"Faire" le programme: quelle réalité pour quels objectifs?

[MARJOPAT]

Depuis que j'ai compris que je n'arriverai pas à boucler le programme, " je me sens mieux". 

Ma priorité c'est aussi maths et français, le matin. L'après-midi, c'est réservé aux autres matières. Histoire une semaine et géographie la semaine suivante. Un peu d Emc (surtout au retour de récréation !) . Sciences toutes les semaines. Comme quelqu'un la deja dit : je fais des petites choses, beaucoup de manipulations, des expériences. Quand je manque d'idée ou de temps pour préparer, je sors ma botte secrète ... les vidéos de cest pas sorcier ! 

Un peu d'eps aussi. Plus en été qu'en hiver parce que nous n'avons pas de gymnase. 

La seule matière que je ne fais pas c'est informatique. Cest pas de ma faute, on n'est pas équipé. 

Bref, mes élèves font un peu de tout. Un petit projet par période, seule ou avec une collègue. Ils sont moyens mais ils progressent. Et, je pense, ils ont plaisir à venir avec moi dans la classe ! 

[ratatouille]

Qu'on en soit conscient ou non, l'enseignement relève d'une part de choix politique dans le sens ou l'on porte un projet de société lorsque l'on forme des élèves. Tout comme @Orime, je suis pour ma part convaincue (de part de nombreuses lectures d'articles scientifiques, d'écoute de débats,  de visionnage de reportages...) qu'il est fondamental de former des individus qui ne soient pas de simples exécutants. Tout simplement parce que la société qui se profile sera inévitablement de plus en plus robotisée et que de nombreux emplois simples ne seront plus assurés par des hommes. Resteront les emplois qui demandent de l'imagination. C'est entre autre en cela qu'il me parait absolument essentiel d'élargir l'univers des enfants, dès le plus jeune âge. Leur permettre de faire des liens entre l'histoire des hommes, la géographie des lieux, différents courants artistiques (quel dommage de ne se limiter qu'au classicisme...).  Avec - c'est capital- un volet scientifique important. Là encore, il en va de choix politiques. Je suis pour ma part effarée d'entendre régulièrement dans la bouche d'adultes des énormités de non-sens dans ce domaine. Porte ouverte à toutes sortes de superstitions et de manipulations.

Bref, clairement, il y a des domaines autres que français et maths dans les programmes et ils ne sont pas anecdotiques du tout.

[orime]

Il y a 15 heures, HYPO a dit :

Ta vision de l'enseignement du français et des maths me laisse perplexe: travailler ces matières n'est-ce-pas réfléchir, penser et aussi observer le passé (littérature)?

"Des machines à calculer", "faire des exos de conjugaison toute la journée"... tout ceci est bien réducteur (j'adorerais, cependant, que tous mes élèves deviennent, comme tu dis "des machines à calculer"☺️), il est sûr que vu ainsi, ça ne fait pas vraiment envie...mais en même temps, est-ce le but??? Je serais aussi déprimée que toi de faire classe comme ça...

Je pense que tout PE aimerait coller aux horaires, travailler toutes les "matières d'éveil" de l'anglais à l'informatique en passant par l'histoire et le sport, cela en ayant un effectif qui maitrise parfaitement toutes les techniques opératoires et qui sait débusquer tous les COD dans un texte écrit sous la dictée en maîtrisant l'orthographe de base devant être acquise à l'école élémentaire ... mais parfois ce n'est pas possible, alors on ajuste, en priorisant.

Y arrives-tu, @orime, chaque année, à "faire le programme" en intégralité? Quel est ton secret alors?

J'avoue que ta référence au CAPES me plait bien: les profs du secondaire sont des spécialistes, des experts de leur matière (histoire, maths, français, SVT, etc).

Et nous, quelle est notre spécialité, notre expertise?

Tout? On serait bien plus payé qu'eux si c'était le cas 😏

Rien, parce qu'on doit faire de tout, mais un peu 😟, le nez collé au guide du maitre?

Un peu tout et un peu rien?

Non, je crois profondément que nous devons être-sommes les experts de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, du calcul et des savoirs de base en culture générale...

 

J'exagère mon propos délibérément.

Evidemment qu'en maths ou en français, on réfléchit, on imagine...mais comme le dit dernière moi ratatouille (en mieux que moi) , je ne veux pas former des "exécutants". 

J'ai fait quelques remplacements dans des classes ou le matin c'est français, comme on a pas fini après la récréation on termine le français ensuite jusqu'à midi. Après la cantine c'est maths et comme on a pas fini non plus, on finit la journée en finissant ce qui n'a pas été bouclé. Et ça, presque toute l'année ? 

Quand j'affichais le programme au tableau "quoi ? on va faire de l'art plastique ? on va faire du sport ? mais d'habitude le sport c'est dans la récré !" #déprime. 

Je ne cherche pas à "faire le programme", c'est impossible et même nos IEN nous le font comprendre. Il faut faire progresser les élèves au maximum. 

 

[Goëllette]

Le 29/10/2018 à 10:51, cchampagne a dit :

J'arrive à tout faire mais l'expérience m'a appris à aller à l'essentiel. Finies les séances où l'élève construit son savoir avec trop de documents, finies les tâches complexes, ... je fais de l'enseignement explicite depuis plusieurs années et ça marche plutôt bien. Et en plus, je redeviens à la mode.

Ouh la vilaine ! 😋

[Babar.]

Je suis bien d'accord sur le fait qu'entre une classe où les acquis de départ sont ceux attendus, et une classe où ce n'est pas le cas, il y a d'énormes différences. De même entre une classe assez homogène et une classe hétérogène, avec des élèves en grosse difficulté scolaire, avec des troubles du comportement, allophones (rayer la/les mention/s inutile/s... ou pas).

 

J'aimerais bien savoir comment faire...

D'un côté il me semble essentiel que les enfants se sentent bien à l'école (et donc oui, on ne peut pas se contenter de faire des Maths et du Français toute la semaine, saupoudrés d'un peu d'EPS car on est bien obligé, "ça se voit" si l'on n'en fait pas ; j'exagère à peine), et d'un autre, on ne peut pas ne pas avancer dans les "fondamentaux" Maths et Français, plus les lacunes s'accumulent et plus c'est compliqué pour la suite.

Je suis donc entre deux : on ne peut pas tout faire, mais si l'on part du principe qu'on n'aura le temps de faire que des Maths et du Français, eh bien oui, on ne prendra jamais le temps de faire autre chose. Par exemple, en détaillant et en prenant le temps pour tous les sous-domaines du Français, on peut y passer 20h par semaine en CE1, je pense (ce que personne ne fait, évidemment). Donc il faut se forcer à faire autre chose que du Français et des Maths, au moins une fois par jour (j'ai parfois du mal à le faire ; pourtant mon emploi du temps me dit le contraire mais avec tout le temps passé à entrer en classe, circuler dans les couloirs et les escaliers, préparer ses affaires entre deux matières, ranger ses affaires... et réguler la classe, ce sont des dizaines de minutes qui s'évaporent chaque jour ; cela même si je cadre cadre cadre de manière répétée).

Une fois qu'on a passé une année dans un niveau, on est tout de même un peu plus à l'aise pour savoir quel temps consacrer à tel ou tel domaine.

[éowin]

Ne pas oublier que nos "exercices" sont destinés à donner des automatismes et ne sont pas une fin en soit.

Je crois que l'on ne fait pas assez de production d'écrit et de problèmes, c'est surtout à ça et aux recherches etc d'histoire, de géographie, de sciences que sont destinés tous ces exos, dictée, etc.

 

[Goëllette]

Le plus correct est de vouloir pour nos élèves ce qu'on souhaite pour nos enfants, sachant qu'en plus, nos élèves n'ont pas forcément la chance d'avoir les connaissances et la Culture chez eux.

Qu'ils passent un bon moment en classe, certes, c'est important, mais comme on ne construit pas une maison sans fondations solides, il est illusoire de penser que faire de belles leçons de sciences, d'Histoire, de géographie, ... quand on n'a pas eu le temps de terminer les bases en Français, Maths et Culture générale (orientation dans le temps et l'espace, carte de France, histoire chronologique, ...) suffira à leur donner les mêmes chances dans la vie que les autres.

[JoCool]

Il y a 12 heures, Goëllette a dit :

... il est illusoire de penser que faire de belles leçons de sciences, d'Histoire, de géographie, ... quand on n'a pas eu le temps de terminer les bases en Français, Maths et Culture générale (orientation dans le temps et l'espace, carte de France, histoire chronologique, ...) suffira à leur donner les mêmes chances dans la vie que les autres.

Dans ta signature, tu as la devise de la République. Et la laïcité.

Comment permets-tu à tes élèves de développer le sens critique, fortement lié à la démarche d'investigation (elle-même liée à la démarche scientifique) sans les sciences ? Celui-ci est garant des valeurs de la République et de la laïcité.
Comment permets-tu à tes élèves de développer le vivre ensemble sans l'EPS, l'EMC et l'histoire/géo. ? Lui aussi est un autre garant des valeurs précédemment citées.

Je ne dis pas que ce n'est pas possible, mon commentaire n'est pas une critique ou une affirmation que ce n'est pas possible. Simplement, ces matières sont les moteurs de ces enseignements, de ces valeurs fondatrices de notre société. Les faire passer par le français et les maths, je ne vois pas comment. Le sens critique avec les maths , par exemple, me semble impossible, tout comme avec le français.

Pour moi, avoir de la culture et des connaissances de base ne sert à rien si on n'a pas le sens critique et le vivre ensemble. Au contraire, si on a ces derniers, on pourra compenser les notions de base. A mon humble avis, un élève qui dispose du sens critique et du vivre ensemble fera un citoyen éclairé et sera mieux armé pour progresser dans sa vie et dans la société, même sans avoir des bases solides en français et maths à l'école, bases qu'il pourra compenser après dans sa scolarité et dans sa vie.

Je précise que l'idéal est quand même de fournir tout cela en même temps à nos élèves, connaissances de base + esprit critique + vivre ensemble. Et je rejoins d'autres ici pour dire que, même si tout n'est pas forcément faisable, avec un minimum d'organisation et de rigueur, ça doit passer dans la majorité des cas. Il est bien évident que dans certaines classes, il peut y avoir des cas exceptionnels. Et je plains les PE qui ont ces classes, car ça doit être frustrant de ne pas pouvoir tout faire.

[orime]

Ca fait du bien de pouvoir parler posément, d'exprimer clairement nos propos...

[borneo]

Pour moi, faire le programme est illusoire, car ça s'oublie très vite, que ce soit de la grammaire ou de l'histoire.

Je travaille les compétences transversales, les savoir faire et savoir être. Justement ce qui ne s'oublie pas, et qui sert toute une vie, qu'on soit maçon ou ingénieur.

Je vois parfois au photocopieur des traces écrites de collègues sur le passé simple ou les unités dal ou dam. Pffff !

[borneo]

Il y a 15 heures, violettine a dit :

Voilà! Faire des exos de conjugaison et d'orthographe, ainsi que des opérations posées, très bien. Mais le but final n'est pas de réussir à faire des exos à la chaine, mais bel et bien d'être capable de transférer tout ça et d'écrire sans erreur. Pour pouvoir écrire des choses intéressantes, il faut de la réflexion, des connaissances de culture générale, des références littéraires, etc., que nous nous devons de donner à nos élèves!

En CM2 mon fils maîtrisait parfaitement la division de décimaux par des décimaux. Du genre 12,375/0,0043.

Mais il n'avait pas acquis le sens de la division, sauf dans le cas des billes que Kévin partage avec Lola et Karim.

CQFD

[HYPO]

Il y a 5 heures, JoCool a dit :

...Comment permets-tu à tes élèves de développer le sens critique, fortement lié à la démarche d'investigation (elle-même liée à la démarche scientifique) sans les sciences ? Celui-ci est garant des valeurs de la République et de la laïcité.
Comment permets-tu à tes élèves de développer le vivre ensemble sans l'EPS, l'EMC et l'histoire/géo. ? Lui aussi est un autre garant des valeurs précédemment citées.

Je ne dis pas que ce n'est pas possible, mon commentaire n'est pas une critique ou une affirmation que ce n'est pas possible. Simplement, ces matières sont les moteurs de ces enseignements, de ces valeurs fondatrices de notre société. Les faire passer par le français et les maths, je ne vois pas comment. Le sens critique avec les maths , par exemple, me semble impossible, tout comme avec le français.

Pour moi, avoir de la culture et des connaissances de base ne sert à rien si on n'a pas le sens critique et le vivre ensemble. Au contraire, si on a ces derniers, on pourra compenser les notions de base. A mon humble avis, un élève qui dispose du sens critique et du vivre ensemble fera un citoyen éclairé et sera mieux armé pour progresser dans sa vie et dans la société, même sans avoir des bases solides en français et maths à l'école, bases qu'il pourra compenser après dans sa scolarité et dans sa vie...

J'entends ce point de vue avec lequel je suis, cependant, en total désaccord.

Développer le sens critique: +1000. Toutefois, pour moi, c'est une posture d'enseignement ou d'enseignant (comme on veut) et cela ne dépend pas des matières enseignées (programmes 2008 je crois) ... Il est complètement possible d'enseigner l'histoire, les sciences, etc. sans chercher à développer le sens critique chez les élèves (c'est comme ça qu'était enseignée l'histoire il y a 60 ans!)...

Travailler le français et les maths ce n'est pas (que) faire des exos systématiques de conjugaison, de grammaire et poser des opérations à la chaine... en blouse grise!

Bien sûr qu'il est possible d'aiguiser le sens critique, l'analyse et la réflexion avec le français et les maths, c'est essentiel même! Débattre des choix d'un héros en littérature, critiquer le comportement de certains personnages, comparer les versions livre et cinéma de contes ou romans, inventer une histoire, écouter celle des autres, s'en inspirer pour étoffer la sienne, corriger sa syntaxe pour être le mieux compris, s'interroger seul ou en groupe sur une mise en scène théâtrale sur la diction d'un texte, valider une procédure de calcul, expliquer ses choix de résolution pour un pb, gérer la coop de classe, comprendre et accepter qu'il existe différentes procédures, etc. c'est travailler le "vivre ensemble" et le "sens critique".

Même s'il est vif, excellent à l'oral en sciences, s'il a les yeux qui brillent en histoire, etc. sans avoir de bases solides en français et en maths, un élève a 90% de chances d'être en difficulté en sortant du CM2. Et d'être frustré dans la suite de sa scolarité.

Pas l'inverse. Permettre aux élèves, à tous, de savoir très bien lire, écrire, compter est, pour moi, une sorte de passeport. C'est pourquoi j'aimerais qu'on nous donne réellement le temps de bien le faire. Afin d'éviter les méprises éventuelles, je précise que j'apprécie énormément d'enseigner l'histoire en C3. Mais j'ai mis plus de 5 ans à maîtriser suffisament toutes les périodes (de la préhistoire à l'époque contemporaine) pour estimer faire travailler les élèves en leur permettant d'exercer leur esprit critique et pouvoir répondre à (presque) toutes leurs questions.

 

Il y a 2 heures, violettine a dit :

...J'ai des collègues qui apprennent à faire des opérations à la chaine à leurs élèves, mais ils n'ont pas compris le sens des opérations. Ils font des exos à la chaine aussi (quoique...à leur vitesse...ou à leur vitesse sur des photocops…) et sont incapables de transférer en dictée ou production d'écrits….

Sûrement Peut-être qu'elles.ils ne font pas assez de français et de maths pour en rendre leurs élèves capables 😊😉