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La République, ses bâtisseurs et ses fossoyeurs…


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"Si je n’étais pas professeur, si je n’avais pas vu ce matin le Directeur de l’école où je travaille s’adresser aux élèves en prenant sur les épaules cette responsabilité d’être, pour toute notre communauté scolaire, le représentant de la République, j’aurais sans doute pensé, comme beaucoup, qu’elle n’est plus – cette République - qu’ une vieille statue, un totem, que l’on acclame par intermittence, que l’on convoque aux décorations des corrompus et aux enterrements des innocents.

Car, à l’heure où ses ennemis traditionnels les plus opiniâtres se sont permis de lui voler son nom, à l’heure où son président ne se tourne vers elle – à travers le parlement - que pour s’octroyer davantage de pouvoir et détourner jusqu’à la raison d’être de notre Constitution, à l’heure où des ministres de cette République, en voyage à l’étranger, insultent leurs compatriotes syndicalistes, à l’heure où le peuple est exposé à la violence d’une société qui ne répond plus qu’aux impératifs de l’actionnariat, à l'heure enfin ou le suffrage même s'est vidé de toute promesse, A cette heure donc, nous sentons bien que nous serons bientôt conviés à défiler sous des badges et que d’aucun diront opportunément: "Regardez cette foule! c’est

l’égalité la liberté la fraternité!"

Mais nous savons bien que cette foule est un masque d'apparat et qu’elle cache une société où il est difficile de faire vivre ces valeurs de la République. Avant, donc, que le masque ne tombe - et il tombera car nous nous lasserons des slogans et des défilés à force de compter les morts - voyons ce que nous pouvons faire pour que ce qu’il cache aujourd’hui n’aie pas, demain, le visage hideux de la haine. J’emprunte la grandiloquence romantique d’un Victor Hugo car beaucoup de politiques aujourd’hui me semblent petits quand la République se nourrit de grandeur.

Heureusement, quand, ce matin, le Directeur a parlé aux enfants de liberté, d’égalité et de fraternité, j’ai vu la République se bâtir et il y avait de la grandeur dans cette cérémonie. Cette cérémonie où le seul véritable mensonge ne fut dit que par l’impérieuse nécessité de laisser aux enfants leur enfance.

Vendredi, Daech nous a frappés, et quand les petits fonctionnaires n’ont pas tremblé les autres ont fait vaciller tout l’édifice en voulant changer rien moins que la Constitution même de notre République. Beau cadeau pour des terroristes! Où donc est le courage, où donc est le travail à mener où donc est la grandeur dont la République a tant besoin?"

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Lettre ouverte à François Hollande : "Vous êtes tombé dans le piège, Monsieur le Président"

dim. 15/11/2015 - 12:47 David Van Reybrouck (traduction Eric Steffens) L’historien et écrivain flamand David Van Reybrouck publie ce dimanche sur le site de la VRT (deredactie.be) une lettre ouverte adressée au Président français François Hollande. Il estime que la terminologie "d’acte de guerre" utilisée par le président de la République dans son discours de samedi est particulièrement imprudente.

"Ce qui s’est produit hier à Paris et à Saint-Denis près du Stade de France est un acte de guerre et face à la guerre, le pays doit prendre les décisions appropriées. C’est un acte de guerre qui a été commis par une armée terroriste, Daech, une armée djihadiste, contre la France, contre les valeurs que nous défendons partout dans le monde, contre ce que nous sommes : un pays libre qui parle à l’ensemble de la planète. Un acte de guerre préparé, planifié, depuis l’extérieur avec des complicités intérieures. Un acte de barbarie absolue" a déclaré le Président Hollande.

Dans sa lettre ouverte, David Van Reybrouck écrit partager entièrement la dernière phrase du président mais que le reste de son discours est la répétition presque mot pour mot de ce que le président américain G.W. Bush déclarait peu après les attentats du 11 septembre devant le Congrès : "Le 11 septembre, les ennemis de la liberté ont commis un acte de guerre contre notre pays".

Les conséquences de ces paroles sont connues. Celui qui en tant que chef d’Etat qualifie un événement d'acte de guerre doit avoir une réaction en conséquence. Cela a conduit à l’invasion de l’Afghanistan, ce qui peut encore être justifié puisque ce régime avait donné asile au mouvement Al Qaïda et que l’ONU avait donné son accord. Mais ensuite ce fut l’invasion complètement folle de l’Irak, sans mandat de l’ONU, simplement parce que les Etats-Unis soupçonnaient ce pays de posséder des armes de destruction massive. Mais il n’y en avait pas, et cette invasion a conduit à une totale déstabilisation de la région, aujourd’hui encore. Après le départ des troupes américaines en 2011, il y eut un vide de pouvoir.

Et lorsqu’éclata quelque temps après une guerre civile dans la Syrie voisine, dans le sillage du Printemps arabe, on s’est rendu compte à quel point l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis avait été néfaste. Au Nord-Ouest de l’Irak et à l’Est de la Syrie, il y avait à présent assez d’espace pour la création d’un troisième acteur sur le terrain, l’Etat Islamique, l’IS.

"En résumé, sans la stupide invasion de l’Irak par Georges Bush, il n’y aurait jamais eu d’Etat islamique. Nous étions des millions dans le monde à manifester contre cette invasion, j’y étais aussi", écrit David Van Reybrouck, et nous avions tout simplement raison. Non pas que nous pouvions lire l’avenir. Mais à présent c’est clair : ce qui s’est passé vendredi soir à Paris est une conséquence indirecte de la rhétorique guerrière de votre collègue Georges Bush en septembre 2001.

Et que faites-vous de votre côté ? Comment réagissez-vous moins de 24 heures après les attentats de Paris ? En utilisant exactement la même terminologie que votre homologue américain de l’époque.

Vous êtes tombé dans le piège, les yeux grands ouverts, Monsieur le Président, parce que des élections se profilent, en France, et que vous sentez dans votre cou le souffle de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen. (…)

Votre analyse d’une armée terroriste n’est pas correcte. Le terme que vous utilisez d’acte de guerre est particulièrement tendancieux, même si cette rhétorique guerrière est reprise de manière éhontée par Mark Rutte aux Pays-Bas, et par Jan Jambon en Belgique.

Dans votre tentative d’apaiser la nation, vous rendez le monde moins sûr. Dans votre tentative d’utiliser un langage belliqueux, vous avez montré votre faiblesse. Il y a d’autres formes de fermeté que le langage guerrier. Après les attentats en Norvège, le Premier ministre Stoltenberg avait appelé à plus de démocratie, à une plus grande ouverture et plus de participation. Dans votre discours vous avez cité la liberté. Vous auriez dû aussi faire référence aux deux autres valeurs défendues par la République : l’égalité et la fraternité. Deux valeurs dont nous avons plus besoin en ce moment que de votre inquiétante rhétorique guerrière".

David Van Reybrouck est l'auteur de "Congo, une histoire" chez Actes Sud, pour lequel il a obtenu le Prix Médicis Essai 2012.

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