nlm Posté(e) 2 décembre 2008 Posté(e) 2 décembre 2008 Bonjour, Tout d'abord, puisque vous entrez dans le débat avec courtoisie, permettez-moi de préciser que si je ne m'interdis pas d'être lapidaire voire polémique, c'est toujours dans le cadre du débat, et il ne s'agit pas d'attaques personnelles. Commençons l'idée de la règle : en linguistique, une règle qui fonctionne neuf fois sur dix est une très bonne règle. La maxime de Mme Charmeux est parfaitement absurde. Passons ensuite à la finalité de l'étude de la syntaxe : elle est bien évidemment multiple. Mais depuis M. Chervel, qui a montré, je crois, qu'elle a été faite en grande partie pour apprendre l'orthographe et la ponctuation. C'est souvent méprisé. Quant à moi cela me paraît une tâche des plus nobles. Elle est là aussi pour initier une réflexion sur la langue, comme vous le dites. La grammaire scolaire construite en particulier entre 1882 et 1938, qui n'est ni plus ni moins traditionnelle qu'une autre, associe la syntaxe et le sens, en les distinguant. Elle ne s'intéresse que fort peu à la notion de "circonstance", fort difficile à circonscrire. Elle parle de compléments du verbe (même quand on pourrait préférer, par souci de précision, pour certains compléments "circonstanciels" celle de compléments de proposition), directs ou indirects d'une part. Elle précise d'autre part le sens de ces compléments, quand c'est suffisamment simple : lieu, temps, cause, etc. En outre, elle s'est aperçue que la distinction entre compléments directs et indirects hors des compléments d'objet présentait un intérêt limité, et a recommandé aux enseignants de ne pas s'y attarder (hors donc les COD et COI). Enfin, elle a dû constater que la formule "complément circonstanciel de..." constituait une sorte formule magique assez rassurante pour les enfants, et s'est résolue à accepter qu'on parle de circonstanciels pour tous les compléments de lieu, de moyen... par métonymie. Elle ne s'occupe absolument pas de déplacer ou de supprimer les compléments. Ce que je dirais : il faut arrêter avec ces histoires de déplacement. Et comme cela, les règles fonctionnent : un mot qui complète un verbe en indiquant le lieu est un complément de lieu. Dès lors, pas de contradiction pour les enfants. Venons-en aux compléments d'objet. Nul n'a dit que tout verbe "exprimait" une action, au sens propre. En revanche, d'une part, commencer par dire aux enfants de cours élémentaire que le verbe exprime une action, en lui présentant d'abord des verbes où la notion d'action est évidente, afin qu'il acquière intuitivement peu à peu la notion de verbe, est tout ce qu'il y a de plus pédagogique. D'autre part, cette notion d'action, dans le domaine de la grammaire s'étend assez facilement par métonymie. De même que le sujet d'un verbe peut n'être pas le thème d'une phrase, et donc son sujet au sens propre, on continue à l'appeler sujet, sans que cela pose problème à personne. De même on dira sans difficulté que "j'ai fait l'action de recevoir une lettre"... L'objet de l'action de percer, c'est, sans problème non plus, le trou. Bien sûr qu'on peut percer un trou. Vous l'avez dit vous-même. L'objet de l'action de crier c'est bien la douleur. Quand c'est la cause, on dit "crier de douleur". Venons-en maintenant à "ressembler". Nous sommes bien là dans le domaine de la métonymie, où, comme avec le verbe "avoir", il s'agit d'autre chose que d'une action. On n'introduira donc ces objets que plus tard, quand la notion aura bien été acquise. Dès lors, on pourrait se passer de "action", mais on garderait "objet" : l'objet de la ressemblance de Luc, c'est son père. Quant au verbe "avoir" on pourra justifier éventuellement la notion d'objet en expliquant son étymologie (avoir = tenir). L'approche sémantique est certes fine, mais elle ne manque aucunement de rigueur, et les manipulations ne sont aucunement nécessaires, si ce n'est pour compliquer l'affaire. Elles permettent juste, éventuellement, de montrer qu'un groupe "déplaçable" est... déplaçable. Cela n'a rien de scientifique. Ce qui est encore moins scientifique c'est d'étayer un raisonnement par des preuves forgées de toutes pièces. "Je me suis couché longtemps de bonne heure" n'a jamais été écrit par personne sauf par des grammairiens qui veulent démontrer leur théorie. Il n'y a pas de preuve que cette phrase appartient au corpus qu'on veut étudier. Dès lors que le corpus étudié est extensible au gré de l'observateur, l'activité pratiquée n'est plus une science, mais de la prestidigitation. (Il ne s'agit pas d'un point de procédure procédurière : il y a des raisons linguistiques fortes qui empêchent d'écrire le monstre ci-dessus.) En outre ces tours de passe-passe habituent les élèves à écrire des dire des phrases en mauvais français. Anti-scientifiques, antipédagogiques, quel avantage reste-t-il aux manipulations ? Bien à vous,
housse Posté(e) 3 décembre 2008 Auteur Posté(e) 3 décembre 2008 est ce que certains d'entre vous auraient un exemple de trace écrite pour les élèves à mettre ici, que je vois comment vous la présentez?
dhaiphi Posté(e) 3 décembre 2008 Posté(e) 3 décembre 2008 En outre ces tours de passe-passe habituent les élèves à écrire des dire des phrases en mauvais français. Reste à définir ce qu'est le bon français, non ? La grammaire ne nous vient guère en aide apparemment.
chomsky Posté(e) 3 décembre 2008 Posté(e) 3 décembre 2008 Bonjour, La maxime de Mme Charmeux n'est certainement pas absurde ; bien au contraire, elle est parfaitement censée. En effet, qu'y a-t-il d'illogique à énoncer qu'une règle ne peut fonctionner quand de nombreux contre-exemples viennent la contredire ? Vous dites qu' « en linguistique, une règle qui fonctionne neuf fois sur dix est une très bonne règle. » Ah bon ? Et si elle fonctionne cinq fois sur dix, elle est moyennement bonne ? Et pourquoi neuf fois ? Pourquoi pas huit, sept... A partir de quand peut-on dire d'une règle qu'elle est bonne ? Si l'on veut être rigoureux, alors il faut bien admettre qu'une règle n'est valable que si elle fonctionne dix fois sur dix. Cela suppose qu'ue l'on précise les conditions pour lesquelles elle serait fausse. C'est bien ce que l'on fait en mathématiques, en sciences physiques, etc. Prenons par exemple le sport : il existe des règles, tout le monde se doit de les respecter. Mais dans ce cas, les règles ont été inventées par les hommes, et donc sont modifiables à volonté (cela implique le consensus). Peut-on faire la même chose en maths ou en physique ? Non bien, sûr... Et pourquoi en serait-il autrement pour l'étude de la langue ? On touche ici à la conception que l'on a de la grammaire, du but qu'on lui assigne : pourquoi je peux dire ceci (« c’est français », dira-t-on), pourquoi je ne peux pas dire cela (« ce n’est pas français »), ou « pourquoi je dois dire ceci », ou « pourquoi je ne dois pas dire cela… » On voit bien la nuance : si certains pensent que la langue doit fonctionner selon des critères établis par les hommes, bien que l'on parle sa langue maternelle avant d'en connaître les règles (ainsi les grammaires dites « traditionnelles », car elles héritent de la conception classique du « bon usage »), d'autres pensent qu'il faut considérer comme objet d'étude la langue dans toutes ses formes, sans jugement de valeur, et donc tenter de retrouver les règes qui régissent son fonctionnement. S'il existe donc des exceptions injustifiées à la règle, c'est que la règle est fausse. Et la langue évoluant continuellement, l'ensemble des règles qui la gouverne ne peut constituer un système fermé, et donc est appelé lui aussi à évoluer...… Vous écrivez que la grammaire scolaire « ne s'intéresse que fort peu à la notion de circonstance » (mais la notion apparaît déjà chez Noël et Chapsal en 1880), et « qu'elle précise le sens de ces compléments [de verbe, directs ou indirects] quand c'’est suffisamment simple » : et quand c'est compliqué, qu'est-ce qu'on fait ? Vous donnez la réponse : « En outre, elle s'est aperçue que la distinction entre compléments directs et indirects hors des compléments d'objet présentait un intérêt limité, et a recommandé aux enseignants de ne pas s'y attarder (hors donc les COD et COI) ». Autrement dit, on évite le problème... Que répondre à un enfant qui pose justement la question du rôle de ces compléments ? Que ce n'est pas digne d'intérêt ? Et pour quelle raison ? Parce qu'on ne sait pas l'expliquer ? Au contraire, il faut s'y attarder, puisqu'ils soulèvent un problème ! Ou alors, il s'agit clairement d'un refus de se remettre en question... En plus, avouer qu'on ne sait pas, c'est le début de la recherche de la vérité, et c'est ça aussi la formation du citoyen ! Vous écrivez également : « Ce que je dirais : il faut arrêter avec ces histoires de déplacement. Et comme cela, les règles fonctionnent : un mot qui complète un verbe en indiquant le lieu est un complément de lieu. Dès lors, pas de contradiction pour les enfants. » Là, il s'agit d'adapter la langue à ses propres règles, et non de retrouver la règle à l'origine du processus langagier... Car la règle est fausse : si je dis « je quitte la ville de Paris », « la ville de Paris » indique un lieu, complète le verbe quitter et pourtant est COD...… Pourquoi déplacer ? Déplacer un complément ne prouve pas seulement qu'il est déplaçable. Il s'agit de comprendre en toute objectivité le fonctionnement de la langue. Pour cela, je vais manipuler : cela permettra d'abord de repérer les propriétés syntaxiques de chaque constituant, puis de comprendre pourquoi ils sont déplaçables, effaçables ou non. Après tout, il est parfaitement légitime de se poser la question suivante : pourquoi je ne peux pas déplacer « à Paris » dans la phrase « je vais à Paris ? », alors que je peux déplacer « à Paris » dans la phrase « Il y a des manifs à Paris » (à Paris, il y a des manifs) ? Si un enfant pose cette question, que lui répondre ? Que cela n'a pas d'intérêt ? Si même les grammaires traditionnelles, influencées par les courants linguistiques, ont fini par introduire (maladroitement) les manipulations dans les manuels, c'est bien qu'elles se sont aperçues que les déplacements, effacements, etc. facilitaient le repérage des fonctions syntaxiques par les enfants !… Concernant le sujet et le thème (« De même que le sujet d'un verbe peut n'être pas le thème d'une phrase, et donc son sujet au sens propre, on continue à l'appeler sujet, sans que cela pose problème à personne »), vous confondez le thème, c'est-à-dire ce dont on parle (par rapport au « prédicat », qui désigne ce qui est dit du thème), et le sujet, au sens de fonction syntaxique dans la phrase de base (qui donne au verbe les marques morphologiques du nombre et de la personne). Pour revenir aux COD/COI, il existe quand même des verbes qui ne dénotent pas une action, même par métonymie... Et quand un verbe dénote une action, celle-ci peut très bien être exercée par un autre « actant » que le sujet : « J'ai reçu un coup de pied » : je n'ai quand même pas fait l'action de le recevoir ! De même, pour « je crie de douleur », la douleur ne vient pas du cri : je crie justement parce que j'ai mal ! La douleur ne peut pas être l'objet de mon cri, il s'agit d'une erreur de logique…! Enfin, concernant le corpus : encore une fois, mon but est de comprendre comment fonctionne la langue. Mon corpus est donc la langue française, dans toutes ses formes (et pas seulement la littérature), donc toutes les phrases grammaticalement correctes qu'il possible de former. Et ce n'est pas de la prestidigitation, c'est du bon sens ! Si j'exclue certaines phrases parce qu'elles ne me plaisent pas, ou parce qu'elles n'ont pas été écrites par de grands écrivains, alors je ne réponds pas à mon objectif, et les règles que je dégagerais seront fausses ou incomplètes. Je n'ai donc aucune raison de m'interdire de formuler la phrase « Je me suis longtemps couché de bonheur ». Il s'agit en effet d'exploiter toutes les possibilités de la langue pour mieux comprendre les propriétés syntaxiques de chaque constituant... Et d'ailleurs, quelles sont « les raisons linguistiques fortes » qui m'empêchent « d'écrire le monstre ci-dessus » ? Je suis bien curieux de les connaître...… « En outre ces tours de passe-passe habituent les élèves à écrire des dire des phrases en mauvais français » : nous revoilà donc avec ce vieux débat qui oppose le bon français au mauvais français. Qu'est-ce que le bon français ? Qu'est-ce que le mauvais français ? Quels sont les critères qui permettent de distinguer l'un de l'autre ? Et surtout, pourquoi appliquer des jugements moraux à la langue ? Ce ne sont que des critères subjectifs qui ne peuvent déboucher sur un consensus... Pour conclure, nous voyons bien que nous ne parlons pas de la même chose : je vous parle de grammaire descriptive, vous me parlez de grammaire prescriptive, normative... Mais le véritable « bon usage », comme l'écrivent les auteurs de la Grammaire méthodique du français, " consiste à choisir celui des français « tel qu'on les parle » qui correspond à la situation de discours, au statut respectif des interlocuteurs et à leurs intentions communicatives." Chomsky PS: pour répondre à housse, je peux t'envoyer quelques pages du livre de Carole Tisset "Observer, manipuler, enseigner la langue au cycle 3" si tu le désires...
housse Posté(e) 3 décembre 2008 Auteur Posté(e) 3 décembre 2008 chomsky, oui, je veux bien les pages dont tu parles, merci. je t'envoie mon mail en mp au cas où elles soient trop lourdes pour être mises ici
nlm Posté(e) 3 décembre 2008 Posté(e) 3 décembre 2008 En outre ces tours de passe-passe habituent les élèves à écrire des dire des phrases en mauvais français. Reste à définir ce qu'est le bon français, non ? La grammaire ne nous vient guère en aide apparemment. En effet. Bien envoyé. Vous remarquerez aussi que l'homme a laissé une faute de ponctuation juste au moment où il parlait de ponctuation. Et de deux.
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