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Groupes de besoins au collège : d’où vient l’idée, où en est-on aujourd’hui ?


Depuis deux ans, les “groupes de niveau” — rebaptisés ensuite “groupes de besoins” — ont occupé une place importante dans les discussions autour du collège. Pour certains, ils étaient le moyen de mieux aider les élèves en difficulté. Pour d’autres, ils risquaient d’accentuer les inégalités.
Mais d’où vient réellement cette idée ? Pourquoi a-t-elle été imposée si vite ? Et pourquoi parle-t-on déjà d’y renoncer ?

Retour simple sur une mesure plus complexe qu’il n’y paraît.

1. Une vieille idée qui revient régulièrement.

Les groupes de niveau ne sont pas une invention récente. Dès la fin des années 1960, des collèges ont expérimenté l’idée de regrouper les élèves selon leur niveau en français et en mathématiques. L’objectif était déjà de faire face à une réalité évidente : dans une même classe, certains élèves maîtrisent très vite les notions, pendant que d’autres ont besoin de davantage de temps, d’explications et d’exemples.

Créer des groupes plus homogènes semblait donc permettre deux choses à la fois :

  • aider les élèves en difficulté grâce à un rythme adapté,
  • aller plus loin avec ceux qui avancent plus vite.

Cette idée va revenir régulièrement dans les débats scolaires, sous différentes formes, avec différents noms.

2. Quand l’école choisit l’hétérogénéité.

Avec l’instauration du “collège unique” dans les années 1970, la France fait un choix fort : celui de mélanger tous les élèves ensemble, quelles que soient leurs origines sociales ou leurs résultats précédents.

Ce choix repose sur une conviction simple : c’est en partageant les mêmes cours que les élèves peuvent bénéficier des mêmes chances.

Mais ce principe idéal se heurte vite à la réalité :

  • les écarts de niveau restent importants,
  • certains élèves décrochent.

Par ailleurs, dans les faits, même sans groupes de niveau, des formes indirectes de tri apparaissent : options, classes bilangues, parcours spécifiques,…
L’hétérogénéité totale est donc plus difficile à mettre en œuvre qu’on ne l’imaginait.

3. Le retour des groupes : le “Choc des savoirs” (2023–2024)

En 2023, le gouvernement annonce un plan appelé “Choc des savoirs”. Parmi ses objectifs : faire remonter le niveau général des élèves, en particulier en français et en mathématiques.

La mesure phare est simple à expliquer : les élèves de 6ᵉ et 5ᵉ suivront ces matières en groupes.

Le vocabulaire change vite : au début, on parle de groupes de niveau, puis de groupes de besoins, ce qui semble plus positif. L’idée affichée est de partir des besoins de chacun, et pas seulement de ses “performances”.

Dans les textes, les groupes doivent être souples, avec des passages possibles d’un groupe à l’autre en fonction des progrès. Mais dans la réalité, cela a parfois été plus compliqué.

La mise en place des groupes de besoins a suscité beaucoup d’espoir et assurément beaucoup de questions. Les réactions sont très diverses :

  • certains enseignants y voient un outil pour aider les élèves en difficulté, avec des effectifs réduits,
  • d’autres craignent une séparation sociale, où les mêmes élèves se retrouvent dans les groupes “faibles” et portent l’étiquette.

Très vite, plusieurs difficultés pratiques apparaissent :

  • manque de salles et d’enseignants,
  • emploi du temps compliqué,
  • groupes trop chargés,
  • peu de temps pour préparer des cours différents.

Dans certains collèges, les groupes ressemblent presque à des classes classiques, mais réorganisées. Dans d’autres, les “groupes faibles” concentrent les élèves les plus fragiles, souvent ceux ayant des comportements plus difficiles à gérer.

Pour les enseignants, les conditions d’apprentissage ne sont alors pas meilleures — parfois, elles sont même plus compliquées qu’avant.

4. Les premiers bilans : des résultats décevants

Un an après la mise en place, les premiers retours institutionnels et scientifiques sont mitigés.

On constate :

  • peu d’améliorations visibles pour les élèves les plus en difficulté,
  • parfois une baisse du contenu proposé dans les groupes faibles,
  • des difficultés à maintenir des exigences élevées,
  • une perte de mixité et d’entraide entre élèves.

Quant aux élèves “forts”, ils progressent, mais cela pose une question délicate : peut-on justifier un dispositif qui profite surtout à ceux qui réussissent déjà, au risque d’enfermer les autres dans leurs difficultés ?

Autrement dit, le “choc des savoirs” ne semble pas avoir produit le “choc” espéré.

A l’automne 2025, un changement important intervient : le ministère envisage de rendre les groupes facultatifs à partir de 2026. Les collèges seraient donc libres d’organiser ou non des groupes de besoins.

Pourquoi ce changement ? Parce que :

  • la mise en œuvre a été très inégale,
  • les objectifs n’ont pas été atteints,
  • les effets négatifs ont été plus visibles que les effets positifs.

Il est donc possible que ces groupes disparaissent progressivement dans les prochaines années, ou qu’ils ne soient maintenus que dans certains établissements volontaires.

5. Et maintenant ?

Le débat est loin d’être clos. Tout le monde s’accorde sur un point : les élèves n’ont pas les mêmes besoins, et il faut leur offrir les meilleures conditions pour progresser. Mais deux modèles s’opposent :

Enseigner ensemble, avec plus de différenciation

Cela implique :

  • des pratiques pédagogiques variées,
  • du soutien dans la classe,
  • du co-enseignement,
  • des aides ciblées sans séparer systématiquement les élèves.

C’est une vision qui mise sur la richesse de l’hétérogénéité.

Créer des groupes souples, mais bien encadrés

Si des groupes existent encore, ils doivent être :

  • temporaires,
  • évolutifs,
  • exigeants pour tous,
  • animés par des enseignants formés et soutenus,
  • associés à des aides complémentaires.

Dans cette vision, ce n’est pas le “tri” qui fait la différence, mais la qualité du travail mené dans chaque groupe.

Quoi qu'il en soit, la question de fond reste entière : comment aider en même temps les élèves fragiles et ceux qui avancent vite ?

La réponse ne tient peut-être pas dans la structure des groupes, mais dans la manière d’enseigner, dans la formation des enseignants, et surtout dans les moyens donnés aux collèges pour accompagner les élèves.

Pour aller plus loin :

Les groupes de niveau : une vieille histoire

La pédagogie différenciée

Classes de niveau : variations internationales dans les regroupements d’élèves et la constitution de classes au collège

Groupes de niveau ou de besoin au collège : où est passée l’autonomie des établissements ?

« L’échec du Choc des savoirs » : 1 collège sur 5 applique la réforme des groupes de niveau

Groupe de besoins : une réforme sans effets pour les élèves les plus fragiles (rapport IGESR)

Les groupes de besoin au collège pourraient devenir facultatifs à la rentrée 2026

Vers la fin des groupes de besoins ?

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