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Posté(e) (modifié)

Bonjour tout le monde,

Je suis actuellement étudiante en sciences de l'éducation, dans le cadre de mon cursus je dois effectuer une étude. J'ai décidé de traiter du rôle intégrateur de l'école.

Je n'ai pas réellement d'expérience de la gestion d'une classe, des élèves etc de ce fait je me tourne vers vous.

J'aimerais savoir si pour vous, l'école a toujours cette vocation de préparer les élèves à devenir citoyens, à trouver un emploi quelque soit l'origine sociale dans notre société dite "méritocratique" etc ou si aujourd'hui ça n'est plus le cas (du fait de la massification scolaire, des inégalités qui en résultent quand les enfants ne parviennent pas à répondre aux exigences de l'école).

Un très grand merci d'avance pour vos réponses qui m'aideront énormément j'en suis sûre

Bonne journée à vous

Modifié par Farah859
Posté(e)

Pas le temps ce week-end de réagir dans le détail à cette problématique (un peu large ?). Je souhaite juste te faire part des réflexions qui me sont venues en te lisant :

- affirmer que notre société soit "dite méritocratique" est très discutable. Depuis que Bourdieu est passé par là, on n'ose quand même plus beaucoup le dire...

- je trouve que tu fais un raccourci bien rapide lorsque tu écris que la massification scolaire est à l'origine d'inégalités scolaires.

A bientôt.

Posté(e)

Massification, Action de donner une dimension de masse à une activité réservée à une élite; son résultat.

Démocratisation Fait de rendre une chose accessible au plus grand nombre.

 

La massification scolaire n'entraine pas forcément les inégalités scolaires, c'est l'échec de sa démocratisation qui les accentue.

Je t'invite à lire Bentolila:

http://www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wp-content/uploads/2012/07/de_la_massification_a_la_democratisation.pdf

 

"cette vocation de préparer les élèves à devenir citoyens, à trouver un emploi quelque soit l'origine sociale dans notre société"

Je ne vois pas quelle est la vocation de l'école si elle n'est pas celle-la.

Dans les faits, est ce que l'école met l'accent sur l'éducation à la citoyenneté?

Pour te donner des exemples concrets au sein de mon école:

- un conseil des enfants qui réuni les différents délégués de classe et qui prend des décisions concrètes et effectives

- un projet d'école écocitoyen (récolte de bouchons, semaine de la propreté, Paris climat...)

- un travail approfondi et fédérateur sur les valeurs de la république (mur de la citoyenneté dans le préau regroupant les travaux de classe)

- prix académique au concours "non au harcèlement" qui a impliqué un travail commun des CM1 appuyé par l'ensemble de l'école

- un travail d'équipe sur la gestion des élèves (harmonisation des règles, des sanctions...)

Posté(e)

Non j'imagine bien que j'ai fait beaucoup de raccourcis et je m'en excuse, je me suis mal exprimée, mon sujet étant très large je m'y perds un peu ! Je vous remercie benlamp et laurence d'avoir tout de même pris le temps de répondre à mes questions.

Si vous avez le temps évidemment j'aimerais avoir quelques renseignements, j'ai 22 ans et aucune expérience de la gestion d'une classe donc je peux difficilement trouver les réponses moi même.

J'aimerais savoir si vous avez été amenés à intégrer dans votre classes des enfants Roms ou des enfants de la communautés des gens du voyage ? Si oui comment cela s'est il passé ?

Autre question, nous bénéficions dans notre pays d'une grande diversité culturelle et j'aimerais savoir si cela avait une incidence sur l'école, l'apprentissage (pour les enfants dont les parents sont d'origines étrangères par exemple et quand les enfants parlent une langue étrangère à la maison et le français à l'école, cela se ressent-il sur leur réussite/apprentissage etc ? ).

Merci d'avance à vous !

Posté(e)

Je n'ai jamais eu de roms dans ma classe. Il y a une famille avec 5 ou 6 enfants (en âge d'être en élémentaire) près de mon école mais aucun n'est scolarisé.

Au sujet de la diversité culturelle, je la vois plus comme un atout pour ma classe qu'un handicap. Elle amène une réelle richesse dans les échanges et les connaissances que peuvent partager mes élèves.

L'enjeu est de fédérer tout ce mélange autour de valeurs communes qui sont celles de l'école française: liberté, égalité, fraternité... et laïcité.

Reste le problème de la pratique de la langue française et de l'accès à la culture à la maison dans certaines familles.

Mais est-il vraiment spécifique aux familles issues de la diversité...

Je n'en suis pas sûr. Il est plus en lien avec l'importance que la famille donne à l'éducation et l'instruction de ses enfants et aux capacités qu'elle a de l'accompagner dans sa scolarité.

J'ai revu dernièrement le film "être et avoir" sur une classe unique dans le centre de la France.

On y voit une famille en train (...d'essayer...) d'aider leur enfant à résoudre une multiplication. On est loin de la diversité et les difficultés sont bien présentes.

Je comprends qu'il soit difficile de te faire une idée car tu n'es pas en contact avec l'école et ces familles.

Je ne sais pas dans quel coin de la France tu habites, mais si tu es en région parisienne, je pourrais te proposer quelque chose.

Tous les vendredis matins j'ouvre ma classe aux parents d'élèves dans le cadre d'ateliers visant à la réalisation d'un court métrage avec les élèves.

Dans le cadre de ton cursus en sciences de l'éducation (il faudrait un document officiel de ton université) tu pourrais venir observer (et pourquoi pas participer...)

à ces ateliers. tu verrais ainsi des élèves issus de la diversité en action, ainsi que des parents investis dans les projets de la classe, qui parfois maîtrisent mal le français et les codes de l'école française.

N'hésite pas à me contacter

benlamp@hotmail.com

Posté(e)

J'aimerais savoir si pour vous, l'école a toujours cette vocation de préparer les élèves à devenir citoyens, à trouver un emploi quelque soit l'origine sociale dans notre société dite "méritocratique" etc ou si aujourd'hui ça n'est plus le cas (du fait de la massification scolaire, des inégalités qui en résultent quand les enfants ne parviennent pas à répondre aux exigences de l'école).

Idéalement , j'aimerais répondre oui, dans ma pratique non.

L'école où j'exerce cumule les difficultés sans être classés ZEP. On fait vraiment de notre mieux, toutte l'équipe, avec beaucoup d'implication, malgré celà le niveau des élèves reste très faible. Celà se voit surtout à l'arrivée au collège où malgré tous nos efforts nos meilleurs élèves se retrouvent eux aussi en difficultés.

Posté(e)

Bonjour,

Merci encore Benlamp je me suis permise de vous contacter par mail.

A très vite !

  • 2 semaines plus tard...
Posté(e)

En réponse à notre conversation par mail

Je le partage aussi sur le site, cela inspirera peut être les internautes

Si tu t'appuies sur le travail de Bourdieu, il est intéressant de détailler ce qu'il entend par capital culturel (les exemples que je prends se limitent bien sûr à l'école primaire et s'appliquent à ce que je vis dans une école où tous les milieux sociaux se rencontrent):

  • dans sa forme incorporée (habitus culturel), l'école peut influer sur l'aisance sociale en contribuant, à travers sa mixité sociale, à la connaissance de l'autre dans sa diversité et à la capacité de s'adresser à tous, quelles que soient ses origines et son rang social. Il va de soi que ce capital se gagne aussi en grande partie à la maison, mais l'école est un lieu de rencontre où les codes familiaux sont cassés et où tous les enfants sont ramenés à leur condition d'élèves.
  • dans sa forme objectivée (biens culturels), l'école a une énorme rôle à jouer à travers un enseignement culturel de qualité (par exemple les projets "suivez l'artiste" cf blog). Chacun ne part pas avec le même bagage (particulièrement en musique classique...) mais c'est là que l'école doit gommer ces inégalités de capital culturel apporté par les familles. L'école doit être le vecteur d'entrée, pour les élèves mais aussi pour leur parents, dans ces lieux culturels qui semblent inaccessibles à beaucoup de familles. Cette année, nous allons passer une journée à la philharmonie de Paris, beaucoup de parents se sont portés volontaires pour nous accompagner, car ce n'est pas ces familles qui vont par eux-même aller vers cette culture "haut de gamme", c'est bien elle qui doit s'offrir à eux. Il y a 4 ans dans un dispositif "un an avec l'ensemble TM+", nous avons emmener à 2 reprises toutes les familles un samedi soir au conservatoire de Nanterre, voir un concert. Cette initiative a été largement appréciée par les parents qui pour la plupart, n'étaient jamais entrés dans une salle de concert classique. Je vais prendre l'exemple de l'initiative du Conseil à la création artistique qui a, avec le soutien de l'ACSE, amené 450 jeunes "issus des quartiers défavorisés" à apprendre à jouer du violon, violoncelle, flûte traversière... pour présenter un concert à la salle Pleyel en fin d'année. Trois de mes élèves étaient intégrés à ce dispositif. Je suis allé les voir le soir du concert, c'était magique. Les parents ont largement adhéré et sont devenu accro à cette musique. Aujourd'hui au moins deux de ces 3 filles continuent la pratique du violon.
  • dans sa forme institutionnalisée (titres scolaires)  l'école primaire ne délivrant pas de diplôme, je n'ai pas grand chose à partager. Je peux seulement te parler du combat que nous menons au quotidien pour garder à l'école publique, nos élèves. Une nouvelle école privée a ouvert ses portes à 500 m de notre école. Laïque, républicaine (montée de drapeau tous les matins au chant de la marseillaise -véridique- ... c'te blague!), 60 euros par mois, 15 élèves par classe, uniformes scolaires, visant prioritairement les familles issues de l'immigration (pas de cantine=pas de question de hallal) en gros la fuite des cerveaux. Alors nous résistons, comme nous pouvons, pour que les familles ne se laissent pas tenter par ces fausses promesses de réussite pour leurs enfants (nous avons des retours de parents qui nous disent que c'est loin d'être une réussite dans les faits). Nous avons dernièrement ouvert une catégorie sur le blog visant à monter que notre école aussi est un vecteur de réussite. L'école publique doit garder sa fonction première d'égalité des chances, et pour cela il faut que la mixité sociale ne se transforme pas en "ghettoïsation" des établissements publics au profit de soit-disant établissements républicains. Cette école doit être largement subventionnée pour proposer des tarifs aussi bas, cet argent est mal utilisé, il ne fait que renforcer les inégalités au sein même du milieu éducatif. Il pourrait être utilisé pour offrir aux familles du quartier une ouverture vers le monde de la culture plutôt que de les persuader que l'école publique ne peut pas répondre aux besoins de leurs enfants.

 

Pour Bourdieu, l’École  joue  un rôle essentiel dans la reproduction sociale, d’une génération à l’autre, elle renforce les inégalités, elle ne fait que valoriser le capital culturel de la classe "dominante" en l'opposant aux problèmes d'acculturation de la classe "dominée". L'école se réduit ainsi à un instrument de sélection sociale. Ceux qui portent un "handicap culturel" ne maîtrisent pas réellement leur destin scolaire. Pourtant Bourdieu laisse complètement de côté la culture populaire (cf La culture du pauvre, Hoggart) et la culture d'origine de ces familles issues de l'immigration. N'a-t-on pas là une mine de connaissance, qu'il faut exploiter plutôt que de la balayer du revers de la main en pensant que seul l’assimilationnisme vers la culture de cette "classe dominante" dont il parle permettra aux jeunes de réussir. Il ne faut pas non plus mention des cas de personnes issues d'un milieu culturellement défavorisé qui réussissent à l'école et inversement.
Donner plus de professeurs, de moyens, des effectifs de classe réduits aux REP est une bonne chose, mais une politique de la ville efficace qui permettrait d'intégrer ces familles dans l'ensemble des quartiers est aussi une solution pour gommer les inégalités sociales. C'est peut-être le fait de les parquer tous au même endroit qui pose problème. Bourdieu et son éducation à 2 vitesses se fait lui aussi le relai de ce clivage.

Pour répondre à ta question sur "l'école montrée du doigt face aux écoles préparatoires réservées au milieu privilégiés", la vision de Raymond Boudon mérite de s'y intéresser. Pour lui, la rentabilité immédiate des filières courtes explique pourquoi un élève issu d'un milieu modeste choisira plus facilement de s'arrêter au bac. Les inégalités scolaires et donc sociales s'expliquent par les stratégies individuelles des familles et non pas par le fonctionnement de l'école. Les familles issues de milieu modeste surestiment le coût des études et sous-estiment les avantages du diplôme alors que c'est le contraire pour celles issues de milieu privilégié. Sa solution: multiplier les bourses et lier la carrière scolaire aux résultats des élèves.

C'est sûr que l'école a sa part de responsabilité mais l’État doit lui aussi donner accès à ces filières en donnant la possibilité aux étudiants de poursuivre leurs études. Il ne suffit pas d'éclairer les esprits et de donner goût à apprendre dès le plus jeune âge. Au final, on en revient à des problèmes bassement matériels. L'accès aux études supérieures est aussi un problème de financement de ces études.

Prenons l'exemple des femmes (sans prendre en compte le milieu dont elles sont issues), il est facile de constater qu'à l'école primaire les filles ont des résultats sensiblement supérieurs à ceux des garçons et cela reste valable jusqu'au bac et même à l'université.

http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Charte_egalite_femmes_hommes/90/6/Chiffres_parite_couv_vdef_239906.pdf 

Dans le monde du travail c'est une autre histoire.

 

Sur le document que je t'ai mis en lien, ils disent qu'il faudra attendre 2070 pour avoir une réelle parité.

La comparaison est un peu rapide et assez inexacte, je ne compare pas sans réserve les milieux défavorisés aux femmes, mais un point leur est commun néanmoins, c'est l'inégalité de répartition dans les écoles supérieures. L'école est-elle mise en cause dans cette inégalité de répartition ou est-ce les choix individuels ou le fonctionnement machiste de la société qui en est responsable.

Sur le terrain, je vois des garçons, des filles issus de milieu défavorisés qui sont brillants à l'école. Est-ce seulement leur capital culturel qui va diriger leur vie, sont-ils réellement aussi passif dans leurs choix et se font manipuler par une école qui ne vaut que reproduire le même schéma social indéfiniment... Je ne le crois pas.

Je crois en l'école et en ses valeurs d'égalité et espère que mes élèves iront loin dans leurs études car ils auront compris que c'est là le meilleur ascenseur social, tout en espérant qu'après leur en avoir donné l'envie et les moyens, ils en auront la possibilité financière.

Posté(e)

Pour répondre à ta question de façon concrète car tu voudrais des exemples, j'ai deux frères dans ma classe qui sont issus de la communauté gitane, l'un ne sait pas lire, l'autre à peine. Ils  ne peuvent avoir aucune aide à la maison ( maman sait à peine lire, papa pas du tout) ils ne feront jamais appel aux aides externes ( aide aux devoirs, étude...). Quand les enfants sont en classe, ils ont beaucoup de difficultés à rester assis, à ne pas bavarder car ce ne sont pas règles qu'ils ont chez eux. Alors oui, il leur est difficile de s'adapter à un milieu qui ne pense pas comme le leur : rentrer dans le moule n'est pas toujours aisé, surtout quand on n'en a pas envie. De plus, depuis trois semaines j'ai un élève espagnol qui vient d'arriver direct dans  ma classe depuis l'Espagne ( il n'y a plus de CLIN), je ne parle pas un traître mot d'espagnol et je vois bien qu'il est frustré de ne pas pouvoir communiquer, là c'est nous qui ne l'intégrons pas... Je ne parle pas de toutes ces structures qui ont disparu ou qui manquent pour mieux intégrer les élèves ( orthophonistes pour faire des bilans?). Oui la loi sur l'intégration à l'école était ambitieuse, elle ne s'est pas donnée les moyens, sur le terrain. La bonne volonté des enseignant n'est parfois pas suffisante malheureusement... Le mot massification est abjecte en lui même, Cocteau disait : en France, l'égalité consiste à couper les têtes qui dépassent... Vive l'altérité, la pluralité et je crois que le terme "différenciation" correspond à cela dans les programmes!

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