Japet Posté(e) 29 février 2016 Posté(e) 29 février 2016 Ben moi j'ai un DEUG de maths et je compte sur mes doigts! Je ne comprends pas où est le problème en fait d'être "enfermé" là-dedans. Si c'est efficace, qu'est-ce que ça fait? Je nec comprends pas qu'on puisse interdire de compter sur ses doigts. je n'ai pas de CP donc pas concerné par ce post mais moi aussi ça m'interpelle. Il m'arrive aussi de compter sur mes doigts.
Primavera Posté(e) 4 mars 2016 Posté(e) 4 mars 2016 C'est sûr, on peut penser qu'il faut en sortir un jour. Cependant au CP, ils sont encore bien petits et on peut le tolérer. Ce qui est important, c'est de beaucoup valoriser ceux qui commencent à mémoriser quelques résultats en leur montrant combien ils ont gagné de temps grâce à ça. « Les mathématiciens sont des paresseux. Alors, ils recherchent toujours une solution pour se simplifier le travail. » disait je ne sais plus qui. Et je le répète souvent à mes élèves à chaque fois que nous découvrons quelque chose ensemble. La multiplication va plus vite que l'addition réitérée, la numération décimale est plus pratique que le système romain, maya ou égyptien, la mémorisation des tables soulage la mémoire de travail, les calculs posés de grands nombres sont moins coûteux en temps et en mémoire que les calculs de tête, etc.
astro52 Posté(e) 6 mars 2016 Posté(e) 6 mars 2016 Pour ce qui est de l'utilisation des doigts, attention en effet car nous avons eu une conférence (en fait, deux, dans deux circos différentes où je suis passée) de M. Brissiaud himself disant qu'il fallait à tout prix éviter l'utilisation des doigts car certains élèves n'en sortent jamais et restent bloqués indéfiniment dans cette représentation du nombre, et n'arrivent pas à compter efficacement. J'interdis donc à mes élèves d’utiliser leurs doigts, mais je me trouve confrontée comme vous à 3/4 loustics qui n'arrivent pas à se construire une représentation mentale, et je suis bien embêtée... parce que ceux-là, qui n'arrivent pas à rentrer dans la méthode J'apprends les maths, M. Brissiaud n'en a pas parlé ! Ca mérite bien quelques précisions. D'abord, il faut savoir que l'aire cérébrale qui gère la motricité des doigts et celle qui gère la représentation mentale du nombre, c'est quasiment la même, ou du moins c'est en contact très direct. Il y a des raisons neurologiques profondes au fait qu'on compte sur les doigts depuis la nuit des temps. Interdire aux enfants d'utiliser les doigts est donc une hérésie d'un point de vue neurologique et épistémologique. On peut d'ailleurs rappeler à ce sujet que les vrais dyscalculiques, qui sont très rares en réalité, ont très souvent des troubles de l'adresse digitale associés, parce que la cause commune de ces deux troubles est un retard de développement du pli cérébral commun associé aux deux compétences. Mais on sait aussi que tout choix pédagogique comporte des risques. On ne peut pas tenir rigueur à l'enseignant de cette prise de risques, il ne peut pas y échapper (sauf à arrêter complètement d'enseigner). En revanche, on peut attendre de lui qu'il agisse en connaissance et en conscience de ces risques, et qu'il anticipe sur leur réalisation éventuelle. Or ici, il y a le risque que le comptage sur les doigts se suffise à lui-même, parce qu'il a un avantage de taille : ça marche. L'enjeu véritable, qui est de passer à "calculer sur ses doigts", est donc en concurrence avec quelque chose (compter sur ses doigts) qui a l'avantage de marcher aussi. Ce sera une difficulté avec laquelle il faudra composer. Mais pour cela, interdire tout usage des doigts, c'est prendre un marteau pour assommer une mouche au lieu de faire confiance à l'enseignant. Si on fait ça, on va priver les élèves les plus en difficulté d'un moyen avec lequel, faute de mieux, au moins ils ont bon ; et surtout, en interdisant bêtement "les doigts", on ne va pas interdire seulement "compter sur les doigts" mais aussi "calculer sur les doigts", qui est une étape intermédiaire fondamentale vers la "mentalisation" complète. La seule solution sensée, c'est donc d'avoir des enseignants mieux formés et mieux équipés pour faire passer les élèves de "compter sur les doigts" à "calculer sur les doigts". C'est quand on a des enseignants qui ne sont pas assez au clair et outillés là-dessus qu'on a des enfants qui stagnent dans le compter sur les doigts, ce n'est pas faute d'avoir interdit tout usage des doigts. Pourtant je ne nie pas tout ce que Brissiaud a apporté à la didactique des maths sur ce point, mais ici, vis-à-vis de la formation des enseignants, on ne peut contourner la problématique complexe qui est à la base en bottant en touche de cette façon.
Japet Posté(e) 6 mars 2016 Posté(e) 6 mars 2016 astro52 peux-tu préciser la nuance que tu entends entre "compter sur les doigts" et "calculer sur les doigts"? Peux tu donner un exemple? Merci
astro52 Posté(e) 6 mars 2016 Posté(e) 6 mars 2016 astro52 peux-tu préciser la nuance que tu entends entre "compter sur les doigts" et "calculer sur les doigts"? Peux tu donner un exemple? Merci Bien sûr. Quand on compte sur ses doigts, on dénombre ses doigts un à un en disant un mot-nombre sur la totalité des unités d'un nombre de l'opération, ou les deux. Par exemple, pour faire 4+3, prendre 4 doigts sur une main et 3 doigts sur l'autre main, puis recompter oralement tous les doigts 1,2,3,4,5,6,7. C'est le cas où on compte les deux nombres. Par exemple, pour faire 8+6, mettre 8 dans sa tête et compter 6 doigts un à un en disant 9,10,11,12,13,14. C'est le cas où on compte un des deux nombres. Quand on calcule sur ses doigts, on utilise des relations déjà connues pour ne pas avoir à compter entièrement un des nombres. Souvent on s'appuie sur la connaissance des nombres 6, 7, 8, 9 avec une main complète et quelque chose, et sur une bonne compréhension du nom des nombres de 11 à 16 qui peut faire obstacle en français. Donc ici pour faire 4+3, on met 4 sur une main et 3 sur l'autre, puis on voit qu'il ne manque qu'un doigt à la main de 4 pour qu'elle soit complète, donc on déplace un doigt du 3 vers le 4. On a donc alors une main complète et 2, et sans compter on sait déjà que c'est 7. Pour faire 8+6, on va travailler en équipe avec un camarade, car on n'a que dix doigts. L'un fait 8 sur ses doigts (sous forme 5 et 3), l'autre fait 6 sur ses doigts (sous la forme 5 et 1). Là on a le choix entre deux façons de faire : - Celui qui a 8 doigts constate qu'il a deux doigts repliés, donc qu'il lui manque 2 pour arriver à dix. Si l'autre lui "donne" deux doigts sur les 6, il lui restera 4, or 10 et 4 c'est 14. C'est la méthode qu'on trouve en Asie et chez Brissiaud. - On tape dans la main de son camarade (entre les deux mains qui sont complètes), ces deux 5 font déjà 10. Sur les autres mains, du 8 il reste 3, du 6 il reste 1. On sait que 3 et 1 font 4, avec le 10 mis de côté on arrive à 14. C'est la méthode qu'on trouve chez Stella Baruk. Dans tous les cas, on n'est presque jamais en train de dénombrer, ou du moins ça ne s'étend jamais à la totalité d'un opérande. A la place, on déplace ou on regroupe, afin d'arriver à un modèle déjà connu directement sans qu'il y ait besoin de compter : * 5 + quelque chose jusqu'à un total de 10. * 10 + quelque chose jusqu'à un total de 19. Regrouper ou dispatcher pour arriver à un double (entre 2+2 et 10+10 en général), si on connaît les doubles par coeur, est une variante possible.
ptitloir Posté(e) 6 mars 2016 Posté(e) 6 mars 2016 C'est très intéressant. On a beau manipuler beaucoup, j'ai tous les ans des élèves qui en restent à compter sur les doigts en fin de CP. Ils ont toujours beaucoup de mal avec 4 + 3 = 5 + 2 par exemple, même avec une manipulation d'objets ou de leurs propres doigts : d'eux-mêmes, ils en restent à compter ou à surcompter. Ce petit groupe en difficulté recoupe très souvent ceux qui sont très immatures et ceux qui ont des difficultés en écriture (peu de latéralisation et peu de motricité fine). Certains en apprenant les tables par cœur se débloquent et s'en sortent bien ensuite au CE1 (je suis parfois une partie de mes élèves). Mais quelques-uns stagnent et restent en grande difficulté en calculs. J'avoue que je ne sais pas du tout comment faire pour mieux les aider.
enviedespoir Posté(e) 7 mars 2016 Posté(e) 7 mars 2016 astro52 peux-tu préciser la nuance que tu entends entre "compter sur les doigts" et "calculer sur les doigts"? Peux tu donner un exemple? Merci Bien sûr. Quand on compte sur ses doigts, on dénombre ses doigts un à un en disant un mot-nombre sur la totalité des unités d'un nombre de l'opération, ou les deux. Par exemple, pour faire 4+3, prendre 4 doigts sur une main et 3 doigts sur l'autre main, puis recompter oralement tous les doigts 1,2,3,4,5,6,7. C'est le cas où on compte les deux nombres. Par exemple, pour faire 8+6, mettre 8 dans sa tête et compter 6 doigts un à un en disant 9,10,11,12,13,14. C'est le cas où on compte un des deux nombres. Quand on calcule sur ses doigts, on utilise des relations déjà connues pour ne pas avoir à compter entièrement un des nombres. Souvent on s'appuie sur la connaissance des nombres 6, 7, 8, 9 avec une main complète et quelque chose, et sur une bonne compréhension du nom des nombres de 11 à 16 qui peut faire obstacle en français. Donc ici pour faire 4+3, on met 4 sur une main et 3 sur l'autre, puis on voit qu'il ne manque qu'un doigt à la main de 4 pour qu'elle soit complète, donc on déplace un doigt du 3 vers le 4. On a donc alors une main complète et 2, et sans compter on sait déjà que c'est 7. Pour faire 8+6, on va travailler en équipe avec un camarade, car on n'a que dix doigts. L'un fait 8 sur ses doigts (sous forme 5 et 3), l'autre fait 6 sur ses doigts (sous la forme 5 et 1). Là on a le choix entre deux façons de faire : - Celui qui a 8 doigts constate qu'il a deux doigts repliés, donc qu'il lui manque 2 pour arriver à dix. Si l'autre lui "donne" deux doigts sur les 6, il lui restera 4, or 10 et 4 c'est 14. C'est la méthode qu'on trouve en Asie et chez Brissiaud. - On tape dans la main de son camarade (entre les deux mains qui sont complètes), ces deux 5 font déjà 10. Sur les autres mains, du 8 il reste 3, du 6 il reste 1. On sait que 3 et 1 font 4, avec le 10 mis de côté on arrive à 14. C'est la méthode qu'on trouve chez Stella Baruk. Dans tous les cas, on n'est presque jamais en train de dénombrer, ou du moins ça ne s'étend jamais à la totalité d'un opérande. A la place, on déplace ou on regroupe, afin d'arriver à un modèle déjà connu directement sans qu'il y ait besoin de compter : * 5 + quelque chose jusqu'à un total de 10. * 10 + quelque chose jusqu'à un total de 19. Regrouper ou dispatcher pour arriver à un double (entre 2+2 et 10+10 en général), si on connaît les doubles par coeur, est une variante possible. Peut-être peux-tu essayer aussi d'utiliser ce poster des chiffres qui fait faire, en gros, avec les étoiles ce qu'Astro52 explique pour les doigts ; ça fait une entrée complémentaire. Si sur la figuration du nombre 4 tu caches l'étoile qui est en bas à droite tu as la configuration du 3, si sur 5 tu caches l'étoile du milieu tu as la configuration du 4 etc.
astro52 Posté(e) 7 mars 2016 Posté(e) 7 mars 2016 C'est très intéressant. On a beau manipuler beaucoup, j'ai tous les ans des élèves qui en restent à compter sur les doigts en fin de CP. Ils ont toujours beaucoup de mal avec 4 + 3 = 5 + 2 par exemple, même avec une manipulation d'objets ou de leurs propres doigts : d'eux-mêmes, ils en restent à compter ou à surcompter. Ce petit groupe en difficulté recoupe très souvent ceux qui sont très immatures et ceux qui ont des difficultés en écriture (peu de latéralisation et peu de motricité fine). Il est possible en effet qu'il y ait corrélation entre des difficultés de repérage dans l'espace et des difficultés avec des méthodes par déplacement. Mais ça peut aussi mettre en jeu des questions de psychologie de l'apprentissage. Passer d'une façon de faire à une autre, c'est un changement. Et donc ça ne peut avoir lieu que si une volonté de changement existe chez l'élève. S'il se contente de sa façon de faire, il ne peut pas accéder à autre chose, faute de l'avoir désiré. Si vous avez quelques souvenirs des cours de pédagogie constructiviste, on envisageait un état stable, puis une petite chute (rupture) avant une remontée, puis un nouvel état stable. Cette baisse de niveau n'en est pas une en réalité : à savoir qu'on ne sait pas, on a déjà fait un premier pas vers le progrès. Mais dans le ressenti de l'apprenant, c'est effectivement ressenti comme une perte. Et donc le fait de s'y engager comme une prise de risque. C'est là qu'il y a une grande différence entre : - un bon élève, qui ayant beaucoup, peut bien prendre le risque de perdre un peu pour gagner plus, ce qui est même plutôt ludique. - un élève en difficulté, qui n'ayant qu'un peu, s'il prenait le risque de perdre un peu, pourrait lui "tout perdre". Ceci entraine une tendance de l'élève en difficulté à moins s'exposer aux prises de risque intellectuel qui permettent le progrès, ce qui tant à accroître les écarts de niveau. Ici, on parle de se lancer dans une autre procédure qu'on ne maîtrise pas encore alors même qu'on en a une autre qui marche, donc un tel biais psychologique peu jouer un rôle important chez certains élèves. D'un point de vue plus technique, il faut aussi remettre ça en perspective de ce qu'on a fait avant le CP, car ça joue aussi un grand rôle. Si en maternelle on ne propose que des situations numériques dans lesquelles le comptage un à un suffit pour arriver à ses fins, ça n'est pas la même chose que si on propose déjà des activités calculatoires sur des petits nombres pour construire le concept de nombre. Cette construction précoce du concept de nombre va être importante quant aux stratégies de calcul que l'élève de CP va considérer comme acceptable ou non. Un élève qui a peu construit le concept de nombre sera plus enclin à faire confiance à des stratégies de calcul dérivées du comptage, car le concept de nombre est moins présent en elles. Certains en apprenant les tables par cœur se débloquent et s'en sortent bien ensuite au CE1 (je suis parfois une partie de mes élèves). Mais quelques-uns stagnent et restent en grande difficulté en calculs. J'avoue que je ne sais pas du tout comment faire pour mieux les aider. En effet, que ça soit chez Brissiaud ou chez Baruk, les élèves qui ont des difficultés de représentation mentale du nombre sont confrontés à une grande quantité de sous-calculs, avec une méthode comme avec l'autre. On peut alors procéder à partir d'une autre approche, qui introduit un dose de par coeur pour pouvoir ensuite l'exploiter dans des autres stratégies pour retrouver, qui imposent moins de sous-calculs. Il va s'agir d'apprendre par coeur les doubles (de 2+2 à 9+9), puis : * de dispatcher 1 quand on a 1 d'écart entre les deux nombres : 6 + 7 = 6 + 6+1 = 12 + 1 * de déplacer 1 quand on a 2 d'écart entre les deux nombres : 6+8=7+7=14 * de conserver le surcomptage pour ajouter 1 et ajouter 2. * par commutativité, on met le plus grand nombre en premier, ça en fait deux fois moins à apprendre. * les "angles morts" non-couverts par cette technique correspondent à des combinaisons où les deux techniques précédentes imposent justement moins de sous-calculs, donc on peut les utiliser en complément. C'est le choix que j'ai fait dans mon logiciel "Table d'addition", qui a très bien marché avec l'élève de CE2 en grande difficulté dont je parle dans ce texte : http://astro52.com/remediation-maths.html La version windows du logiciel : http://astro52.com/dl.php?idfile=052 La démo flash en ligne pour les autres (il faut rafraichir la page régulièrement car elle plante sans arrêt, mais sans engendrer d'autres désagréments) : http://astro52.com/ta.swf
Car_a_Mel Posté(e) 11 mars 2016 Posté(e) 11 mars 2016 Et quand on a des élèves qui ne comprennent toujours pas ce qu'ils doivent faire de leurs doigts... L'année dernière, j'ai suivi Brissiaud à la lettre. Cette année, je donne des billes supplémentaires à mes élèves. Ca ressemble à ce que tu décris Astro: on essaie de calculer sur les doigts: par exemple pour calculer les grands doubles, on regroupe les 2 mains complètes et on connait le petit double qui reste à calculer. On les utilise pour les compléments à 10. Pourquoi je ne leur donnerais pas cet outil qu'ils auront toujours sur eux et qui leur servira encore et encore si tant est qu'ils n'aient toujours pas mémorisé les résultats. Bref, Picbille or not Picbille l'année prochaine
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