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Posté(e)

Bon, j'essaie de te comprendre... Et je n'y arrive pas. En fait, quand je te lis, j'ai plutôt l'impression que tu apportes des arguments pour l'enseignement de l'orthographe modifiée

 

Je distingue absolument le point de vue de l'enseignant individuel et celui des institutions.

 

Pour moi, le rôle de l'enseignant de français, aussi bien au primaire qu'au secondaire, est avant tout de permettre à ses élèves de s'approprier le merveilleux outil qu'est notre langue. Or s'approprier une langue, c'est bien sûr acquérir la maîtrise des règles communes, mais c'est aussi savoir qu'on peut jouer avec, et transgresser ces règles, chacun à son niveau. Donc, oui, s'il a lui-même assez de recul, l'enseignant a sans doute tout intérêt à s'approprier lui-même la dernière réforme à la mode, à jouer avec, ne serait-ce que pour montrer à ses élèves que c'est possible. C'est très ambitieux.

 

Le rôle de l'institution est de s'assurer que chaque élève aura sinon les moyens de cette appropriation — à l'impossible nul n'est tenu, même les politiques — du moins une chance raisonnable d'accomplir son potentiel dans ce domaine. C'est de rendre possible cette ambition. Or, après beaucoup d'autres, la réforme qu'on nous propose est le contraire même de l'ambition éducative : il s'agit, pour répondre à la difficulté croissante de transmission de la langue, de renormaliser l'objectif, d'imposer aux enseignants d'en transmettre une version affadie, de substituer à un idéal de maîtrise et de recul vis-à-vis de la langue la soumission à une norme arbitraire et administrative.

 

J'aimerais me faire comprendre sur ce point, sur le fait que votre prise de position est trop tranchée pour être objective, à mon sens. Dans ma classe j'explique les différences et je laisse faire les deux (...)

 

Je ne crois pas, donc. Je n'ai absolument pas de position tranchée sur ce qu'un enseignant doit faire dans sa classe, qui relève pour moi de sa liberté pédagogique.

 

En revanche, j'en ai effectivement une sur les limites des prérogatives gouvernementales. En l'occurrence, en matière de langue, c'est très clair pour moi : le pouvoir politique n'en a strictement aucune, et n'a en aucun cas à se mêler de modifier la langue, qui relève du patrimoine commun.

(d'un point de vue technique, la Constitution, qui détermine précisément ces prérogatives, dit dans son article 2 : « la langue de la République est le français. » ; ce qui n'est pas du tout la même chose que « la langue de la République est fixée par décret du gouvernement. » (ou par un vote de l'Assemblée nationale, ou de n'importe quelle autre façon : c'est le français, point final !)

 

 

Donc...Ces enseignants qui refusent de montrer ces modifications ET qui pénalisent les élèves qui écriront ognon, ce n'est pas ce qu'ils font ? Imposer ce que doit être la langue à tous ?

Permettre d'inventer les outils de l'avenir, ok, mais lorsqu'ils sont inventés comme là, "on" les refuse en bloc.

 

Un enseignant doctrinaire qui "refuserait en bloc" une réforme et "pénaliserait" un élève qui aurait une autre vision de la langue que la sienne serait un mauvais prof, j'imagine que personne ici n'en doute.

 

Il me semble évident que la question n'est pas de savoir comment on écrit |oignon|. Un élève facétieux qui connaît les deux graphies, a une idée du débat en cours et s'amuse à provoquer son prof en choisissant délibérément celle qui le fera râler est déjà sauvé, du point de vue de son rapport à la langue. Ensuite, à chacun sa pédagogie et sa façon de lui répondre — une forme de "pénalisation" pouvant tout à fait constituer une réponse adaptée parmi d'autres, tant qu'elle s'inscrit dans le jeu. A ce stade, seule la bêtise est rédhibitoire.  

 

 

et la vision de ceux qui, comme l'Académie, considèrent que la langue appartient à ses locuteurs (et les valeurs de la république aux citoyens, etc.) et se contentent de prendre acte du mieux possible de l'usage commun.

Mas l'usage commun ne peut pas se faire sans cohésion, sinon chacun va écrire comme il l'entend. Et les locuteurs ne sont pas les enseignants seuls.

 

"L'usage", au sens où l'entend l'Académie — une institution passablement élitiste ! —, ce n'est pas le caprice de chacun, c'est la leçon des meilleurs praticiens de la langue. Lorsqu'un gamin fait un usage fautif de la langue, il commet une faute, il n'est pas (ou si rarement !) en train d'inventer je ne sais quel usage nouveau. Lorsqu'un instit se laisse aller à un solécisme, il commet un solécisme, point. Mais lorsqu'un écrivain important, qui n'a plus à prouver sa maîtrise de la langue, invente un néologisme ou une forme nouvelle, voire s'autorise une forme réputée fautive, cette nouveauté suffit à légitimer leur reprise par des locuteurs cultivés, dans la mesure où cela peut constituer une citation, explicite ou implicite ; et lorsque suffisamment de gens honorables le répètent pour que l'Académie en prenne note, on peut parler d'un usage nouveau, et légitime. De même, lorsque suffisamment de gens réputés représentatifs et cultivés se mettent d'accord pour employer un terme dans une acception nouvelle — disons, la corporation médicale, pour décrire un concept nouveau — l'Académie peut prendre acte de cet usage nouveau.

 

Mais il s'agit bien de prendre acte d'une évolution, en effet pour garantir un minimum de cohésion, en aucun cas de forcer l'adhésion de tous au caprice de quelques-uns, même en position d'influencer des décrets ministériels...

 

Au passage je n'adhère pas du tout à "l'usage doit précéder la norme". Cela fait plusieurs fois que je lis ça et j'ai vraiment du mal. 

Actuellement l'usage c'est d'écrire "sa va" : donc on doit s'attendre dans quelques années à modifier cette règle ? 

 

Non, donc. "Sa va" me semble devoir rester durablement une faute de français...

 

 

J'ai lu que l'académie n'était pas contente de ces changements non? Donc on a dans l'EN des gens plus calés en orthographe que l'académie?

 

Absolument. Tu mets le doigt sur le nœud du problème : ce n'est pas vraiment une question de langue — oignon ou ognon, tout le monde s'en fout un peu, au final — mais bien un enjeu de pouvoir : qui décide ?

 

Au niveau du MEN, c'est un élément parmi d'autres d'une stratégie de prise progressive de pouvoir sur les esprits, qui passe aussi bien par la "chasse aux stéréotypes" (pas tous les stéréotypes, évidemment : juste ceux qui déplaisent au Ministre, à remplacer par de "bons" stéréotypes bien-pensant), par la redéfinition de termes comme "laïcité" (qui, d'une ardente obligation de neutralité pour l'Etat devient une limitation de la liberté d'expression des simples citoyens), ou encore par la redéfinition des "valeurs de la République" et la revendication d'un pouvoir d'arbitrage entre bonnes et mauvaises interprétations de ces valeurs, etc.

 

Et un cran en-dessous, il s'agit d'une lutte d'influence entre lobbies au sein même de l'EN : celui qui démontre sa capacité à influencer, au-delà même des programmes, l'objet même qu'il s'agira d'enseigner, devient incontournable, et se met en position de placer ses copains au Ministère et à l'Université. Après les différentes thématiques chères aux sciences de l'édu, c'est au tour de la langue...

Posté(e)

Réponse de Najat Vallaud-Belkacem à Hélène Carrère d'Encausse

 

Enfin, "réponse", si on veut. Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuelle de l'Académie française, apostrophait es qualités le gouvernement sur deux points : 1/ il ne doit pas être question d'imposer une "simplification" de l'orthographe par voie autoritaire et 2/ "l'écroulement" de notre système éducatif, qui changerait "radicalement" la donne.

 

Pas l'ombre d'un écho à ces préoccupations dans la réponse de NVB-Calimero, qui se contente de jouer les étonnées : si "la position de votre institution quant aux rectifications orthographiques" a évolué, faites-le moi savoir. Ben non. Ce n'est pas la position de l'Académie qui a évolué, c'est l'autoritarisme du Ministère et le niveau orthographique des élèves (et peut-être même, parfois, des maîtres...) qu'elle perçoit, à tort ou à raison. Et comme notre ministre est loin d'être bête et sait parfaitement lire, elle, sa réponse est une fin de non-recevoir : les points soulevés par l'Académie ne sont pas du ressort de cette dernière, point final.

 

Aucun gouvernement n'aime les contre-pouvoirs. Mais celui-ci ne fait même pas semblant de les respecter.

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Réponse de Najat Vallaud-Belkacem à Hélène Carrère d'Encausse

 

Enfin, "réponse", si on veut. Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuelle de l'Académie française, apostrophait es qualités le gouvernement sur deux points : 1/ il ne doit pas être question d'imposer une "simplification" de l'orthographe par voie autoritaire et 2/ "l'écroulement" de notre système éducatif, qui changerait "radicalement" la donne.

 

Pas l'ombre d'un écho à ces préoccupations dans la réponse de NVB-Calimero, qui se contente de jouer les étonnées : si "la position de votre institution quant aux rectifications orthographiques" a évolué, faites-le moi savoir. Ben non. Ce n'est pas la position de l'Académie qui a évolué, c'est l'autoritarisme du Ministère et le niveau orthographique des élèves (et peut-être même, parfois, des maîtres...) qu'elle perçoit, à tort ou à raison. Et comme notre ministre est loin d'être bête et sait parfaitement lire, elle, sa réponse est une fin de non-recevoir : les points soulevés par l'Académie ne sont pas du ressort de cette dernière, point final.

 

Aucun gouvernement n'aime les contre-pouvoirs. Mais celui-ci ne fait même pas semblant de les respecter.

 

 

Plusieurs journalistes ou blogueurs  ont prouvé que Carrère d'Encausse a raconté pas mal de bêtises, notamment en disant que l'Académie n'avait jamais approuvé cette "réforme" de l'orthographe. Et que donc si la position de l'Académie a évolué.

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Plusieurs journalistes ou blogueurs  ont prouvé que Carrère d'Encausse a raconté pas mal de bêtises, notamment en disant que l'Académie n'avait jamais approuvé cette "réforme" de l'orthographe. Et que donc si la position de l'Académie a évolué.

 

Peu importent les jésuitismes. Les deux, gouvernement et Académie, ont mouillé, de près ou de loin, dans cette "simplification" de la langue. Peu importe que Carrère d'Encausse ou d'Ormesson aient du mal à admettre qu'ils ne sont pas parfaits. C'est maladroit, ça  donne des munitions aux spin doctors du  gouvernement pour alimenter la fausse polémique médiatique, mais ce n'est pas l'essentiel (d'une façon très générale, lorsque ce gouvernement est en difficulté, il faut regarder partout sauf là où les médias aux ordres braquent leurs projecteurs...)

 

Ce qui devrait importer à ceux qui sont attachés à la langue française, c'est que l'Académie, dont le principal rôle, sinon le seul, est de la protéger, nous met en garde contre l'action du gouvernement à l'égard de notre langue. Et que celui-ci, comme d'habitude, est tellement certain de son bon droit et de la légitimité de ses préjugés qu'il n'envisage même pas de reconsidérer cette action : ce sont les critiques qui sont, par essence, ringards, forcément ringards, ou de mauvaise foi, ou malintentionnés. Mal informés, au minimum minimorum, les jours de grande indulgence !

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Le Conseil supérieur des programmes pouvait-il seulement supprimer le cadre de l’orthographe rectifiée ? Si l'orthographe recommandée ne figurait pas dans les programmes 2016, que devrait alors faire à la rentrée un enseignant qui jusque là se conformait aux IO 2008 présentant l’orthographe révisée comme étant la référence ? On peut y voir ce qu’on veut : manœuvre politico-médiatique ou passage en force d'un gouvernement aux abois. On peut même y voir une simple continuité, le choix logique d'une instance qui a rédigé ces programmes indépendamment de toute considération politique.

Posté(e)

Le Conseil supérieur des programmes pouvait-il seulement supprimer le cadre de l’orthographe rectifiée ?

 

Pour moi, il serait aussi absurde de "supprimer" les tolérances désormais acquises, à tort ou à raison, que de promouvoir un soi-disant usage qui n'en est pas encore un.

 

 Si l'orthographe recommandée ne figurait pas dans les programmes 2016, que devrait alors faire à la rentrée un enseignant qui jusque là se conformait aux IO 2008 présentant l’orthographe révisée comme étant la référence ?

 

Il se trouverait confronté aux affres d'un double standard, comme les autres. C'est l'une des raisons pour lesquelles on n'a presque jamais intérêt à trafiquer la langue. Et, comme par le passé, ses choix relèveraient de sa liberté pédagogique, la pression médiatique et un mécontentement parental gratuit en plus.

 

On peut y voir ce qu’on veut : manœuvre politico-médiatique ou passage en force d'un gouvernement aux abois. On peut même y voir une simple continuité, le choix logique d'une instance qui a rédigé ces programmes indépendamment de toute considération politique.

 

Au-delà des considérations politiques, une forme d'inertie a sans doute joué un rôle, en effet : aucune institution n'aime se dédire, et ce genre de Conseil tendra naturellement à privilégier, envers et contre tous, la "continuité" ou la cohérence interne à l'évaluation de ses décisions passées. C'est le vieux paradoxe du conservatisme des réformateurs...

Posté(e)

Je ne sais pas trop si cette modification de l'orthographe a pour origine des considérations politiques ou des linguistiques trop zélés mais je suis à peu près sûre de deux choses:

- cela n’empêchera pas les élèves de continuer à faire des fautes d'orthographes. Une année, j'ai noté chez mes CM1 12 façons phonétiquement correctes d'écrire le mot aujourd'hui. Va-t-on toutes les considérer comme correcte?

- Les élèves font beaucoup de fautes parce que souvent, ils complexifient l'orthographe du mot. Peut-on être serait-il plus judicieux de mettre plus l'accent sur les règles courantes de l'orthographe française pour que les élèves appliquent plus facilement les usages courants plutôt que de penser qu'il n'y a que des exceptions?

- Cela va nous demander deux fois plus de travail. Lorsque d'une correction des expressions écrites, pour chaque faute, il va falloir que j'aille vérifier s'il n'y a pas de nouvelles orthographes (orthografes??) sur ce mot.

  • 1 année plus tard...
Posté(e)

Je suis en maternelle et du coup je ne m'étais pas penchée plus que ca sur la nouvelle orthographe.

sauf que hier soir au détour d'une conversation avec mon fils ( je venais de lui dire qu'il lui faudrait perdre une mauvaise habitude) le voila qui me répond :" ah oui comme avec les accents circonflexes! La maitresse nous a dit aussi qu'il fallait qu'on perde l'habitude de mettre des chapeaux pointus sur les i et sur les u, comme surle i de maitresse."

 

quelle n'est pas ma stupéfaction !!

qu'on enseigne plus de mettre un accent circonflexe, bon ok admettons mais d'interdire ( perdre l'habitude, comme si c'était quelquechose de mal) d'en mettre , c'est un peu fort, non? 

On est bien d'accord, ces nouvelles orthographes ne sont pas obligatoires? Si ? Je veux dire , on n'est pas hors la loi si on écrit " à l'ancienne" .

Posté(e)

lol ! Et bien si on doit enseigner de ne plus en mettre, ça revient un peu à interdire de le faire, non ?

Nous sommes tenus d'enseigner la nouvelle orthographe donc je pense que dans le cadre de la classe un ^sur le i peut être considéré comme une faute, mais en dehors, l'ancienne orthographe n'est pas considérée comme fausse. Les adultes n'ont pas à désapprendre l'ancienne, mais les écoliers doivent apprendre la nouvelle selon les textes.

Enfin, c'est comme dire que la Vienne fait partie du Poitou Charente, finalement. Maintenant, on dit "Nouvelle Aquitaine" :lol:

  • 2 semaines plus tard...
Posté(e)

Les mots que j'utilise pour les dictées sont les mots que mes élèves rencontrent dans les textes que l'on étudie : ils les lisent les voient régulièrement et en même temps on les utilise dans les écrits (dictée production d'écrit) :  je ne me vois pas leur faire apprendre un mot d'une façon et qu'ils la lisent d'une autre.  Comment leur faire apprendre la nouvelle orthographe alors que hors de l'école rien n'a changé , que ce soit dans les livres (je ne parle pas des manuels) où dans le monde qui nous entoure. 

Posté(e)

DoubleR, dans Cléo ils utilisent la nouvelle orthographe. Donc tu ne fais jamais de photocopies du manuel ? Parce que moi, si, au début j'ai expliqué qu'il y avait une nouvelle orthographe (petit soldat qui suit ce qu'on lui dit) puis je me suis retrouvée à utiliser des manuels "anciens" (2010 !) avec l'autre orthographe, et là je me suis retrouvée bien ennuyée à expliquer les différentes orthographes... Le fichier Cap Maths aussi utilise la nouvelle orthographe (mais à part dans les problèmes où l'on trouve boite et maitresse, ça ne change pas beaucoup !). Du coup j'accepte les 2, mais c'est compliqué ! et je ne connais pas tous les changements d'orthographe ! Au final, ça ne concerne pas tant de mots que ça, mais... ça me chiffonne quand même cette nouvelle orthographe !

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