tangi75 Posté(e) 21 octobre 2010 Posté(e) 21 octobre 2010 Bonjour à toutes et à tous, Ma question porte donc sur la pédagogie constructiviste: qu'est-ce précisément et comment est-elle mise en œuvre à l'école ? Avant de développer cette question je tiens à préciser quelques points : - Je ne cherche pas à polémiquer sur les méthodes de lecture ou de math d'hier ou d'aujourd'hui, à militer pour le savoir, le maître ou l'élève au centre du système - Je souhaite juste accompagner ma fille dans ses apprentissages en bonne harmonie avec la progression suivie au sein de l'école. Un texte de Philippe Perrenoud, "Le constructivisme n'est ni un dogme, ni une mode" (http://www.alter-education.org/version_noire/constructivisme.htm) décrit à mon sens parfaitement le concept et les enjeux. Mon problème est que ce que j'observe des méthodes en vigueur qui se revendiquent constructivistes répond assez mal à cette définition. Les adversaires de ce courant majoritaire utilisent quant à eux ce terme comme un anathème. Des affrontements virulents font régulièrement les gros titres mais si je regarde de près la ligne de front annoncée par les deux camps, la frontière constructivisme-transmission me semble quasi-déserte. Peu de constructivisme effectivement constaté et aucun parent ou association pour en réclamer plus. Commençons par un domaine où la définition du constructivisme semble consensuelle, les sciences. Une approche (socio-)constructiviste comme la Main à la Pâte est pour tout scientifique évidemment plus alignée avec la nature réelle de la science qu'une pure transmission traditionnelle qui sert en pratique plus à sélectionner (reproduire) une élite (masculine) qu'à développer un esprit scientifique. Pourtant malgré la position institutionnelle forte des "constructivistes" dans l'EN, l'enseignement scientifique reste très largement de la simple transmission. Est-ce du à la culture majoritairement littéraire des enseignants du primaire ou à une question d'emploi du temps (vraie complexité de préparation) ? Il est clair qu'on ne peut pas prendre le temps de faire tout découvrir par l'expérience et qu'une transmission théorique plus large est incontournable pour espérer "se hisser sur les épaules des géants". Sur la partie expérimentale j'ai déjà de quoi occuper mes week-ends. Passons aux maths. Les programmes de géométrie se sont fortement réduits au cours des dernières décennies. Au CP par exemple, certains manuels ne vont guère au delà du tracé à la règle le plus basique et du coloriage de figures. L'abandon de la transmission est net mais on me semble loin d'un progrès par la voie du constructivisme. Outre son utilité pratique au quotidien et son importance dans l'histoire des sciences, la géométrie est pourtant un formidable support au développement des capacités de résolution de problèmes, tant abstraits que concrets. Côté arithmétique, la numération semble aujourd'hui beaucoup plus séduisante que par le passé (enseignement à l'ancienne ou maths modernes) mais relativement déconnectée des opérations arithmétiques, abordées tardivement, et nettement de la résolution de problèmes. Curieux d'un point de vue constructiviste quand on se souvient que le nombre et l'opération sont indissociables dans l'histoire des mathématiques depuis le Néolithique. Ayant récemment découvert par hasard les réglettes Cuisenaire dans une brocante, j'essaie par cet outil de relier ces notions pour consolider le tout. Exclusivement par le jeu à la maison, les journées sont assez longues comme ça, en utilisant par exemple ces réglettes comme des cartes d'un jeu de bataille pour intégrer les grandeurs dans un premier temps, le décompte des points se faisant via des "tapis" aux règles d'élaboration de plus en plus complexes. C'est redoutablement efficace et plaisant pour l'enfant (taille de mon échantillon : 1) qui fait facilement le lien avec le calcul tel que pratiqué à l'école. Il apprend - en complément - à calculer sur des valeurs ordinales palpables (les réglettes) sans passer systématiquement par l'équivalence cardinale (les jetons). Les égalités sont également très visuelles et les jeux auto-correcteurs. Du constructivisme soixantenaire ! Mon beau-père instit du même âge n'en revient pas de ne jamais en avoir entendu parler. Les réglettes victimes des maths modernes ? J'ai gardé pour la fin la matière la plus chaude, l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, qui alimente une foire d'empoigne récurrente digne des Médecins de Molière. A ce stade, j'espère que l'on ne me soupçonnera pas d'anti-constructivisme primaire. J'étais pourtant (ou de ce fait) méfiant depuis la lecture des programmes de CP ("reconnaitre" les mots, ...) et encore plus à la découverte du manuel de ma fille. Rapidement elle est rentrée en connaissant systématiquement les textes par cœur (elle "lisait" en détournant la tête des textes récités inlassablement dans la journée) et surtout en ayant développée l'habitude de deviner les mots en fonction du contexte, sans souci de plausibilité. Le manuel entier est structuré dans ce sens : traitement minimaliste et annexe de la correspondance graphème/phonème, un son par semaine, nettement insuffisant pour un apprentissage rapide du déchiffrage. En quoi cette mémorisation globale et cet entraînement à la devinette et à l'approximation sont-ils constructivistes ? Ai-je tort de trouver ça profondément pervers ? J'ai du mal à percevoir d'un point de vue conceptuel l'intérêt de la toujours forte composante globale des méthodes actuelles, au delà de l'acquisition d'une poignée de mots-outils. Encore plus de mal à trouver un socle expérimental et des évaluations qui la justifient. Ce qui ne fait pas de moi pour autant un partisan du B-A-BA. Pour m'expliquer, je vais invoquer l'IUFM via les arguments d'Evelyne Charmeux et d'André Ouzoulias. La première considère qu'il faut que les enfants apprennent en appliquant directement les techniques utilisées par les lecteurs habiles, soit ne pas "apprendre à nager sur un tabouret" selon son expression. Dans la même logique, ne faudrait-il pas interdire le quatre-pattes aux bébés ? Elle justifie également l'approche globale par la non-existence des syllabes en français écrit. Certes la Terre n'est pas plate non plus mais cela n'enlève rien à l'utilité des cartes. Un raisonnement bancal ne suffit toutefois pas à invalider une proposition. Le problème est que je n'arrive pas à trouver de données qui validerait son credo : "En fait, le déchiffrage, c'est une certaine manière de se servir de la combinatoire, manière peu efficace puisqu'elle intervient avant la compréhension, et puisqu'elle s'effectue de façon mécanique, et linéaire. Il semble aujourd'hui acquis que le déchiffrage soit à déconseiller, dans la mesure où il apparaît bien comme une gêne à la compréhension.". Au contraire, les données que je trouve (exm: Pratiques pédagogiques et apprentissage de la lecture, Liliane Sprenger-Charolles et Pascale Colé, http://www.cahiers-pedagogiques.com/article.php3?id_article=2243) montrent l'inverse. Je suis preneur de sources contradictoires. Au final, de tout ce que j'ai pu lire sur le sujet, c'est sans doute le texte "La lecture et son apprentissage" d'André Ouzoulias (http://freinet.org/ne/113/recherche113-pdf.pdf et http://www.freinet.org/ne/114/recherche114-pdf.pdf) qui m'a semblé le plus solidement étayé mais là on s'éloigne sensiblement de Charmeux. Un concept de dictionnaire mental explicite remplace les automatismes habituellement décrits. Ce qui change tout. Un automatisme se construit par une pratique régulière de la compétence qu'on souhaite renforcer (lecture habile). Ce dictionnaire mental introduit un niveau d'indirection. Nul besoin de le construire comme on va l'utiliser, surtout au début. D'où l'intérêt d'utiliser pour le construire des unités à faible coût mnésique même si on ne les utilisera plus ensuite une fois devenu lecteur habile (lecture globale). Quelles unités de construction pour ce dictionnaire donc ? Les phonèmes/graphèmes ? Trop abstraits surtout en français, langue très irrégulière. Les mots ? Pour les mots-outils peut-être, au-delà on revient au global... Les syllabes ? Pourquoi pas, même si elles n'existent pas ? Après tout, comme le quatre-pattes, c'est temporaire. J'ai donc adopté un jeu de syllabes mobiles, le Syllamots, pour introduire progressivement les syllabes, leur composition en mots et leur décomposition en phonèmes et graphèmes. J'aide à reconnaitre les mots-outils à l'intérieur des syllabes (il, elle, le, la, et, ...), je souligne les analogies (chapeau, chameau, ...), etc. Là encore, c'est redoutablement efficace et plaisant pour l'enfant qui *construit* lui-même son dictionnaire mental via son propre déchiffrage (assisté), sans ânonnement ni mémorisation globale. Au final, j'ai l'impression de passer beaucoup de temps à ajouter des louchées de constructivisme (à la sauce ludique) pour justement compenser ce que je pense être des faiblesses importantes dans des approches qui se veulent pourtant constructivistes. Les seules critiques que l'on entend viennent des nostalgiques du B.A.BA qui reprochent justement ce constructiviste pourtant difficilement décelable. Quelqu'un marche sur la tête. Est-ce moi ? Reste un élément factuel, le rapport PISA dont le prochain est déjà précédé de rumeurs très négatives concernant le positionnement français. Je vous remercie par avance de m'aider en pointant mes erreurs de perception ou en confirmant que cette pédagogie constructiviste l'est finalement bien peu.
Invité mufab Posté(e) 21 octobre 2010 Posté(e) 21 octobre 2010 Ton lien est très intéressant. J'en retirerais ceci : Le constructivisme n'est ni une mode, ni une doctrine. Ce n'est pas non plus, en soi, une démarche pédagogique Ce qui, à mon sens, signifierait que le constructivisme se définit davantage du point de vue de l'apprenant : un (le ?) processus d'apprentissage commun à tous (en gros remise en cause - plutôt modérée et progressive, selon Vygostski, si l'on veut qu'elle soit efficace- du savoir antérieur, afin de faire progresser ses représentations), que du point de vue de l'enseignement. Ce qui n'enlèverait donc pas à la transmission, ou aux démarches déductives, son effet. Rien ne s’oppose à ce qu’il y ait remaniement du schème à partir d’une information extérieure apportée par l’enseignant par exemple (ex : la lecture d’un documentaire en sciences). Même si la démarche inductive (de la découverte à la construction de la règle) est majoritairement privilégiée, pas mal de notions peuvent se tourner économiquement vers les démarches déductives ou transmissives. D'autre part, à ce que je me souviens de mes (lointains) cours d'IUFM, la prise en compte de ces modalités d'apprentissage, aujourd'hui indéniables, peuvent effectivement entraîner des démarches d'enseignement qui se calqueraient sur elles : on partirait d'une "situation problème", choisie dans une zone où elle peut être résolue par l'enfant -seul ou en groupe-, mais au prix d'un léger remaniement de ses représentations. Cette situation problème entraînerait, si tout se passe bien, l'évolution d'une définition ou d'une technique antérieure, qui, ainsi découverte, permettrait de résoudre de nouveaux problèmes (mise en pratique dans la phase d'entraînement). Perso, sur une journée de classe et sur l'ensemble des disciplines, je ne pense pas qu’on puisse systématiser cette démarche (certains y arrivent sans doute et alors chapeau !): elle a un coût en temps et en énergie (je parle aussi pour les élèves) assez énorme. C'est peut-être en mathématiques (je pense à la démarche de Capmaths) qu'elle est le plus pratiquée (?). Je te parle là en absolue non-spécialiste de la question. Qui pense en outre que seule la diversité des approches pédagogiques, au sein d'une même année, ou sur plusieurs, peut donner au plus grand nombre d'enfants la possibilité d'intérioriser les savoirs. Pour la lecture, je te renvoie à 2 débats intéressants du forum. http://forums-enseignants-du-primaire.com/topic/239241-conference-retz-sur-la-lecture/page__st__50__p__4896163__fromsearch__1#entry4896163
tangi75 Posté(e) 21 octobre 2010 Auteur Posté(e) 21 octobre 2010 Merci beaucoup pour cette réponse éclair ! J'avais effectivement une définition beaucoup plus restreinte que celle que tu donnes qui englobe les sous-processus induits et pas seulement un processus principal piloté par l'enseignant. Concernant le coût en temps et énergie, je commence à mesurer le problème, qui multiplié par 25 enfants donne le vertige Merci encore pour les liens, je vais vite lire ça. Ce forum est vraiment une mine !
Invité mufab Posté(e) 21 octobre 2010 Posté(e) 21 octobre 2010 Merci beaucoup pour cette réponse éclair !J'avais effectivement une définition beaucoup plus restreinte que celle que tu donnes qui englobe les sous-processus induits et pas seulement un processus principal piloté par l'enseignant. Tangi75, surtout ne le prends pas pour argent comptant... C'est juste ma représentation , (vue par le petit bout de la lorgnette de "l'adjoint de base") qui ne demande qu'à évoluer. Mais tu as ouvert la discussion ! Merci !
tangi75 Posté(e) 21 octobre 2010 Auteur Posté(e) 21 octobre 2010 Merci beaucoup pour cette réponse éclair !J'avais effectivement une définition beaucoup plus restreinte que celle que tu donnes qui englobe les sous-processus induits et pas seulement un processus principal piloté par l'enseignant. Tangi75, surtout ne le prends pas pour argent comptant... C'est juste ma représentation , (vue par le petit bout de la lorgnette de "l'adjoint de base") qui ne demande qu'à évoluer. Mais tu as ouvert la discussion ! Merci ! Pas de soucis. C'est tout de même un avis plus éclairé que le mien. Je me suis arrêté au test de pré-sélection à l'IUFM J'hésitais entre instit et informaticien, j'ai finalement choisi la seconde voie.
tangi75 Posté(e) 21 octobre 2010 Auteur Posté(e) 21 octobre 2010 (modifié) Pour la lecture, je te renvoie à 2 débats intéressants du forum. http://forums-enseignants-du-primaire.com/topic/239241-conference-retz-sur-la-lecture/page__st__50__p__4896163__fromsearch__1#entry4896163 Je connaissais les travaux de Dehaene. J'avais pas voulu le citer car les sciences cognitives sont trop souvent instrumentalisées après un cycle au programme réduction/extrapolation. Pour info, la reconnaissance des visages fonctionne de la même manière (sauf que c'est inné). Et oui un visage se déchiffre ! On parle d'ailleurs là aussi de traits. Modifié 21 octobre 2010 par tangi75
tangi75 Posté(e) 22 octobre 2010 Auteur Posté(e) 22 octobre 2010 Ça fait plaisir de voir que les Juifs allemands sont toujours moteur dans la vie des idées. Le produit d'une solide perplexité sans nul doute Merci de tout cœur Rikki pour ce passionnant retour d'expérience ! J'avais déjà lu beaucoup de contributions très intéressantes de ta part sur ce forum. Je vais suivre avec attention le parcours de ce petit Architecture. Concernant les réglettes Cuisenaire, je n'ai pas encore été confronté avec le problème des cm mais j'ai peut-être une idée qui pourrait s'appliquer dans ce cas. Après avoir vu le 10+10 (orange+orange), ma fille a voulu faire 100+100, 1000+1000. L'occasion idéale pour lui montrer que l'unité (blanche) pouvait représenter ce qu'on voulait. Sur le tout socio-constructiviste, Mufab a été très clair : le temps et l'énergie ne sont pas infinis (ni ceux de l'enseignant, ni ceux des enfants en mode attentif). Difficile donc ne de rien passer à la trappe. Difficile aussi d'estimer le temps que les enfants vont prendre pour faire leur cheminement. Et si on accélère et force le "bouclage", on perd une grosse partie du bénéfice espéré. On est quand même très loin de cet extrême. Le découpage que tu décris en phases bien distinctes - transmissive et constructiviste - me semble être un équilibre assez pragmatique. Quels types de bénéfice as-tu pu constater par cet "étayage" ? Une réduction du besoin de répétition de la transmission ? Si oui, est-ce que ça va plus vite au total ? Moins d'enfants "largués" ? Plus de motivation ? Des acquisitions plus durables ?
Invité mufab Posté(e) 23 octobre 2010 Posté(e) 23 octobre 2010 La méthode à laquelle j'ai travaillé s'appelle Archilecture. L'idée, c'est que l'élève est un petit architecte qui doit construire ses textes – tout est axé sur la production écrite. Principe de base : on choisit un type et un thème d'écrits, le gamin produit un premier jet, puis on donne des textes-modèles, on dégage des critères de réussite à partir de ces textes, on fournit des leçons d'étude de la langue en conséquence, et on revient par jets successifs sur le brouillon initial pour parvenir à un "chef d'œuvre". Rikki si tu repasses par ici... Je change de sujet, mais je travaille de cette façon avec mes ce2 (du moins j'essaie) mais c'est un énorme bricolage car je n'ai pas trouvé de manuel assez simple qui puisse réellement m'aider dans cette voie avec un niveau de production d'écrit au départ très modeste. Si tu as un titre en tête... Même édité à l'étranger, je consulterais bien. (J'ai regardé le site de l'éditeur d'Archilecture, et je crois qu'il n'est que pour les Cm1). Merci ! Merci de tout cœur Rikki pour ce passionnant retour d'expérience ! J'avais déjà lu beaucoup de contributions très intéressantes de ta part sur ce forum. C'est normal c'est ma copine !
Invité mufab Posté(e) 23 octobre 2010 Posté(e) 23 octobre 2010 Oui, je connais un peu "Facettes Ce2", il est très ambitieux, notamment pour les classes "public difficile". Ou alors il faudrait transformer l'emploi du temps et préconiser 24 heures d'EDL. Pour dire, mes 2 pauvres objectifs en "production d'écrit" (si on peut appeler ça comme ça) ont été pour le moment : 1) Recopier un texte sous différentes présentations (narration, dialogue, poésie), et relever dans un texte des éléments de réponse 2) Répondre à une question par une phrase "canonique", en cherchant différentes stratégies selon la nature de la question. Après les vacances, je souhaite travailler sur "lecture et écriture de consignes". C'est très modeste, mais ça correspond à un besoin réel (je me console ainsi). Donc, voilà, désolée, on est toujours copines, hein ! Plus que jamais !
Invité mufab Posté(e) 23 octobre 2010 Posté(e) 23 octobre 2010 Et la DEL de Rikki, n'aurait-elle pas grillé, Si un peu plus longtemps elle l'y avait laissé ? Que vienne parmi nous un vrai théoricien Qui éclaire nos lanternes sans nous nous brûler les mains. Pfff n'importe quoi ! OK
Invité mufab Posté(e) 23 octobre 2010 Posté(e) 23 octobre 2010 Que vienne parmi nous un vrai théoricien Qui bien sûr ne s'exprime qu'en purs alexandrins.
Mogwli Posté(e) 23 octobre 2010 Posté(e) 23 octobre 2010 Bonjour, et merci d'ouvrir une discussion sur ce sujet passionnant. Je suis allée lire l'article de P. Perrenoud que vous citez au début de cette discussion, et j'en ai extrait ce passage : "Le constructivisme bien compris a des implications didactiques majeures: nul ne peut mener l'activité de réorganisation du réseau de concepts et de représentations du monde à la place du sujet apprenant. Un enseignant ne peut que stimuler cette activité, lui donner du sens, l'étayer, la rendre plus rapide, plus sûre, moins décourageante. C'est le rôle de la pédagogie et des diverses didactiques des disciplines. C'est le rôle des moyens d'enseignement. C'est le rôle des professeurs. Une "pédagogie constructiviste" n'est rien d'autre que la prise en compte du caractère incontournable de la construction active des savoirs." Si l'on admet cette définition du constructivisme, alors je dirais que, dans l'enseignement primaire en tout cas, tout enseignant ne peut être que constructiviste. Je crois que nous sommes tous d'accord sur un point, quels que soient nos choix pédagogiques par ailleurs : L'enfant n'est pas un vase qu'on remplit, pour reprendre la célébrissime citation de Montaigne. Il ne suffit donc pas de déverser sa gelée royale dans le crâne d'icelui pour qu'il y ait apprentissage. Est-ce que pour autant il faut adopter une pédagogie dite constructiviste ? C'est ce que j'ai fait, comme beaucoup de collègues, en début de carrière. Je n'avais de toute façon guère le choix : c'est à cela exclusivement que j'avais été formée à l'IUFM, et aucune autre alternative ne m'avait été présentée lors de ma formation. J'ai donc abondamment pratiqué le travail de groupe (pour le fameux conflit socio-cognitif), mis en place des situations d'apprentissage censées rendre mes élèves actifs et maîtres de leurs apprentissages, tout ça, tout ça. Bilan des courses : plutôt satisfaisant pour les quelques élèves brillants qui constituaient la tête de classe et qui disposaient déjà d'un bon capital de connaissances, de procédures et qui étaient bien avancés dans la maîtrise de la langue, donc aptes à débattre et convaincre leurs pairs lors des conflits socio-cognitifs. Pour les autres -la majorité- et, en particulier, les plus faibles, bilan globalement négatif. Pas de progrès notables, développement d'une attitude passive (lors des activités en groupe par exemple, identification de celui qui était supposé trouver la "bonne" réponse ou la "bonne" procédure" afin de le suivre), installation des plus fragiles dans une représentation d'eux-mêmes comme "pas doués", "pas capables"... Mais surtout, beaucoup de temps passé dans ces situations de recherche, et peu de temps restant pour l'entraînement, la structuration, la réactivation, l'entretien. En fin de compte, beaucoup "d'hyperactivité" et peu d'efficacité ! Bref, j'ai commencé à chercher d'autres voies, avec un critère principal : l'efficacité auprès du plus grand nombre, et en particulier de ceux qui n'étaient pas "bien nés" comme on disait dans les temps anciens. A ce stade, j'ai commencé à établir une distinction entre les compétences qui ne peuvent être certes construites que par l'élève, et les contenus et procédures qui peuvent être transmis par l'enseignant pour étayer cette construction. J'ai donc progressivement évolué vers une pédagogie dite transmissive, avec une réflexion de plus en plus exigeante quant aux progressions et à la manière de mener les leçons. Toujours des phases de manipulation pour certaines séances, mais très dirigées. Beaucoup de transmission quant aux connaissances et aux procédures, avec le souci d'être le plus explicite possible. Bilan : au bout de quelques mois, des élèves de plus en plus actifs dans leurs apprentissages, des progrès notables de chacun (y compris des plus fragiles), une meilleure image de soi en tant qu'élève (grâce à la découverte des effets de la persévérance et des efforts), les "vilains petits canards" qui prennent confiance en eux et qui se montrent affamés, et, en fin d'année, des élèves réellement autonomes (sauf exception) qui vont de l'avant !!! Je ne suis donc pas près d'abandonner cette voie transmissive, que je creuse en essayant d'améliorer ma pratique d'année en année. Bon, cela dit, si un jour je me retrouve avec une classe Camif exclusivement composée d'enfants d'enseignants, je n'exclue pas la possibilité de pratiquer durant cette année-là une pédagogie dite constructiviste... En conclusion, en l'état actuel de mon humble réflexion et de ma modeste expérience, je dirais que ce qui me permet de prendre en compte la "réalité constructiviste" évoquée par P. Perrenoud de la manière la plus satisfaisante, c'est d'adopter une pratique dite transmissive.
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