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Entretien avec Patrick Lemoine

par M. Reynaud, Rédacteur en chef de Synapse

Patrick Lemoine

Démarrage en fanfare pour ce nouvel essai (Séduire chez Robert Laffont) de Patrick Lemoine qui décidément squatte les médias, de J.-L. Delarue à L’Express en passant par France Inter, France Culture ou Marianne. Rappelons que ce psychiatre lyonnais est un collaborateur de la première heure de Synapse. Spécialiste du sommeil et expert en psychopharmacologie, il a été Research Fellow à Stanford et chercheur associé à Montréal. Après vingt-cinq ans passés dans le public à diriger un inter-secteur au Vinatier, il vient de franchir un nouveau cap dans sa carrière et coordonne l’activité d’un groupe national de cliniques psychiatriques, tout en gardant ses charges d’enseignant et de chercheur. Patrick Lemoine a déjà publié un certain nombre de classiques parmi lesquels nous citerons Le Mystère du placebo (Odile Jacob), Le Sexe des larmes (Robert Laffont), Le Petit Guide de la scène de ménage (Marabout) ; il a dirigé la traduction de Psychopharmacologie essentielle (S. Stahl chez Flammarion) et décroché le prix du roman historique avec Droit d’asiles (Odile Jacob). Enfin, on murmure çà et là qu’un roman scientifique d’épouvante est en fin de gestation chez un grand éditeur.

Séduire.

Comment l’amour vient aux humains.

Présentation de l'éditeur

« Même “enfant de Bohème” et contrairement à ce que prétendit Carmen, l’amour connaît beaucoup, beaucoup de lois !

Car c’est là qu’interviennent tous nos sixièmes sens, de loin les plus importants… »

Patrick Lemoine, psychiatre, chercheur, écrivain, nous fait découvrir dans ces pages la véritable nature de ces mystérieux « atomes crochus » dont on parle tant, et que l’on comprend si peu...

Mettant à contribution tous les domaines du savoir, de la littérature à la science, Patrick Lemoine explore pour nous le rôle de nos sens dans l’entreprise de séduction. Égayant son exposé de très nombreux exemples, aussi divertissants qu’insolites, tirés du règne animal, il nous offre une véritable Histoire naturelle de l’amour…

Pour parfaire son enquête sur les dessous – si l’on peut dire – de la séduction, et pour déterminer ce qui attire les hommes et les femmes, Patrick Lemoine s’est livré – entre autres – à des expériences surprenantes sur les habitants de Bonifacio (on en parle encore dans la ville).

Les résultats étonnants de cette étude qui a conduit des hommes et des femmes choisis au hasard à renifler des tee-shirts sont riches en enseignements sur notre animalité latente et font partie des nombreuses originalités de cet ouvrage hors normes.

Un livre où l’on ne cesse, page après page, de s’instruire en se divertissant – le plus souvent aux dépens de ce Casanova endiablé que l’homme s’imagine être. Un livre qui ne manquera pas d’exercer sur ses lecteurs un irrésistible attrait…

L'auteur vu par l'éditeur

À cinquante-trois ans, Patrick Lemoine, psychiatre, spécialiste notamment des troubles du sommeil et de la dépression, est chef de service (Unité clinique de psychiatrie biologique) à Lyon. Il a publié Les Mystères du placebo et, aux éditions Robert Laffont, Le Sexe des larmes, dans la collection « Réponses ».

Entretien

Michel Reynaud : Patrick Lemoine, dans votre dernier ouvrage Séduire, paru chez Robert Laffont, dans la collection “Réponses”, vous tentez en 250 pages d’analyser comment l’amour vient aux humains : vous proposez en analysant sens par sens, de décortiquer les mécanismes de la rencontre, de comprendre qu’elle est la véritable nature de ces mystérieux “atomes crochus” dont on parle tant et que l’on connaît finalement si peu. Mais tout d’abord, entre séduire et aimer, n’y a-t-il pas quelques différences, l’un n’impliquant pas forcément l’autre ?

Patrick Lemoine : Non seulement les deux concepts sont différents, mais il me semble même que le plus souvent, pour les deux tiers de l’humanité, dans les cultures non occidentales, ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Pour énormément de cultures, l’amour ne vient que de surcroît, après le mariage, lequel est quasiment toujours arrangé, mais qui pour sa part implique la séduction. Celle-ci a un objectif pratique, est per et post-nuptiale et n’implique pas le sentiment. Autrefois chez nous aussi, les deux partenaires unis par les marieuses ne se voyaient pratiquement jamais seuls avant la nuit de noce. La séduction se passait donc pendant et surtout après la consommation et avait pour but d’éviter le divorce qui aurait signé l’incompétence de l’un ou l’autre des deux entraînant le déshonneur de la famille. Le Kama-Sutra comme la baguette de jade sont des exposés technico-pratiques et absolument pas amoureux, destinés à prévenir la perte de face de la jeune fille. Je le répète, l’amour n’était pas lié au mariage. Il pouvait s’y surajouter, mais pas nécessairement. C’est le plus souvent hors mariage qu’il s’installait. En Occident, la frigidité conjugale était obligatoire, l’épouse honnête se devant d’être fidèle, tout au moins tant qu’elle devait faire des enfants. Le mari ne prenait son pied avec des femmes chaudes que dans le cadre de l’adultère. Pour faire vite, on peut donc dire que séduire, aimer et faire l’amour ne sont des concepts liés qu’en Occident et depuis assez peu de temps.

M. R. : Vous évoquez par exemple, les différentes représentations du séducteur et de la femme séduisante : quels sont les différents masques de la séduction en Occident, Don Juan, Casanova, Madame Bovary, Carmen, Marilyn… ? Que représentent-ils ?

P. L. : J’ai procédé à un petit sondage auprès de mon entourage social et professionnel en posant deux questions : quels sont les deux plus grands séducteurs et les deux plus grandes séductrices de tous les temps ?

Pour les hommes, pas de problème, deux noms sont sortis à tous les coups ou presque : Don Juan et Casanova. Deux archétypes plus ou moins imaginaires et indiscutables de la séduction masculine. Séduire sans aimer ne pose apparemment pas de problème s’il s’agit d’hommes. Chez les femmes, il n’y a pas vraiment eu de consensus. Ce sont Marilyn Monroe et Cléopâtre qui au final sont sorties des urnes parce qu’elles ont chacune séduit les hommes les plus puissants de leur temps et qu’elles se sont suicidées pour terminer. Comme si une femme séductrice ne pouvait qu’avoir un destin tragique. Comme si ce comportement devait entraîner un châtiment.

M. R. : Don Juan ne s’est-il pas suicidé, lui aussi ?

P. L. : Oui et non. On peut penser que Don Juan a décidé de suivre jusqu’en enfer la statue du Commandeur car il avait enfin trouvé son maître. Le Maître en séduction. Un homme de pierre, forcément plus marmoréen que lui et donc moins susceptible encore que lui de se laisser prendre aux rets de l’amour puisque incapable par nature de s’identifier à l’autre. En effet, pour rompre convenablement, il faut d’abord ne pas se mettre à la place de l’autre, sinon, on est foutu et on se transforme en mari ! Il a donc délibérément choisi de suivre jusqu’au bout la logique infernale, pétrifiante au sens propre de la séduction sans sentiment amoureux, quitte à disparaître…

M. R. : Pourriez-vous nous détailler comment, selon vous, se mettent en place les différentes phases de la séduction ? Quelles sont les codes et rituels plus ou moins cachés ou inconscients qu’échangent un homme et une femme qui veulent se rencontrer ?

Comment par exemple, peuvent-ils se rendre compte que l’un intéresse l’autre, puis qu’ils peuvent se rapprocher et enfin, s’embrasser (étude Kendon, dilatation pupillaire).

P. L. : Les phases de la séduction obéissent souvent à un code assez précis. Il faut d’abord que les partenaires soient psychologiquement et physiologiquement disponibles. Ensuite, pour être schématique, le déroulement passe d’abord par la vue, puis par l’audition, le goût et l’odorat et enfin le toucher. Les cinq sens entrent en action selon des codes non verbaux le plus souvent non conscients bien que prédéterminés. Le genre est important. Par exemple, les hommes très visuels captent le diamètre pupillaire pour savoir si la fille est intéressée alors que celles-ci ne s’en préoccupent apparemment pas et seraient plus auditives et surtout tactiles. De plus, d’autres sens, tous les sixièmes sens, hormonaux, peut-être même phéromonaux entrent probablement aussi en ligne de compte.

M. R. : Y a-t-il un code, un déroulement interactionnel qui donne le signal pour embrasser ?

P. L. : C’est en général le type de sourire de la fille qui donne le signal au garçon selon un code très précis. Le sourire fermé ou ouvert selon que les lèvres montrent ou non les dents, que les yeux sont ou non ouverts permettent au garçon de savoir s’il peut y aller… Le baiser profond, préliminaire de l’amour physique n’est possible que si la dame l’autorise, exactement comme c’est la biche qui donne au cerf le droit de la monter après de plus ou moins longs préliminaires. Une étude réalisée par Kendon décrit la séquence exécutée par un couple d’amoureux filmé à son insu, juste avant qu’ils ne se bécotent sur un banc public. Le garçon avant d’embrasser la jeune fille procède toujours en deux temps : tourner le visage dans sa direction puis si possible se rapprocher. Mais le rapprochement n’a lieu que si la jeune fille émet un signal précis : sourire fermé : sourcils au repos, yeux ouverts, lèvres fermées, la supérieure étant souriante. Si elle adopte un sourire “ouvert” : sourcils froncés, yeux ouverts, lèvre ouverte “montrant les dents”, le garçon ne l’embrassera pas. La face de la fille est parfois “rêveuse” : sourcils levés, yeux clos serrés, lèvres ouvertes, commissures dirigées vers le bas : inéluctablement viendra un baiser long et passionné.

Une fois le baiser achevé, la jeune fille arbore une “face large” : yeux grands ouverts de l’innocence, sourcils levés, bouche ouverte, esquisse de sourire, tout en elle rappelle l’enfance, pure et naïve. Il est clair que d’un bout à l’autre de la parade prénuptiale, c’est la fille qui dirige les (d)ébats : d’abord un bon allumage, histoire de montrer de quoi elle serait capable, puis un simulacre symbolique de copulation, le baiser profond, et enfin le retour à l’innocence, histoire de désarmer la brute qui risquerait de se réveiller à force d’excitation.

M. R. : Il est toujours amusant d’observer ce que font, en pareille situation, nos amis les bêtes ; mais comment se sentir toujours humain quand il y a des similitudes tellement étranges ?

la suite ici :

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