KerGraine Posté(e) 6 octobre Posté(e) 6 octobre Bonjour, j'ai plaisir à lire ce post et à y répondre, parce que ça m'incite à me questionner sur mon rapport à mon métier, et c'est intéressant. Je vais tenter de te répondre de mon point de vue. Attention, quand je vais parler du négatif, d'une part ça m'est personnel, d'autres ne le ressentent pas forcément comme ça, et je sais bien que ça fait partie du job, y a des bons et des mauvais côtés, et on prend le tout, on s'adapte. C'est la balance entre les deux qui nous dit si on est à la bonne place ou pas. J'ai 20 ans d'ancienneté. J'ai fait 17 ans en élémentaire, je suis en maternelle pour la troisième année consécutive. C'est déjà une première chose à prendre en compte pour toi : selon moi, enseigner en mater ou en élém', ce sont déjà 2 métiers différents. Je pensais ne pas aimer la maternelle, et que ce serait difficile physiquement (je suis handi, j'avais peur que ça épuise mon corps). Finalement je m'y plais énormément, parce que le rapport aux enfants et aux parents est différent de ce qu'on connaît en élém' (moins de pressions de la part des parents notamment, dans mon école rurale en tout cas). Dans mon métier j'aime le rapport avec les enfants, le fait qu'on soit avec eux tous les jours, toute l'année. Toutefois, quand on est face à un enfant avec qui ça ne passe pas (sans entrer dans les détails du pourquoi), on reste avec lui tous les jours, toute l'année, voire plusieurs années dans mon cas : je suis en TPS/PS/MS/GS/CP, j'ai accueilli en TPS un enfant avec qui ça ne passe pas (c'est comme ça, parfois il manque quelque chose, ou il y a quelque chose qui ne matche pas, on fait avec, comme avec les collègues), je sais que je fréquente quotidiennement cet enfant depuis 3 ans, et que ce sera encore le cas pendant 2 ans, je fais avec, mais parfois c'est un peu lourd. Pour revenir sur la charge de travail, tu t'interroges sur ce qu'elle représente. Certes on a qu'une classe, quand on est titulaire d'un poste d'adjointe. Mais ça peut être un multi niveau, en mater et/ou en élém'. Alors là tu as 3, 4, 5 niveaux à préparer chaque jour, et même si en effet les corrections sont moins longues qu'au lycée, elles occupent quand même un certain temps, surtout en cycle 3. En cycle 1, à l'inverse, si les corrections sont souvent instantanées avec les enfants, c'est le temps de préparation qui peut prendre du temps, l'affichage, les cahiers de vie ou de suivi, l'équivalent du livret scolaire... et j'ai lu qu'on n'a pas de classe de primaire à 36, c'est vrai, mais 20 élèves sur 5 niveaux, c'est lourd, et j'ai déjà eu un multi niveau de maternelle à 31. Pour ma part, je "profite" de mon statut de travailleuse handi pour être à temps partiel. J'ai travaillé quelques années à temps plein, je n'ai jamais tenu une année sans arrêt maladie, c'est trop lourd, les 26h hebdo (et dans les petites écoles rurales à 1 ou 2 classes, tu n'as aucune pause, tu surveilles toutes les récrés, tu fais tous les accueils). J'ai donc choisi d'avoir un salaire moindre (et bien moindre que si j'étais dans le secondaire), qui tournait autour de 1850€ net par mois avant que je ne devienne directrice, avec 18 ans d'ancienneté, et de ne travailler qu'à 75%. Le temps plein, avec en plus les formations parfois le soir après l'école, ou le mercredi matin (certes il n'y a "que" 24h, mais quand on est ko, qu'on a du boulot, et que les formations sont passables, on y va vraiment, vraiment à reculon), les rv avec les parents, les APC, plus le boulot qu'on fait quand on n'est pas devant élèves... pour moi le temps artiel est devenu une nécessité, je n'envisage pas de reprendre un jour à temps plein. Personnellement, j'aime les contacts fréquents et quotidiens avec les parents, je les invite à participer à la vie de la classe (dans les limites que je pose), mais je sais que beaucoup de collègues souffrent de l’ingérence des familles. Ce qui me manque, c'est du temps de travail en équipe, du temps de réflexion. J'apprécie de faire un point quotidien avec l'atsem de la classe, mais avec ma collègue d'élém' nous avons très peu de temps pour discuter du fond, on est tout le temps dans le gestion du concret, du quotidien... Mais j'aime ce métier, j'aime voir quand les enfants réussissent, quand j'ai réussi à transmettre quelque chose, quand ça fonctionne, j'aime voir l'entraide entre les enfants, j'aime préparer des activités et y glisser les apprentissages, j'aime voir les enfants grandir et s'émanciper, devenir autonomes... je travaille trop, je travaille tous les jours chez moi, c'est mon défaut, je fais avec. Jamais je ne reproche à mes collègues de ne pas en faire autant que moi, je pense même que c'est eux qui ont raison, mais je suis maman solo d'un ado, j'ai du temps, et au bout de 20 ans je réalise que c'est dans mon métier que je grandis et m'émancipe à mon tour, et donc j'accepte d'y consacrer tant. C'est ce qui compte, finalement, être heureuse d'aller travailler, même si on ne fait pas "bien", comme je dis à mes élèves, c'est pour moi que je travaille, pas pour avoir de la reconnaissance, pas pour me comparer à mes collègues, pas pour faire plaisir à la cheffe, ou aux parents. Et depuis que je le vis comme ça, j'y vais avec plaisir, 3 matins par semaine ! Je te souhaite donc surtout de trouver ton équilibre, et puisque apparemment on peut être détachée une année, j'ai envie de te dire vas-y, tente ! 1
Damaelis Posté(e) 7 octobre Posté(e) 7 octobre Je te remercie. Ta longue réponse et ton analyse détaillée nourrit ma réflexion. Je me retrouve beaucoup dans ce que tu aimes de ton métier, ce sont ces aspects là qui m'attirent justement, même si je suis consciente qu'on ne peut pas vraiment savoir tant que l'on a pas testé. J'ai envie d'une relation plus approfondie avec les élèves, de pouvoir vraiment les voir progresser et pouvoir y contribuer vraiment. Je ne supporte plus le "zapping" à chaque heure de cours pour changer de classe et les centaines d'élèves chaque année. Ce qui est étonnant peut-être c'est qu'en fait travailler beaucoup ne me dérangerait pas, en tout cas moins qu'en ce moment car je commence à développer un certain rejet de ma discipline et les préparations en deviennent un calvaire. A l'inverse j'aime encore corriger. Il est vrai que je me demande comment on peut gérer une classe à multiple niveau mais j'imagine que l'expérience aide. Bref, il faut que j'arrête de tergiverser et que je me fasse mon expérience.
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