pingo118 Posté(e) 10 juin 2005 Posté(e) 10 juin 2005 Bonjour à tous, Dans le stress, je cherche désespérément un site internet ou une fiche intéressante sur l'école de Jules FERRY : objectifs, lois, hussards noirs de la république... Si vous connaissez quelque chose de sympa, faites moi signe. Merci par avance et vraiment bon bon courage à tous le monde.
guppy Posté(e) 10 juin 2005 Posté(e) 10 juin 2005 j'ai trouvé ça sur internet ça à l'air complet! Lorsque l'on s'attache à regarder ce que fut l'école de la République, l'école de Jules Ferry, cette école du début des années 1880, nous sommes confrontés à des lectures différentes, celle de l'Histoire et celle de la Mémoire. Que nous a dit pendant très longtemps la Mémoire ? Que l'école laïque, gratuite et obligatoire était pour la République l'illustration et la mise en oeuvre de sa devise " Liberté, égalité, fraternité ". Qu'il s'agissait d'une rupture radicale avec le passé, d'un pas décisif dans la modernité. La Mémoire, de génération en génération, nous l'a répété à tel point que c'est devenu vérité d'évidence. Et pourtant, les historiens, lorsqu'ils travaillent et examinent documents et témoignages, ne nous disent pas cela. L'obligation scolaire, une rupture ? Non, rétorque l'historien. Ce que l'on croit n'est pas la vérité. La loi du 28 mars 1882 sur l'obligation scolaire de six à treize ans n'est que le couronnement d'un mouvement séculaire de scolarisation qui caractérise tout le XIXe siècle, comme ailleurs en Europe. Mouvement qui, paradoxalement, a été stimulé en France par la querelle entre les deux écoles - publique et privée - et entre les Républicains et les monarchistes, rivalisant dans la volonté d'attirer la jeunesse dans les établissements avec l'espoir d'influencer ainsi leur trajectoire spirituelle et politique. Ce n'est donc pas une rupture. C'est l'aboutissement d'un long processus. Les enfants sont allés à l'école avant qu'elle ne devînt obligatoire. Et, en masse, puisque plus de 80% des jeunes Français étaient scolarisés de façon régulière avant 1882. Il faut noter, par ailleurs, qu'ils n'y sont pas forcément allés davantage juste après l'adoption de la loi. Et cela pour diverses raisons. Parce que, par exemple, la loi qui interdit le travail des enfants de moins de treize ans dans les manufactures est postérieure de dix ans à la loi de 1882 sur l'obligation scolaire, et que l'obligation scolaire de six à treize ans s'accompagne d'une disposition selon laquelle on peut quitter l'école dès l'obtention du certificat d'études même si on a seulement onze ou douze ans. Mona Ozouf et François Furet, dans leurs travaux sur l'alphabétisation des Français, ont bien montré que l'absentéisme, d'ailleurs faiblement sanctionné, a perduré après l'obligation scolaire, tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Il n'y a donc pas eu de rupture, au mieux l'accompagnement d'un mouvement séculaire. La gratuité, instaurée par la loi du 16 juin 1881, reste-t-elle au moins un élément fondateur de cette école de la République ? Non, disent les historiens : à partir du moment où on a besoin du travail des enfants et qu'il n'y a pas de compensation à la perte de revenus qu'occasionne la scolarisation durable de l'enfant par rapport au travail qu'il peut accomplir aux champs et en usine, cela suscite l'absentéisme chez les plus démunis. Donc, la gratuité ne représente pas grand chose. Et d'autant moins que, en 1880 déjà, les deux tiers des enfants ne payaient pas de contribution scolaire, celle-ci étant réservée aux riches et aux gens aisés. Pire encore : la gratuité ne serait-elle pas un cadeau fait aux riches et une façon de faire payer l'école des riches par les pauvres, comme le soutenaient alors les conservateurs hostiles au projet ? La laïcité enfin. La laïcité, coeur de l'école de la République. C'est ce que nous dit la Mémoire. L'école est un lieu dans lequel on laisse au vestiaire ses convictions religieuses, culturelles, idéologiques, philosophiques pour entrer dans un espace de neutralité, de tolérance, de liberté. L'historien, lui, nous dit que la laïcité, au temps de Jules Ferry, fut un combat. Elle n'était pas un concept neutre. Bien sûr, prenant en compte le fait que la Nation française était composite, diverse, sur le plan ethnique, religieux, culturel, philosophique, son but était de faire coexister des familles différentes dans un seul corps social et de leur apprendre à vivre ensemble. Mais il n'y a pas de neutralité idéologique, politique et culturelle à l'école, en tout cas pas dans l'école de Jules Ferry. Parce que cette laïcité scolaire, c'est d'abord et avant tout, un combat de la République contre la monarchie et le cléricalisme. C'est aussi un combat de la République contre les menaces socialistes et révolutionnaires. Pour illustrer cela, il suffit d'aller voir dans les manuels scolaires. " Le tour de la France par deux enfants " de G. Bruno, " Le petit Lavisse ", ces bibles des écoliers de la République, dont nous savons qu'ils présentent une vision du monde loin d'être neutre. Le catéchisme n'a plus cours dans les salles de classe, mais on y enseigne un corpus idéologique qui contribue à asseoir le régime, la démocratie, l'économie libérale, à inculquer l'amour de la patrie, de l'ordre et de l'autorité. Alors l'école de Jules Ferry, l'école de la République, serait une mythologie? Le devoir d'histoire aurait donc ruiné définitivement les échos de la Mémoire. En sommes-nous si sûrs ? Si, après tout ce travail des historiens, nous faisons l'effort d'être attentifs à la Mémoire, que dit-elle ? Que pendant des générations et des générations, des millions de familles, en particulier dans les milieux populaires urbains comme ruraux, ont été motivées par l'instruction, que des instituteurs ont été portés par leur mission, que des réussites ont permis la promotion de fils et de filles de paysans et d'ouvriers. C'est là que la Mémoire éclaire l'Histoire. Nous avons w les faits, mais que s'est-il passé dans l'école de la République ? Les lois Ferry, qui ne changeaient pas fondamentalement grand chose, ont provoqué, jusque dans les familles les plus modestes, une mystique, un acte de foi en l'instruction. On s'est dit que jusqu'alors la naissance prédisposait à la réussite, la richesse naturellement aussi, que les deux conjugués, c'était encore mieux, mais que, désormais, avec le talent, celui qui peut sommeiller dans chaque enfant du peuple, et le travail acharné, on pouvait, grâce à l'instruction, s'élever dans l'échelle sociale. Le peuple y a w la possibilité de la réussite par le mérite, un outil de promotion, un levier pour sortir de sa condition. Les lois Ferry ont donc d'abord été une mystique de l'instruction, à laquelle le peuple a adhéré. Il a cru, et il a sacrifié aux rites qu'imposait cette foi. Plus qu'une réalité, ce qui a fondé le succès de l'école de la République, c'est le fait que celles et ceux auxquels elle s'adressait ont vu en elle un moyen de transformer l'égalité de droit en égalité de fait, un des vecteurs fondamentaux de ce qu'ils cherchaient depuis 1789, c'est-à-dire la promotion sociale par le seul talent. Là dessus, la Mémoire ne nous trompe pas. Le " moment Ferry ", ce fut d'abord cette révolution dans les têtes, cette prise de conscience collective du peuple. Et que dire des instituteurs, des " hussards noirs de la République " (Péguy), des " prophètes éblouis du monde nouveau " (Clemenceau) ? On les a beaucoup interrogés, on les a beaucoup écoutés. Souvenons-nous de " Nous, les maîtres d école ", ce livre d'appel à la Mémoire, de Jacques et Mona Ozouf. Le rôle de ces maîtres, dans la République des bons élèves, car elle se veut une République des bons élèves, est justement d'aller chercher les talents jusqu'au plus profond du pays, jusqu'au plus perdu de nos villages et, là, parmi ces enfants en blouses grises et en sabots, d'essayer de repérer celui qui a une chance de réussir. Il faudra en convaincre aussi les parents, il faudra porter ces " élus " pour que, malgré les handicaps sociaux ou culturels, ils réussissent les examens et les concours. Les missionnaires que sont les instituteurs d'alors habités par leur foi en l'instruction comme moyen de promotion du peuple, ont, par ce travail-là, accentué encore la mystique scolaire mais aussi permis à des générations d'enfants de changer de condition, d'emprunter avec succès l'ascenseur social de masse que fut alors l'école. Malgré les structures qui font que l'école de Jules Ferry n'était pas une école égalitaire (il y avait une école du peuple, une école de la bourgeoisie, il y avait l'école primaire, il y avait les lycées), en une ou deux, parfois trois générations, l'école a bel et bien joué ce rôle d'ascenseur social que véhicule la mythologie, la Mémoire de l'école de la République. Et là, la Mémoire vaut l'Histoire, à bien des égards. La figure emblématique en est le certificat d'études, qui a permis à tant et tant de jeunes enfants de ce pays de s'extraire de leur condition sociale. Bien sûr, cela s'est fait à coup de règles sur les doigts, à coups de retenues, avec une morale et des préceptes moraux qui, aujourd'hui, peuvent nous paraître désuets. Bien sûr, cela s'est fait à coup de bons points et d'images..., mais l'école a inséré les élèves dans le jeu social et leur a donné les moyens de gagner qu'ils n'avaient pas et n'auraient pas eus si elle n'était pas devenue, d'une certaine manière, la deuxième religion du peuple. Quand un Georges Pompidou, petit-fils de paysans, fils d'instituteurs, normalien, agrégé, devient Président de la République, c'est l'école publique qui accède ainsi à la plus haute marche du podium. Pourtant, dans les faits, rien n'avait fondamentalement changé. C'est dans les esprits et dans les têtes que l'école est subitement devenue une mystique politique et sociale à laquelle le peuple a cru et qui lui a permis de dépasser son horizon. Et pour que cette croyance s'enracine, on a agi sur tous les fronts. On a construit partout des écoles, monuments laïques au coeur des villages, qui incarnaient les temps nouveaux. On a formé des professionnels de l'éducation avec les écoles normales et les ENS. On a livré du matériel flambant neuf : tableaux, cartes murales, livres, pupitres, poêles... On a rénové les méthodes pédagogiques et placé au centre de tout cela le " maître d'école ", suzerain moderne destiné à être le pédagogue, l'éducateur, le tuteur des enfants qu'on lui confie. Cela encore, l'Histoire l'a souvent négligé, mais la Mémoire ne l'a pas oublié. Ainsi, la Mémoire nous aide à faire l'Histoire. Elle nous dit que la représentation que des générations et des générations de familles, d'élèves, d'instituteurs ont eu de l'école a pesé beaucoup plus lourd dans la balance que les lois qui ont fondé l'école de la République ou que les analyses quantitatives des historiens. La rupture est moins dans les faits et dans les textes que dans les têtes, dans les mentalités. Elle est dans cette mystique de l' instruction à tout prix, que tous les témoignages recueillis confirment et que les historiens, dans leurs enquêtes, sont bien obligés, à un moment, de valider. Notre mémoire collective en est imprégnée à tel point que, aujourd'hui, l'école de Jules Ferry est souvent évoquée avec nostalgie. Pourquoi l'appelle-t-on à la rescousse dans le désarroi contemporain sur l'école ? D'abord, parce que, pour beaucoup d'entre nous, elle a été un moyen de promotion sociale, parce que, pour nous, la méritocratie républicaine a fonctionné. Nous lui en gardons une secrète reconnaissance et nous voulons toujours accorder foi au pouvoir de l'école d'être encore l'ascenseur social de masse dont on peut penser aujourd'hui qu'il fait défaut à notre société. La Mémoire seule ne peut remplacer l'Histoire. Mais l'Histoire ne peut ignorer la Mémoire et elle ne peut approcher la réalité qu'en acceptant la Mémoire comme une source parmi d'autres, une source que le travail d'historien amène à critiquer et à confronter aux autres, mais sans perdre de vue qu'elle est souvent l'un des meilleurs éclairages de l'Histoire. . Jean-Michel Gaillard
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