfondie des trente premiers nombres. Aux petits enfants sortant de Moyenne Section, nous proposerons d’abord du mouvement, sous forme de jeux moteurs, pour qu’ils perfectionnent leur repérage dans l’espace et dans le temps. Largement prédominantes pendant tout le premier trimestre, les activités motrices leur permettront, tous ensemble, d’analyser et d’organiser les données, d’anticiper, d’élaborer des stratégies, de fixer des connaissances. Après chaque activité motrice viendra le « jeu sur table » où l’objet, premier pas vers l’abstraction, servira de médiateur entre les enfants de la classe et les notions qu’ils affineront et généraliseront ensemble. Ce jeu sera très simple en début d’année, afin que l’enseignant puisse facilement le faire pratiquer à toute la classe en même temps et le vérifier d’un simple coup d’œil. Il sera très simple aussi pour que chacun se sente en confiance et sache exactement ce qu'il fait, pourquoi et comment il le fait. De ce travail collectif naîtra le débat, le dialogue, l’habitude de mettre en commun, l’envie d’aller plus loin, la sécurité que donnent un travail à la mesure des enfants, sans piège ni activité trop ambitieuse, et la solidarité d'un groupe accompagné de l'adulte. Enfin, c’est en apprenant à analyser le dessin représentatif, chaque enfant disposant d’une fiche qui lui servira de trace écrite, que la classe finira son parcours vers l’abstraction toujours avec l’aide de son enseignant. Plus tard dans l’année scolaire, ce sera toujours par le jeu collectif et la motricité, auxquels on ajoutera désormais le rythme et la résolution de problèmes concrets que les enfants compléteront leurs connaissances des formes, des grandeurs, des quantités et des nombres. C’est sans doute dans ce domaine des quantités et des nombres que nous différerons le plus de ce qui se fait couramment en maternelle. L’écriture et la lecture des chiffres seront en effet abordées bien après l’utilisation concrète des nombres cardinaux et ordinaux. Les enfants aiment compter mais en agissant sur les personnes ou les objets qu’ils comptent. Rassembler ou au contraire séparer en retirant, grouper ou partager, toujours pour résoudre des problèmes concrets, trouver toutes les possibilités de groupements, autant d’enjeux qui les passionnent ! Qu’ils comptent donc, dès le début d’année au cours des jeux moteurs ou sur table ! Mais ce ne sera qu’ensuite que nous leur proposerons les chiffres qui leur permettront de faire un pas de plus vers l’abstraction. Un pas à leur mesure, puisque, grâce aux jeux et aux actions répétés, ils auront déjà acquis la connaissance intuitive de ce qu’ils pourront alors traduire de manière simple et immédiatement compréhensible : ajouts, retraits, produits et partages de quantités concrètes mais aussi de mesures de longueur (cm) et de sommes d’argent. Et, comme ils auront l’habitude d’utiliser les nombres pour pratiquer des opérations, nous adjoindrons aux chiffres, tout de suite, les signes des quatre opérations et le signe égal, qu’ils utiliseront facilement, comme un moyen supplémentaire de communiquer le résultat de leurs opérations mathématiques. De même, nous éviterons que nos élèves écrivent ou lisent sans comprendre. Nous ne les contraindrons pas à utiliser des procédés mécaniques dénués de sens, comme le comptage une à une des cases de la file numérique, pour repérer et lire un nombre. Nous reporterons donc aux tout derniers mois de l’année scolaire l’écriture et la lecture des nombres supérieurs à 9. La numération de position est un enjeu bien trop important pour que nous prenions le risque d’en fausser l’apprentissage par des exercices éloignant l’élève de sa compréhension. Enfin, c’est parce que nous pensons que le petit enfant a avant tout besoin de confiance, de temps, de répétitions et d’aide, tant de son maître et de ses camarades que nous bannirons volontairement de cette méthode toute évaluation des compétences, savoirs et capacités. Aucun des exercices proposés ne sera à donner en guise de contrôle et tous procèderont des mêmes objectifs : comprendre pour apprendre, apprendre pour grandir. Nous souhaitons qu’ainsi tous nos jeunes élèves et leurs enseignants embarquent en confiance pour un bon voyage au pays des mathématiques ! Catherine HUBY
Goëllette Posté(e) 15 janvier 2013 Posté(e) 15 janvier 2013 Intéressant ... Qui est le "nous" dont il est fait question ?
Blaise Posté(e) 15 janvier 2013 Posté(e) 15 janvier 2013 Intéressant ... Qui est le "nous" dont il est fait question ? À moins que Catherine Huby ne se lance dans le "nous" de majesté, il s'agit probablement d'une référence aux travaux collectifs du GRIP ( http://www.instruire.fr).
papili Posté(e) 15 janvier 2013 Posté(e) 15 janvier 2013 Intéressant ... Qui est le "nous" dont il est fait question ? À moins que Catherine Huby ne se lance dans le "nous" de majesté, il s'agit probablement d'une référence aux travaux collectifs du GRIP ( http://www.instruire.fr). Je pense aussi, cher collègue. À moins qu'elle veuille dire, nous, les professeurs des écoles exerçant en Grande Section ?
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