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Redoublement : talon d'Achille de la réussite éducative?


Yann 93

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Cette année de T1 est une année de découverte, et après avoir vécu bien des déboires, je réalise à quel point le processus des redoublements est un facteur supplémentaire de difficulté pour les enseignants dans leur mission.

Je commence ma carrière avec un double niveau ce1-ce2, je suis PE dans le 93 (j'ai choisi ce département), et le niveau général est plutôt faible. On m'avait assuré en me proposant ce poste que les élèves auraient un bon niveau, et je me suis rendu compte que j'avais en fait 3 élèves non lecteurs (pour les maths, c'est pareil...), après 7 mois, l'une des élèves a commencé à lire, mais elle est passé à côté de tout le travail sur la grammaire, le lexique... reste 2 élèves qui en sont toujours à des balbutiements, pour qui, l'encodage est un phénomène inexplicable, et ma directrice me dit qu'ils doivent passer en ce2, qu'ils ont jusqu'à la fin du cycle pour apprendre à lire, que l'IEN n'acceptera pas le dossier de maintien. La directive ministérielle est très dissuasive; un seul redoublement possible en élémentaire et un encouragement à pousser les élèves vers le lycée pour y redoubler (éventuellement), l'idéologie, le mythe de la classe d'âge qui atteint le baccalauréat.

Derrière la question légitime du bien être de l'élève, il y a la réalité non moins importante du groupe classe. A l'INSPE et dans les livres en général on nous préconise d'être premièrement attentif aux élèves en difficultés, très bien, c'est moral, ça correspond à notre mission, à notre vocation. Mais la question des moyens est prégnante, comment apporter aux élèves en moyenne difficulté tout les temps et l'énergie dont ils ont besoin, comment donner à ceux qui sont dans la moyenne, à ceux qui ont des dispositions, le support pour leur apporter ce coup de pouce du destin qui leur permettra d'atteindre le niveau des élèves venant de zones d'éducations sans difficultés majeures, et avec ceux qui vivent dans des quartiers aisés.

Je me pose encore la question de savoir comment des collègues ont pu faire passer mes trois élèves en ce1. La pression des IEN est réelle et leur décision sans appel, mais dans quel intérêt? S'agit-il vraiment de celui des élèves? Pour tirer les élèves du 93 vers le haut, pour aider les meilleurs à faire jeu égal avec le reste de la société, est-il admissible que des tels freins soient permis?

Le principe d'inclusivité est un principe intellectuellement séduisant, mais quand dans une classe, il y a 40 à 60% d'élèves en difficulté, peut-on tirer le niveau vers le haut?

Est-ce que l’hétérogénéité est par nature facteur de réussite?

Moi je pense que non, que l'inclusivité à ses limites dans le nombre d'élève à aider. Je suis volontaire pour ne me consacrer qu'à des élèves en difficulté, mais  je ne pense pas que dans les conditions actuelles, avec de tels niveaux de lacunes, il soit possible que l'école soit un facteur d'égalité sociale. Si les élèves ont jusqu'à la fin du cycle 2 pour apprendre à lire, pourquoi ne pas les laisser en CP c'est la classe des bases de l'écriture et de la lecture, quitte ensuite à leur faire sauter des classes...

Je pense qu'il faudrait plus d'homogénéité, et si les redoublements ne sont pas possibles, orienter les élèves vers des enseignants spécialisés. Et vous?

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Moi je pense que le redoublement est à utiliser avec beaucoup de discernement car il n'est utile et bénéfique pour l'élève, que dans très peu de cas.

Un.e élève pour qui "l'encodage est un phénomène inexplicable" est très certainement un.e élève en difficulté psycho-affective et/ou à handicap. Faire redoubler cet.te élève, à mon sens, ne sert à rien d'autre qu'à lui voler une année de vie, pour rien, si aucun suivi psy ou autre n'est mis en place.

Il semble que des études confirment cette inefficacité relative du redoublement (ici, page 17)

J'enseigne en CM2. Certains de mes élèves ont redoublé en GS ou CP. Ils sont toujours en difficulté. Même avec un suivi orthophonique sur plusieurs années. Le seraient-ils plus s'ils n'avaient pas redoublé? Impossible de la savoir mais cela ne me pousse vraiment pas à défendre le redoublement.

Cependant, en abordant ce point, tu touches un des problèmes majeur de l'EducNat: à part le redoublement, qu'avons nous à proposer? R.I.E.N.

Enfin, bien que je comprenne (et partage) le désir d'homogénéité des niveaux de classe dont nous avons la charge, je ne pourrais pas défendre l'idée que pour préserver cette homogénéité, il faille faire redoubler ceux qui "n'y arrivent pas" parce que, souvent, même avec une année de plus dans le même niveau, ils n'y arriveront pas beaucoup mieux.

Ce qu'il nous faudrait (et qu'on a failli avoir il me semble) ce sont des maîtres.sse.s en plus dans les classes pour aider, suivre et soutenir ces élèves qui en ont besoin.

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Je partage vos deux points de vue et j'ai expérimenté la situation décrite par Yann: un non lecteur en ce2/cm1 ne connaissant pas toutes les lettres. J'avais ce sentiment qu'il me volait mon temps, au détriment des élèves en difficulté ordinaire. De plus, malgré le temps que je lui consacrais, j'avais un sentiment de le faire à perte, la famille étant hostile à l'école et l'enfant dénué de toute motivation à faire quoi que ce soit. Le redoublement avait été proposé en cp, en ce1 et je l'ai proposé à l'issue du ce2. Refusé à chaque fois. Au final, il est devenu lecteur à raison de 4 séances d'orthophonie par semaine.

Avec le recul, je pense juste que comme le problème était familial, ce redoublement ne l'aurait pas aidé à atteindre le niveau visé, donc aurait été "inutile" de ce point de vue. MAIS, je pense aussi que cet enfant aurait pu connaitre des situations de réussite, aurait pu éviter d'être toujours à la marge de la classe ce qui aurait par ailleurs pu nourrir sa motivation (et aider au déclenchement du décodage). Le comportement de cet élève était très éloquent: il se mettait de lui même à l'écart du rang, visage fermé, et après un retour de vacances lors desquelles il avait progressé, il était souriant et se mettait dans le rang par 2.

Ce qui me chagrine le plus dans cette histoire et dans le traitement de la difficulté lourde, c'est l'absence de moyens donnés pour la résoudre. On ne compte que sur l'enseignant en classe qui doit "différencier". C'est d'abord un travail colossal quand les écarts de niveau sont d'une telle ampleur. Ensuite, la mise en oeuvre peut aussi se révéler difficile (mon élève ne faisait rien de lui même si je n'étais pas à coté de lui). Et le manque de résultat est culpabilisant pour le chef d'orchestre de cette différenciation de l'extrême qui est vouée à échouer dans bien des cas.

Enfin, le manque de prise sur les parents m'interroge, voire m'exaspère. On est laissé seul en classe à tout gérer, à être pointé du doigt parce qu'on ne s'occupe pas/ pas bien / pas assez de l'enfant décalé, tandis que les demandes de l'institution à ces parents sont timides, tardives et ne génèrent jamais aucun controle ou mise en demeure. Le bilan orthophonie demandé la 1e semaine de CP pour mon non lecteur de CE2 a eu lieu en juin de CE1. La prise en charge psy a eu lieu au bout de 3 ans. Les parents mettent en cause l'équipe éducative -j'ai une plainte nominative à mon encontre dans mon dossier à l'inspection- mais personne ne leur met la pression pour qu'ils s'occupent de leur enfant! Deux ans de perdus!! (et non, ce n'est pas le délai d'attente du quartier). Et des IP ont été faites, sans résultat.

Je rêve de plus d'adultes dans les écoles: des aesh, des maitres supplémentaires, voire soyons fous, une rotation paramédicale (ortho, ergo, infirmières, psy).

Tant qu'on nous laissera seuls dans des classes aussi hétérogènes, on ne pourra pas faire de miracles. (Ce qui peut amener à une auto dépréciation des personnels avec de la dépression à la clé)

 

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Il y avait autrefois, avant que la folie capitaliste ne s’abatte aussi sur l’école, un dispositif nommé CLAD...

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En quinze ans de carrière, le nombre de redoublements profitables se compte sur les doigts d'une main. Et je ne parle pas seulement de ceux effectués dans ma classe. Tout est dit. Ayant en charge une classe de CM1 (donc début de cycle) désormais je ne ferai quasiment plus redoubler. 

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il y a une heure, Sylvain a dit :

En quinze ans de carrière, le nombre de redoublements profitables se compte sur les doigts d'une main. Et je ne parle pas seulement de ceux effectués dans ma classe. Tout est dit. Ayant en charge une classe de CM1 (donc début de cycle) désormais je ne ferai quasiment plus redoubler. 

Je te comprends, quand en cm1 un élève est en grande difficulté, qu'il ne sait pas lire, c'est chaud...

Quand j'étais EFS les collègues faisaient passer les grands élèves en difficulté, le plus vite possible, direction SEGPA... Cette année j'ai l'impression que les collègues sont contents quand un élève en grande difficulté déménage (il peut y avoir un lien...), je peux les comprendre, il y a cette fatigue, cette solitude aussi. Mais il serait possible de faire autrement, je serai heureux, moi par exemple, de m'occuper des élèves en difficulté dans l'école, de constituer une classe avec des grands et des petits, avec de l'entraide et du tutorat, et bien sur des moments d'intégration dans les classes de leur niveau d'âge.

Qu'en maternelle tout redoublement soit "interdit" qu'en CP le redoublement soit déconseillé, c'est autre chose, c'est plutôt ça l'objet de cette discussion...

Mes ce1 non lecteurs profiteraient bien davantage d'un enseignement de CP plutôt que des concepts grammaticaux qui sont abordés cette année, et auxquels ils ne comprennent rien puisqu'ils ne peuvent pas suivre.

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Je suis T1 et j'ai l'impression que dans l'EN c'est toujours : "Ah mais non, ils sont petits, ils ont le temps, il faut leur laisser le temps, ça va venir, faut pas se précipiter, pas mettre une étiquette" et puis d'un coup "ah mais non, là, c'est trop tard, on ne peut plus rien faire, il aurait fallu agir avant."

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il y a 56 minutes, Liora a dit :

Je suis T1 et j'ai l'impression que dans l'EN c'est toujours : "Ah mais non, ils sont petits, ils ont le temps, il faut leur laisser le temps, ça va venir, faut pas se précipiter, pas mettre une étiquette" et puis d'un coup "ah mais non, là, c'est trop tard, on ne peut plus rien faire, il aurait fallu agir avant."

Je trouve que ce n'est pas propre à l'EN c'est aussi un discours largement entendu dans le milieu médical.

Cette année j'ai 3 élèves vraiment en décalage par rapport au langage écrit (lecture/écriture) en CE2. Arrivés avec un tout petit niveau, quasi non lectrice pour l'une (syllabes CV), partiellement déchiffreurs pour les 2 autres, ils ont progressé bien sûr mais sont loin d'avoir le niveau suffisant pour suivre un CM1 avec un minimum d'aisance et de profit...
Je vais tenter d'obtenir le redoublement pour l'un des 3, celle qui a le plus progressé, pour qui un suivi orthophonique a été mis en place en plus de ce que j'ai pu mettre en place en classe. Celle qui je pense pourrait profiter d'une année supplémentaire pour ne plus être une élève en difficulté à l'issue de cette année de plus. C'est je pense la seule des 3 pour qui ça pourrait être profitable.
Pour les 2 autres, le bilan orthophonique demandé n'a toujours pas été fait, le suivi des parents est très aléatoire, l'implication des enfants fluctuante, une année de plus ne suffirait pas à les remettre en selle...
Et oui, le problème de notre système éducatif est que nous n'avons pas autre chose à leur proposer à ces élèves là.... Ils seront donc très probablement encore en plus grande difficulté à l'entrée au collège où il sera trop tard pour y remédier mais on les gardera entre les murs de l'école jusqu'en seconde sans échappatoire d'un enseignement plus concret  et on s'étonnera qu'ils manquent de motivation...
 

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Peut être qu'une vraie modification des fondamentaux de maths et français devrait être envisagée: enseigner ces disciplines sous forme de maitrise de compétence plutot que par tranche d'âge.

Si on a le niveau 2 en maths et 5 en francais, on va suivre ces cours avec mme machin et monsieur bidule (et non plus suivre le programme de cm1 parce qu'on a l'âge du cm1). On aurait des élèves d'âge différent en maths 1, maths 2 etc mais ce seraient des groupes homogènes avec une validation d'un certain niveau de maitrise de telles compétences, 1 à 2x par an, avec modification des groupes si nécessaire.

La classe d'âge serait maintenue pour les autres disciplines car l'école a énormément à apporter en termes de développements relationnels et, à mon sens, il n'y a pas d'intérêt à raccourcir ou allonger le temps de scolarisation primaire.

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En fin de 5e, il est possible de partir en MFR pour faire des stages, préparer son orientation après la 3e sauf que la condition c'est d'avoir redoubler! C'est fou ! De ce fait, les élèves ne peuvent quitter le collège qu'en fin de 4e. Complètement aberrant je trouve.

De la 6e à la 4e: on a rien à leur proposer! Ils sont tellement à la rue car pas du tout le niveau, que leur but est de faire suer les profs, les camarades etc.... Désolant 😥. Je suis personnellement très choquée par le niveau des élèves en collège alors que je suis dans un milieu ordinaire, ni très favorisé ni très défavorisé.

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Il y a 14 heures, batmarie a dit :

Peut être qu'une vraie modification des fondamentaux de maths et français devrait être envisagée: enseigner ces disciplines sous forme de maitrise de compétence plutot que par tranche d'âge.

J'aime bien l'idée, même si ça semble utopique.

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