Lena Posté(e) 22 septembre 2013 Posté(e) 22 septembre 2013 Quelques remarques "en vrac" à propos de cette consultation : - d'abord, comme cela l'a été beaucoup rappelé ici, d'autres gens bien plus qualifiés et plus intelligents que nous ont sans doute déjà rédigé les futurs nouveaux programmes et nous consultent uniquement pour nous donner un autre os à ronger [comme l'est la prime hypothétique]. Comme disait Coluche : "Dites-nous de quoi vous avez besoin, on vous expliquera comment vous en passer." - cette consultation, de même que celle de 2008, pose une question de principe : pourquoi les enseignants devraient-ils eux-mêmes fixer les choix de CONTENUS ? Pour ma part, j'ai mon avis de citoyen, mais il ne devrait pas être prépondérant sur celui du citoyen lambda (bon, même si je sais bien, au fond, que c'est le meilleur). Evidemment, certains syndicats, notamment ceux qui éditent de belles brochures sur papier glacé traitant des colonies de vacances, de la pollution de l'air, du menu des cantines, des tarifs de l'eau, du Vendée-Globe entre deux interviews de Marie Desplechin et d'Emmanuel Todd, se délectent par avance des interminables palabres à venir sur l'air des "têtes bien faites plutôt que bien pleines". (Bon, au moins, vous savez dans quoi part votre cotisation à la FSU) Ils sauront bien nous trouver une énième cri d'alarme de Rémy Brissiaud sur les méfaits du dénombrement systématique et crieront victoire si les nouveaux programmes en tiennent compte ! - si notre avis doit être entendu, c'est bien plutôt sur des questions des conditions d'applications de ces programmes et la pression insidieuse qui s'exerce via les différentes formes d'évaluation des élèves et les circulaires en tout genre sur les professeurs des écoles. Nous sommes censés être polyvalents, mais à quel point ? Formés comment ? Combien d'entre nous se sentent réellement compétents pour enseigner une langue vivante, avec ou sans habilitation ? Combien disposent d'une possibilité de décloisonnement pour aller en salle info (quand il y en a) à quinze élèves ? Combien sont en mesure de remplir aisément les 30X150 cases (pas compté, mais ça doit être de cette ordre) du livret de compétence et autre livret d'évaluation, simplifié ou non ? Mais pour ceux que la question des contenus préoccupe : rassurez-vous ! Après cette consultation, vous devrez toujours : - amener vos élèves au niveau du B2I, parce que l'informatique, c'est important - leur faire obtenir l'attestation A1, parce que parler une langue vivante, c'est important - faire passer le permis piéton (particulièrement simple à évaluer, hein ?) parce que la sécurité routière, c'est important - envoyer les six non-nageurs de CM2 à la piscine pendant que les autres font... quoi, d'ailleurs ? parce que savoir nager, c'est important - traiter de l'hygiène alimentaire, parce que une bonne hygiène alimentaire, c'est important - donner des notions de secourisme, parce que secourir, c'est important - constituer un classeur d'histoire des arts, parce qu'une bonne culture artistique, c'est important - faire une heure de morale par semaine, parce que la morale... eh bien, euh, comment dire...?... c'est important. Mais nos plaintes concernant le volume horaire délirant que tout cela représente ont été entendues. Sur ce point, la solution du ministre est déjà trouvée : rallonger l'année de deux semaines. Pas mieux... Idem.
--anonyme-- Posté(e) 23 septembre 2013 Posté(e) 23 septembre 2013 Après m'être faite remballer par le dasen adjoint parce que je posais une question légitime ("pourquoi les personnes qui arrivent d'autres départements sont-elles placées sur des ouvertures de classe et pas les remplaçants, qui les remplacent pourtant le temps qu'elles prennent leur fonction?" nb : sans que ni les élèves ni les familles ne soient au courant que l'enseignant va changer car le remplaçant fait office de bouche trou, sans même pouvoir dire au-revoir aux élèves) et m'être vue répondre que "les enseignants n'ont pas à contester les décisions des services centraux, vous faites ce qu'on vous dit", je ne vois pas pourquoi on prendrait en compte notre avis, le mien en tout cas. Je ne prendrais donc pas la peine de lire le questionnaire et encore moins d'y répondre, tout doit en effet être dans les tuyaux.
Moustache Posté(e) 23 septembre 2013 Posté(e) 23 septembre 2013 Je ne sais pas si le lien pour la consultation en ligne a déjà été donné : (l'info date d'aujourd'hui) http://eduscol.education.fr/cid73818/consultation-sur-les-programmes-de-l-ecole-primaire.html Consultation sur les programmes de l’école primaire du 23 septembre au 18 octobre 2013 Afin de faciliter l’analyse des contributions à la consultation nationale, il vous est proposé de suivre le guide de questionnement suivant :Les programmes de l’école sont en application depuis la rentrée de l’année scolaire 2008-2009. Après cinq ans de mise en œuvre, quels sont selon vous les principales qualités et les principaux défauts de ces programmes ? (Vous pouvez évoquer leurs finalités, leur faisabilité, les conceptions didactiques et pédagogiques qui les sous-tendent, l’articulation avec les compétences du socle commun, la continuité école-collège, les découpages par domaine d’enseignement, par cycle et les repères annuels) Quelles sont les parties des programmes dont l’application vous a semblé difficile, pourquoi ? (précisez le cycle et le domaine d’enseignement considéré)Quels sont les éléments que vous souhaiteriez voir conservés ? (précisez le cycle et le domaine d’enseignement considéré)Quelles sont vos suggestions pour les prochains programmes ? En quelle qualité participez-vous à cette consultation ? (enseignant(s), inspecteur de l’éducation nationale, parent d’élèves….)
thalie83 Posté(e) 23 septembre 2013 Posté(e) 23 septembre 2013 Mais en quoi peut on nous obliger à renvoyer ce truc??? Parce que là on a reçu un mail qui nous demande de retourner le questionnaire avant le 14/10 Mais où est-ce que c'est écrit que c'est obligatoire???? C'est une consultation qu'on nous propose, en quoi les ien auraient le pouvoir d'imposer des heures dessus?
Lorpe Posté(e) 23 septembre 2013 Posté(e) 23 septembre 2013 Mais en quoi peut on nous obliger à renvoyer ce truc??? Parce que là on a reçu un mail qui nous demande de retourner le questionnaire avant le 14/10 Mais où est-ce que c'est écrit que c'est obligatoire???? C'est une consultation qu'on nous propose, en quoi les ien auraient le pouvoir d'imposer des heures dessus? Pareil, l'ien de la circo qui nous annonçait en réunion de directeurs une demi-journée banalisée (tiens, où qu'elle est, a disparu???), a envoyé un mail nous demandant le compte rendu pour le 16 octobre... Pas de circulaire officielle donc est-ce bien obligatoire tout cela (parce que là bon, j'veux pas faire ma feignasse, mais entre l'APC à organiser, les équipes éducatives pour les orientations segpa, les réunions de classe, la réflexion sur la semaine de 4jours et demi avec la mairie, les élections, les PPRE, le PPMS, les PAI le crémier et le pot de crème.... blurps, je bois la tasse !)
thalie83 Posté(e) 23 septembre 2013 Posté(e) 23 septembre 2013 Oui nous on pensait travailler dessus le 16 pendant la journée de solidarité. Comme un fait exprès c'est à rendre avant le 14!!!! Mais je demande à voir le texte qui nous oblige à ça!!!
Petit_Gizmo Posté(e) 23 septembre 2013 Posté(e) 23 septembre 2013 Chez nous, c'est à retourner pour le 8/10 et on a été prévenu jeudi dernier. Considérant que le laps de temps est bien court et que cette consultation ne sera pas plus prise en compte que les précédentes, je sens qu'on ne va y consacrer qu'une vingtaine de minutes pendant un déjeuner...
Mel(yMélo) Posté(e) 24 septembre 2013 Posté(e) 24 septembre 2013 (modifié) une lettre de Refalo dont je partage l'avis Alain Refalo : Les impostures des programmes de 2008 de l’école primaire "Les critiques que nous formulions font maintenant consensus". Chef de file des "désobéisseurs", Alain Refalo s'est ouvertement dressé contre les programmes de 2008 et l'a payé au prix fort. Dans ce beau texte il analyse ce qui lui semble inacceptable dans les programmes de 2008 et il plaide pour une école du vivre ensemble et de la coopération. C'est que bien des mécanismes et des idées qui structuraient les programmes de 2008, comme la surveillance du travail des enseignants par les parents, l'évaluation chiffrée systématique et constante, une certaine forme d'aide aux élèves, sont toujours d'actualité... A l’heure de la refondation de l’école, il est réjouissant d’observer que les critiques que nous formulions à l’encontre des programmes de 2008 font aujourd’hui quasiment consensus. Ces programmes avaient motivé, avec l’imposition des évaluations nationales et du dispositif de l’aide personnalisée, notre entrée en désobéissance pédagogique ouverte. C’était en novembre 2008… Opacité... Le 20 février 2008, le ministre de l’Education nationale Xavier Darcos présentait les grandes orientations de la réforme de l’école primaire centrée sur la réorganisation du temps scolaire et la réécriture des programmes avec l’objectif de « diviser par trois en cinq ans le nombre d’élèves qui sortent de l’école primaire avec de graves difficultés et diviser par deux le nombre d’élèves ayant pris une année de retard dans leur scolarité ». Le ministre indiquait « les changements majeurs » que comporteraient les nouveaux programmes : des horaires plus simples et plus précis pour chaque discipline en remplacement des fourchettes horaires contenues dans les anciens programmes, le retour à une répartition disciplinaire stricte particulièrement en français et en mathématiques, ce qui implique notamment un enseignement explicite de la grammaire, du vocabulaire et de l’orthographe, le retour de la récitation et de la rédaction, et le renforcement du calcul posé. En histoire, les repères chronologiques avec l’apprentissage des dates seraient privilégiés. Une nouvelle matière, l’histoire de l’art serait enseignée dès le cours préparatoire. L’éducation civique serait remplacée par l’instruction civique et morale. Deux mois plus tard, le 29 avril, le ministre présentait la nouvelle version des programmes soumise pour avis au Conseil supérieur de l’éducation. Le ministre était alors satisfait de la « consultation » qu’il avait engagée et semblait heureux de pouvoir affirmer que, selon une enquête d’opinion, « 81 % des parents interrogés sont favorables au recentrage sur les apprentissages essentiels en français et en mathématiques proposé par les nouveaux programmes »… Je ne reviendrai pas sur l’opacité qui a présidé à la rédaction de ces programmes. Nous ne saurons jamais quels en ont été les véritables rédacteurs, ni sur quelles recherches, quels travaux et quelles validations scientifiques et pédagogiques ceux-ci se sont appuyés pour les élaborer. Je ne m’étendrai pas sur le manque de concertation manifeste avec les enseignants, ni sur la méthode expéditive pour les consulter, consultation dont les résultats avaient pourtant fait apparaître un large mécontentement. De même, je n’épiloguerai pas sur l’absence d’évaluation rigoureuse des anciens programmes 2002 que la profession avait fini par s’approprier aux prix de nombreux efforts personnels, sans forcément être bien accompagnée par l’institution. Enfin, je ne m’attarderai pas sur la désinformation de l’opinion publique qui avait précédé l’élaboration de ces programmes afin de les imposer comme une évidence. Concentrons notre réflexion sur la philosophie qui les sous-tendait et ses applications pratiques pour souligner ce qu’il fallait bien appeler une imposture. Nous parlerons volontairement au passé de ces « nouveaux-vieux » programmes que nous nous sommes jamais résolus à appliquer à la lettre. L'imposture des programmes La première imposture fut de considérer qu’un changement de programme aurait des effets en profondeur dans la transformation de l’école primaire, que ceux-ci seraient la clé de la réussite à venir, qu’ils permettraient de réduire significativement l’échec scolaire, ce qui voudrait dire que, corrélativement, les anciens programmes étaient la cause de tous les échecs. Il est cruel de signaler qu’aucun élève n’a pu bénéficier dans sa scolarité de la mise en œuvre de l’ensemble des programmes de 2002 de la petite section de maternelle au CM2, tout simplement parce que la scolarité en primaire dure huit ans... Ce qui signifie que c’est bien pour des raisons idéologiques et non pas pédagogiques que le changement de programme a été décidé par le ministère. En vérité, les programmes sont ce que les enseignants en font. Certes, ils indiquent des repères indispensables en termes de connaissances et de compétences à acquérir. Mais tout le monde sait qu’il est impossible d’appliquer rigoureusement les contenus des programmes, c'est-à-dire de « finir » le programme dans l’année scolaire. Ce sont des catalogues encyclopédiques de connaissances et de savoirs que tout enfant normalement constitué ne peut assimiler dans un cursus scolaire. De plus, tout changement de programme nécessite un temps d’adaptation des enseignants et bien souvent, il faut plusieurs années, avant qu’ils ne s’appliquent globalement à l’ensemble de la profession, ne serait-ce que parce que le temps de renouvellement des manuels scolaires n’est pas immédiat et automatique. Plus fondamentalement, les programmes ne sont que l’un des outils à notre disposition qui ne préjugent en rien de la pédagogie mise en œuvre par l’enseignant. Là est l’essentiel, dans la capacité du maître à différencier les apprentissages, à créer un climat de classe propice au travail personnel et collectif, à susciter le désir et l’envie d’apprendre, à motiver les élèves dans des projets fédérateurs. En insistant sur le rôle soi-disant central des programmes dans l’évolution à venir de l’école primaire, le ministre de l’époque n’abordait pas les vraies questions que chaque enseignant se posait et que tout parent devrait se poser, à savoir : que doit-on enseigner aux enfants aujourd’hui pour qu’ils soient et restent insérés socialement et professionnellement demain ? Ceci nécessiterait un « Grenelle de l’école » et de vraies réformes, tout particulièrement sur le plan de la formation pédagogique hier sacrifiée sur l’autel des restrictions budgétaires. Les enseignants sous surveillance des parents La deuxième imposture était d’affirmer que ces programmes étaient « plus clairs, plus courts et plus ambitieux » que les précédents. Certes, leur lisibilité était incontestable d’autant que la présentation privilégiait le découpage disciplinaire. Certes, le nombre de pages était réduit, d’autant que la mise en page graphique au Bulletin Officiel n’avait pas lésiné pour gagner de la place… Certes, la communication gouvernementale n’avait pas tergiversé pour afficher l’objectif « ambitieux » de diviser par trois le nombre d’élèves en difficulté. Pour autant, ces « vérités » martelées en permanence par le ministre Xavier Darcos ne résistaient pas à un examen approfondi. Les programmes, nous disait-il, étaient plus clairs. En réalité, ces programmes avaient été conçus pour permettre aux familles d’exercer un contrôle et un suivi du travail de l’enseignant. Nous n’oublions pas qu’en septembre 2008, un livret à destination des familles comprenant ces programmes avait été édité par le ministère pour les parents et distribué par nos soins lors des réunions de rentrée, alors même que nous n’avions pas encore à disposition les programmes définitifs que nous devions appliquer à la rentrée ! Plus clairs signifie davantage lisibles par les parents (ce qui en soi est positif), mais cela fut d’abord conçu dans l’objectif d’offrir désormais à chaque famille la capacité de demander des comptes à l’enseignant de son enfant en vérifiant si le programme était respecté et la progression conforme... Cette pression sur le maître serait évidemment renforcée lorsque les résultats des évaluations nationales seraient publiés et que des comparaisons pourraient être établies entre établissements, voire entre classes d’une même école. La volonté de rendre lisibles les programmes pour les parents avait entraîné en réalité une simplification à outrance des objectifs et des contenus qui n’était pas digne d’un outil pédagogique professionnel à destination des enseignants. Les programmes de 2002, eux, étaient complétés par des documents d’accompagnement et des dossiers pratiques qui permettaient une mise en œuvre des programmes dans toute leur complexité. La lisibilité revendiquée des programmes de 2008 était un argument démagogique qui cachait mal un appauvrissement des ambitions assignées à ces programmes que nous qualifions de « rétrogrades ». Des programmes étriqués avec le retour aux fondamentaux Les programmes, nous disait le ministre, étaient plus « courts », essentiellement parce que le ministère avait pris l’option de tracer la feuille de route des enseignants sans faire de phrases complètes... En réalité, tout le monde l’avait alors reconnu, ils étaient beaucoup plus lourds en termes de contenus, d’autant qu’une nouvelle matière, l’histoire de l’art, avait été rajoutée, sans compter l’éducation au développement durable. Sachant que le temps d’enseignement obligatoire hebdomadaire avait été réduit de deux heures, il était définitivement impossible, humainement et professionnellement, de mettre en œuvre ces programmes dans ce temps plus réduit. Les programmes, nous disait-on, étaient plus « ambitieux ». En réalité, en les recentrant sur les matières fondamentales, le français et les mathématiques, et en diminuant la part consacrée aux matières d’éveil et de découverte du monde, ces programmes consacraient un appauvrissement de l’enseignement qui ne pouvait se prévaloir d’aucune ambition particulière. Ils étaient particulièrement flous sur les connaissances et les compétences à acquérir, à la différence des programmes de 2002 qui comportaient de véritables exigences. La volonté de faire court avait abouti à des raccourcis et des simplifications qui interdisaient de les qualifier d’ambitieux. « L’ambition » prêtée à ces nouveaux programmes de réduire la fracture scolaire relevait d’un discours de communication politique. Ainsi, les nouveaux programmes étaient à l’image de la contradiction intrinsèque à la politique du ministère d’alors : les moyens mis en œuvre n’étaient pas en cohérence avec l’objectif recherché de diminuer l’échec scolaire. La troisième imposture était de considérer que « le recentrage sur les enseignements essentiels », ce que l’on nomme communément « les fondamentaux », présenté comme une mesure de bon sens contre laquelle seuls des esprits retors pouvaient s’élever, serait forcément la clé de la réussite à venir. Comme si les enseignants n’avaient pas intégré que leur mission première est d’abord d’apprendre aux élèves à « lire, écrire et compter ». Qui peut affirmer que les anciens programmes tournaient le dos à cette exigence ? Sans propositions innovantes et exigeantes auxquelles le ministère se refusait au nom des contraintes budgétaires, le retour « aux bonnes vieilles méthodes qui avaient fait leurs preuves » s’imposait alors comme LA solution que tout le monde ne pouvait qu’approuver. Mais derrière cette « évidence » d’un retour aux fondamentaux, se cachait en réalité la volonté de revenir à des « recettes » d’apprentissage que les anciens, les parents, l’opinion publique étaient à même de comprendre, parce qu’elles leur « parlaient ». Ces programmes reflétaient en réalité davantage une nostalgie pour une époque révolue qu’une volonté de réussite pour tous. Ce travers avait pourtant été dénoncé par l’ancien président de la République lui-même dans sa Lettre aux éducateurs en septembre 2007. « Nous ne referons pas l'école de la 3ème République, écrivait-il, ni celle de nos parents, ni même la nôtre. Ce qui nous incombe, c'est de relever le défi de l'économie de la connaissance et de la révolution de l'information. Ce que nous devons faire, c'est poser les principes de l'éducation du XXIème siècle qui ne peuvent pas se satisfaire des principes d'hier et pas davantage de ceux d'avant-hier (1) . » Xavier Darcos aurait été bien inspiré d’accorder un peu d’attention à ces propos présidentiels… Exercices contre expérimentation Les nouveaux programmes étaient bien en rupture avec les programmes de 2002. Ceux-ci invitaient à « une organisation progressive des enseignements en champs disciplinaires » tout en maintenant une exigence sur les contenus d’apprentissage : « L'enseignant met à profit sa polyvalence pour multiplier les liaisons et les renvois d'un domaine à l'autre. Il évite ainsi l'empilement désordonné des exercices tout en maintenant un niveau d'exigence élevé, gage de la construction de connaissances solides. » Là où les nouveaux programmes privilégiaient un apprentissage segmenté en matières distinctes, avec des contenus spécifiques sans mise en lien d’une matière à l’autre, les programmes de 2002 insistaient sur la transversalité des apprentissages car « c'est à ce prix que l'école permet à chaque élève d'acquérir le socle culturel sans lequel les connaissances déjà rencontrées ou à venir ne seraient que des savoirs éclatés. » Ainsi, la transmission du savoir était privilégiée au détriment du raisonnement. Le cours magistral revenait à la mode alors que tout enseignant savait pertinemment que cela était impossible au risque de susciter le désintéressement, voire l’indiscipline des élèves. La leçon, la bonne vieille leçon, devait être suivie d’exercices d’application, d’exercices répétitifs pour que « ça rentre ». Tant pis pour ceux chez qui ça ne rentrerait jamais de cette façon. Ils avaient encore le soutien scolaire, l’aide personnalisée et les stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires pour se rattraper ! Tandis que les « nouveaux vieux » programmes voulaient faire des élèves des « machines à exercices » (2), les programmes de 2002 privilégiaient l’apprentissage par l’expérimentation, et la découverte par l’expérience : « Ces programmes, pouvait-on lire dans leur présentation, s'inscrivaient dans la perspective de la loi d'orientation de 1989 et confortaient une évolution déjà perceptible dans les textes antérieurs. La continuité est parfois plus ancienne encore. L'ampleur des ambitions, le recours à l'initiative de l'élève, par exemple, ne sont pas des attentes nouvelles et leur réitération est la preuve tangible des difficultés qu'implique leur mise en œuvre. Déjà, les instructions de 1882, arrêtées par Jules Ferry, précisaient que la méthode à suivre « ne peut consister ni dans une suite de procédés mécaniques, ni dans le seul apprentissage de ces premiers instruments de communication : la lecture, l'écriture, le calcul, ni dans une froide succession de leçons exposant aux élèves les différents chapitres d'un cours ». Et elles ajoutaient : « la seule méthode qui convienne à l'enseignement primaire est celle qui fait intervenir tour à tour le maître et les élèves, qui entretient pour ainsi dire entre eux et lui un continuel échange d'idées sous des formes variées, souples et ingénieusement graduées ». Les instructions de 1923, bases de notre école jusqu'à la décennie 1970, vont plus loin encore dans des propos qui anticipent les conseils donnés quatre-vingts ans plus tard : « À l'observation qui laisse encore l'écolier passif, nous préférons, dans la mesure où elle peut être pratiquée à l'école primaire, l'expérimentation qui lui assigne un rôle actif ». » C’est d’ailleurs l’orientation privilégiée en Finlande, pays auquel Xavier Darcos faisait souvent référence pour souligner son excellence dans les classements internationaux... Le retour aux fondamentaux relevait d’une authentique manipulation et négligeait tous les apports de la recherche pédagogique. « On peut connaître toutes les règles, tous les tableaux, toutes les définitions par cœur et éventuellement les restituer, et être incapable d'exprimer une pensée ou de comprendre un texte » (3), écrivait justement Pierre Frackowiak, inspecteur de l’Education Nationale à la retraite. Pour apprendre à écrire des textes, il est en effet essentiel que les élèves soient placés dans des situations d’écriture reliées à des projets de classes, à des recherches, à des situations de communication véritables et non pas virtuelles. « On sait que les enjeux du futur exigent toujours plus d'intelligence, d'imagination, de capacité à exercer ses responsabilités et moins de " mécanique " », ajoutait Pierre Frackowiak. Enseigner sous la contrainte La quatrième imposture concernait la question de la liberté pédagogique qui était réaffirmée à plusieurs reprises au cas où une lecture attentive des programmes aurait pu faire douter qu’elle soit bien respectée… « Ces programmes sont précis et détaillés en matière d’objectifs et de contenus à enseigner, était-il écrit dans la présentation, tout en étant ouverts en termes de méthode afin de respecter strictement le principe de la liberté pédagogique inscrit dans la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école adoptée en 2005 (4). Il appartient aux enseignants et aux équipes d’école de s’emparer résolument de cette liberté nouvelle ». La liberté pédagogique n’était pas une nouveauté dans notre métier, elle était déjà affirmée dans les programmes de 2002. Mais elle nous était présentée comme un droit nouveau, alors qu’elle était en réalité davantage encadrée et soumise à des impératifs de résultats. Précisons que loin de nous l’idée de refuser le principe d’efficacité dans notre travail. Bien au contraire. Mais l’efficacité est une notion très discutable en matière d’enseignement qui ne saurait se limiter à l’évaluation des savoirs cognitifs des élèves, évaluation qui était privilégiée dans les évaluations nationales et les enquêtes internationales. La présentation des nouveaux programmes insistait avec cette phrase d’anthologie que nous n’avons cessé de reproduire durant ces années de résistance pédagogique : « Le professeur des écoles ne saurait être un simple exécutant : à partir des objectifs nationaux, il doit inventer et mettre en œuvre les situations pédagogiques qui permettront à ses élèves de réussir dans les meilleures conditions ». Cette phrase mériterait d’être affichée sur toutes les portes d’entrée de nos classes… Cela éviterait bien des malentendus avec notre hiérarchie. Le professeur des écoles ne saurait être un simple exécutant… Sauf que le contenu et les objectifs de ces « nouveaux » programmes constituaient précisément une remise en cause de cette liberté pédagogique pourtant inscrite dans le marbre de la loi. D’une part, ils privilégiaient la mémorisation dans les apprentissages : récitations, règles, vocabulaire, dates, noms d’œuvres d’arts ; d’autre part, ils affirmaient que c’est par l’entraînement que les connaissances et les capacités s’acquièrent. On ne saurait être plus directif ! Il s’agissait bien là d’imposer des méthodes d’enseignement et non pas de demander aux enseignants de faire œuvre de créativité et d’imagination pour atteindre des objectifs définis par la nation. De plus, nous savions que ces programmes étaient au service d’une culture de l’évaluation chiffrée qui servirait d’indicateurs au contrôle de la qualité des méthodes utilisées par l’enseignant. C’est pourquoi ces programmes induisaient de travailler dans un seul objectif : la progression des résultats chiffrés des acquis des élèves relevés lors des évaluations nationales. La présentation des nouveaux programmes ne disait pas autre chose : « La liberté pédagogique des enseignants va de pair avec de nouvelles modalités d’inspection des maîtres, davantage centrés sur l’évaluation des acquis des élèves ». Même s’il ne s’agit pas de refuser le principe d’un contrôle de notre travail, cette phrase induisait une pression sur l’enseignant qui devrait prouver que sa pédagogie est « efficace », dit autrement, qu’elle devait permettre aux élèves de bien « réussir » aux évaluations nationales. C’était ainsi que notre travail allait nécessairement devoir évoluer à terme. Il s’agissait d’abord de préparer les élèves aux épreuves des tests, et pour cela de privilégier la mémorisation et les automatismes, au détriment de tout ce qui fait le « sel » de notre métier. La liberté pédagogique serait ainsi soumise à l’impératif de la réussite à une forme d’évaluation qui n’avait pourtant été validée par aucune expertise scientifique ou recherche pédagogique. Au-delà des mots qui ne servaient qu’à brouiller les esprits, la vérité s’imposait : la liberté pédagogique était remise en cause et le « bachotage » allait devenir la norme. Seules compteraient les méthodes dites « efficaces », c'est-à-dire les méthodes qui permettraient de réussir aux tests, mais pas celles qui travailleraient en profondeur les difficultés récurrentes que rencontrent de plus en plus d’élèves. Par la lourdeur de leurs contenus, l’affaiblissement de leur dimension culturelle, leur conception mécaniste des apprentissages (5), les nouveaux programmes ne pouvaient prêter à aucune confusion sur la volonté de diriger les maîtres vers une forme d’enseignement élitiste qui pénaliserait à terme les élèves les plus fragiles. Au-delà de ces programmes, insister dès l’école primaire, sur l’impératif d’efficacité et donc de rentabilité pose de redoutables questions sur le type de société auquel nous préparons les enfants. Quid des relations humaines ? Quid des valeurs d’entraide et de solidarité susceptibles de construire une société solidaire ? L’école doit-elle former de futurs individus préparés à une compétition sans merci, de futurs consommateurs dociles ou bien doit-elle former des citoyens capables de penser, de raisonner, de dialoguer, de faire œuvre de discernement, c’est-à-dire des citoyens libres et éclairés ? Pour une école de la coopération Ces programmes, dès leur publication, avaient été largement condamnés par la communauté éducative. Le jugement du syndicat des inspecteurs du SNPI-FSU, pour n’en prendre qu’un, sur la deuxième version des propositions de nouveaux programmes, était sans équivoque et mérite d’être rappeler : « Toute cette procédure est marquée par l’incohérence intellectuelle, l’exagération communicationnelle, l’inconstance du message de l’État… Elle risque fort de déstabiliser et de mettre très sérieusement à mal notre système scolaire au lieu d’en améliorer les performances. Est-ce l’objectif visé au bout du compte ? Sinon, pourquoi tant d’urgence ? Pourquoi tant d’inconséquences ? Pourquoi tant de déni de la parole des experts que sont les chercheurs, les inspecteurs, les militants associatifs et syndicaux ? ». Nous disions que ces programmes ne permettraient pas d’atteindre les objectifs fixés par le ministre en matière de réduction de l’échec scolaire. Nous martelions qu’ils risquaient au contraire d’augmenter la cohorte des élèves en difficulté qui ne pourraient s’adapter à cet enseignement. Nous affirmions qu’ils allaient déstabiliser et affaiblir beaucoup d’élèves qui, par ailleurs, bénéficiaient de deux heures de classe en moins par semaine. Nous soulignions qu’ils allaient creuser durablement les écarts entre les élèves issus de milieux culturellement favorables qui eux s’adapteraient très bien à ces nouveaux programmes, et les élèves qui étaient socialement éloignés de l’accès à la culture et à la langue orale et écrite. Nous pensions que la pression sur ces derniers serait de plus en plus forte et de plus en plus insupportable. Les faits nous ont malheureusement donné raison, comme ils ont donné raison aux milliers de professeurs des écoles qui refusaient d’appliquer à la lettre ces programmes et qui, pour cela, ont parfois été sanctionnés. L’enjeu des nouveaux programmes de 2015 sera de retrouver la vitalité et les exigences des programmes de 2002 en les conjuguant avec l’ambition d’une école du progrès de tous. Ils devront tourner résolument le dos à l’esprit d’une école tournée vers la compétition et la performance individuelle. Ces nouveaux programmes devront être l’un des supports d’une école où l’on favorise le désir d’apprendre, de découvrir et de s’éveiller, d’une école où l’on se forme à la prise de responsabilités, à l’autonomie dans les apprentissages, mais aussi d’une école qui a pour mission l’éducation au vivre ensemble, à la coopération et au respect de l’autre. Alain Refalo Notes : 1 Nicolas Sarkozy, Lettre aux éducateurs, septembre 2008, p. 7. 2 Philippe Meirieu, Contre le libéralisme autoritaire, refonder le service public d’éducation, 6 février 2009, www.meirieu.com 3 Pierre Frackowiak, La destruction de l’école primaire, l’heure d’un premier bilan, janvier 2009 (http://www.meirieu.com ) 4 Article L. 912-1-1 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école : « la liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection. » 5 Communiqué du 6 mai 2008 de 20 organisations (mouvements pédagogiques, associations complémentaires de l’école, syndicats d’enseignants et d’inspecteurs, parents d’élèves) : « Programmes du primaire : le ministre peut encore éviter un énorme gâchis ». Modifié 24 septembre 2013 par Mel(yMélo)
Mel(yMélo) Posté(e) 24 septembre 2013 Posté(e) 24 septembre 2013 du pour et du contre .... toujours dans le Café Péda Ouzoulias : Les programmes de 2008 ont eu des effets contradictoires Les programmes de 2008 du primaire ont aussi eu des effets positifs, juge André Ouzoulias , professeur à l'Université de Cergy-Pontoise. Sur certains points comme l'enseignement de la grammaire ils ont été une aide pour les enseignants même si globalement les résultats ne sont pas au rendez-vous. Mais les programmes à eux seuls ne sont pas capables de changer les choses... Cinq ans après leur publication, quels effets ont eu les programmes de 2008 ? Il faut être réaliste, ils ont eu des effets contradictoires. Par exemple sur la grammaire, le domaine le plus emblématique de la réforme, des maîtres ont été rassurés car ils savaient quoi enseigner et quand le faire. Alors que dans les programmes de 2002, avec l'observation réfléchie de la langue, les maitres n'étaient pas bien outillés pour le faire. Il aurait fallu un grand plan de formation continue. Beaucoup d'enseignants ont apprécié ces programmes de 2008 sur la grammaire contrairement à ce qui a été dit. Mais d'un autre coté on a chargé la barque. Et les résultats sont décevants. Il ne suffit pas d'enseigner les règles pour que les enfants les introduisent dans les textes qu'ils écrivent. On ne sait pas bien d'ailleurs comment se fait leur mémorisation. Je dirige une étude sur ce sujet qui montre que la grammaire prend sens quand on fait beaucoup écrire les enfants sur des textes très courts. Et en maternelle ? Là aussi, on a chargé la barque très fort en février 2008. Puis sous l'influence de quelques chercheurs, comme Gombert, Fayol, Goigoux et moi, la seconde version était moins exagérée. Mais les programmes demandent toujours qu'on dégage les principaux phonèmes en grande section. C'est l'idée de dégager le principe alphabétique en fin de grande section pour qu'on n'ait plus qu'à le faire fonctionner en cours préparatoire. Ca a concouru à rendre la grande section moins maternelle, plus élitiste et à mettre en échec un certain nombre d'enfants. Je recommanderais de travailler plutôt sur des unités supérieures aux phonèmes en utilisant la représentation écrite des mots. Il y a eu apparemment des résultats... Comme le dit très bien Rémi Brissiaud, il faut se méfier des apparences. En lecture écriture, j'apprécie que les enfants connaissent le nom des lettres. C'est bien car les recherches montrent que c'est plutôt la connaissance des lettres qui est déterminante même pour l'accès à la phonologie. Donc c'est une compétence levier sans laquelle les autres progrès sont interdits. On a progressé en ce domaine. Sur la compréhension en lecture par contre, on ne sait pas s'il y a eu progrès. Il n'y a pas de tests. Sur l'écriture des lettres j'apprécie le progrès. Mais est-ce du aux programmes de 2008 ? C'était déjà dans les programmes de 2002... Un nouveau conseil supérieur des programmes (CSP) va être installé. Cette nouvelle procédure est-elle un progrès ? Tout dépendra de la qualité des personnes qui seront dans les commissions. Aura-t-on un groupe unique de maternelle ou des sous-groupes ? Connaitront-ils les problématiques sans être dogmatiques ? Donnera t on un ensemble de grands objectifs à suivre avec des socles à atteindre en fin de cycles tout en donnant des pistes possibles ou aura-t-on, comme en2002, une pédagogie officielle ? Ce serait dommage. Peut-on se passer d'un gros effort de formation continue ? C'est la question centrale de la refondation. Il n'y aura pas de refondation sans un effort gigantesque et inédit de formation continue. Il faudrait que la moitié des moyens du primaire lui soit consacrée. Que chaque maitre ait au moins une semaine de formation dans les 3 ans. La formation initiale va permettre de renouveler le corps à hauteur de 2% par an. Avant d'arriver à 50% il faudra 25 ans ! C'est trop long. La formation continue peut par contre toucher 10 à 15% des enseignants chaque année. Si on ne fait pas cet effort de formation continue il n'y aura rien car la force de l'inertie sera plus grande. Mais ce sera l'objet d'un prochain article... Propos recueillis par François Jarraud
Mel(yMélo) Posté(e) 24 septembre 2013 Posté(e) 24 septembre 2013 (modifié) edition Modifié 24 septembre 2013 par Mel(yMélo)
nola Posté(e) 24 septembre 2013 Posté(e) 24 septembre 2013 Qu'as-tu pensé de la discussion et des remarques de lady et missninna sur les programmes de la maternelle? Et des miennes sur le CE1 et le cycle 3?
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